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Patrice Talon, prince de tragédie

Par ses manoeuvres électorales, Patrice Talon tente aujourd’hui de museler ses opposants dont certains ont dû se résoudre à l’exil. Peut-être oublie-t-il qu’il a lui aussi connu l’éloignement forcé avant de revenir au Bénin pour s’emparer de la présidence.

L’une des règles d’or de la morale universelle, sur laquelle reposent en grande partie les sociétés démocratiques, dit : ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse. Une variante de cette maxime pourrait être : ce qui t’a été fait par tes ennemis d’hier, ne le reproduis pas sur tes adversaires d’aujourd’hui au risque de passer pour un homme vengeur, qui ne connaît ni le pardon, ni la mansuétude, ni la magnanimité. C’est encore plus vrai pour un chef d’Etat, dont on attend qu’il fasse preuve de toutes ces qualités. Patrice Talon ferait bien de méditer cette maxime s’il ne veut pas rester dans l’Histoire comme celui qui aura étouffé la démocratie béninoise en muselant ses opposants politiques. 

Il est à la fois fascinant et déplaisant de revoir les images, prises il y a quatre ans, du retour au pays de Patrice Talon après trois années passées en France. Un éloignement du continent africain qui avait été provoqué par la violente rupture avec son ancien ami et allié Boni Yayi. A l’époque, les partisans de M. Talon accusaient le Président Yayi d’avoir poussé leur champion à l’exil. Un an après son retour, à l’issue d’une campagne rondement menée, l’ancien proscrit prenait le fauteuil de Président à la régulière.

Un fauteuil qu’il semble avoir le plus grand mal à remettre en jeu, comme le montre son attitude lors du dernier scrutin législatif. Une parodie d’élections lors de laquelle, du fait d’une réforme  controversée du code électoral, aucun de ses opposants n’a été en mesure de se présenter. Aujourd’hui, Patrice Talon se targue de vouloir apaiser les esprits en organisant ce qui ressemble de plus en plus, là aussi, à une parodie de dialogue national. Dialogue partial et excluant car adossé à une « charte des mouvements politiques » qui, comme par hasard, évince des discussions le parti de Sébastien Avajon.

Comme un mauvais remake

Faut-il que les brillants stratèges qui ont conseillé cette manoeuvre au Président n’aient aucune conscience politique pour ne pas voir qu’ils sont en train de rejouer la pièce qui a conduit leur patron au pouvoir ? Aujourd’hui officiellement reconnu comme exilé, M. Avajon accuse Patrice Talon de l’avoir contraint en exil sur fond d’acharnement politico-judiciaire. Ils sont nombreux, à l’instar de l’homme d’affaires, à avoir trouvé refuge en France en attendant des conditions favorables à leur retour. Comment le chef de l’Etat ne voit-il pas qu’en agissant comme il le fait, il crée les conditions pour que demain, un autre Béninois, peu importe son nom, ne revienne triomphalement au pays pour se dresser contre lui en agitant devant les électeurs la réthorique  redoutable du triomphe contre l’injustice ?

Peut-être le pouvoir est-il ainsi fait qu’il pousse ses détenteurs à reproduire les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs. Peut-être qu’à la manière de ces princes de tragédie, Patrice Talon ne peut-il pas s’empêcher de faire le vide autour de lui, croyant retarder la fin de son règne et créant ainsi les conditions d’un départ crépusculaire et honteux, une fois épuisée la patience des Béninois.

A moins que ne vienne l’heure du pardon. A moins que le Président ne renonce à son attitude intransigeante et vindicative comme Boni Yayi l’avait fait en son temps, autorisant le retour au pays des exilés, l’insertion dans le jeu électoral des candidats proscrits et l’exercice normal et apaisé de la démocratie.

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