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Nouvelles stratégies africaines : le Maroc et la coopération Sud-Sud

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Ces dernières années la coopération entre acteurs africains a connu un véritable essor grâce à l’action d’acteurs étatiques — comme l’Égypte — ou non étatiques — comme la compagnie Royal Air Maroc.

La Coopération Sud-Sud concerne tous les échanges approfondis entre au moins deux pays en développement. Ces derniers peuvent partager leurs connaissances, compétences, expertises ainsi que leurs ressources pour atteindre des objectifs de développement grâce à un effort commun. Le terme est officiellement lancé en 1978, lors de la première Conférence des Nations Unies sur la coopération technique entre pays en développement (CTPD) qui se tenait en Argentine. Cette coopération « contribue au bien-être de leurs populations et à leur autonomie économique et peut accélérer le progrès vers la mise en œuvre des Objectifs de développement durable » d’après l’ONU.

« Les faits parlent d’eux-mêmes », rappelle le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres. « Les pays du Sud ont contribué à plus de la moitié de la croissance mondiale ces dernières années ; le commerce intra-Sud est plus important que jamais et représente plus du quart du commerce mondial ; les sorties d’investissements directs étrangers du Sud représentent un tiers des flux mondiaux ».

L’Égypte au cœur du développement des rapports Sud-Sud

L’Égypte, qui a succédé au Rwanda à la tête de l’Union africaine en février 2019, s’illustre comme l’une des forces motrices de la coopération Sud-Sud. Le Caire a ainsi fait le choix de regarder vers le continent africain, en mettant en œuvre de vastes programmes de coopération, allant du militaire à l’économie en passant par le commerce interrégional, avec ses voisins subsahariens. Un grand pas en avant quand on se rappelle que Hosni Moubarak refusait de se rendre en Afrique subsaharienne depuis une tentative d’attentat en Éthiopie en 1995. Ces dernières années, Le Caire a même multiplié le nombre de bourses destinées aux étudiants africains désireux de suivre un cursus dans les universités du pays.

« Mon pays est engagé à se rapprocher de l’Afrique et nous sommes déterminés à œuvrer pour le renforcement de nos liens avec tous les pays du continent sans exception » assure désormais le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Cette action s’est récemment illustrée à travers une série de visites visant à un rapprochement avec la République du Soudan, pour multiplier les coopérations et les partenariats public-privé. Une opération qui vise à accélérer la relance économique dans ce pays tout juste sorti d’une crise politico-militaire majeure — en particulier la reconstruction des infrastructures de base et d’un cadre propice au développement des affaires.

Fin juin, al-Sissi rappelait également que son pays s’engageait à fournir une assistance continue au Soudan du Sud dans son processus de paix et à participer à la stabilité dans la région et dans son pays. Il a aussi été très actif dans les tentatives de résolution du conflit qui enflamme la Libye depuis la chute du colonel Kadhafi en 2011. La proposition d’al-Sissi de mettre en place au Caire un Centre pour le développement de la reconstruction post-conflit et le lancement d’un Forum pour la paix et le développement durable à Assouan, qui ambitionne de devenir un forum de dialogue pérenne sur la sécurité en Afrique, vont également dans ce sens.

Vis-à-vis des autres continents, l’Égypte tente aussi de promouvoir les positions de l’Afrique. Une stratégie illustrée par ses récents efforts pour obtenir la nomination d’un envoyé spécial conjoint de l’UA et des Nations unies, qui permettrait de mieux représenter les intérêts du continent — et du Sud plus généralement — sur la scène internationale. Certains voient toutefois dans cette omniprésence du Caire une position léonine — voire prédatrice — et accueillent les initiatives égyptiennes avec un certain scepticisme. Ils voient « les limites de la volonté d’intégration de l’Égypte, qui, comme les autres grandes puissances africaines telles que l’Afrique du Sud, le Nigeria ou l’Algérie, sont réticente à une Union africaine trop forte et trop intrusive », note Andrews Atta-Asamoah, spécialiste de l’ISS.

Royal Air Maroc, un acteur privé particulièrement impliqué en Afrique

L’engagement du Maroc en faveur de la coopération Sud-Sud — en particulier en tant que bailleur de fonds africain — n’a pas à rougir en comparaison avec le récent retour de l’Égypte en Afrique subsaharienne. Les grandes orientations d’ouverture économique et culturelle du Royaume ont en effet fait la part belle au continent. C’est ainsi que mardi, à l’occasion de la 18ème conférence de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) à Abu Dhabi, l’ambassadeur marocain Mohamed Ait Ouali a réitéré la volonté du pays de développer un partenariat fructueux avec l’Organisation. « A la lumière de la libéralisation du commerce mondial et de l’ouverture aux marchés internationaux, l’Afrique se trouve confrontée à un manque de compétitivité », a expliqué M. Ait Ouali, plaidant pour le développement des infrastructures et l’innovation dans le privé afin d’y faire face.

Le pays s’illustre également par les actions panafricaines de ses entreprises privées. C’est notamment le cas de Royal Air Maroc, qui participe pleinement au renforcement de la coopération Sud-Sud en multipliant les partenariats avec des opérateurs économiques et des investisseurs africains dans plusieurs domaines majeurs.

Aujourd’hui, la compagnie aérienne dessert pas moins de 32 grandes métropoles africaines, ce qui lui permet de connecter toutes les grandes plateformes d’import-export du continent entre elles, mais aussi avec l’Europe et l’Amérique, ce qui permet aux exportations africaines d’accéder aux marchés internationaux. Ce réseau étendu participe au renforcement des liens économiques entre plusieurs pays du continent et dynamise le marché interne. Le nouveau Boeing 767 de sa filiale RAM Cargo, dédiée au fret, en fait par exemple un des acteurs régionaux les mieux équipés à cette fin.

Cet important réseau permet également de faciliter la mobilité des personnes – des investisseurs, cadres et des chefs d’entreprise africains, qui bénéficient d’une connaissance de proximité des marchés africains et de leurs spécificités. Un aspect central du développement africain, encore largement dépendant des innovations, des produits et des grands groupes étrangers. C’est pourquoi la compagnie prévoit d’augmenter les fréquences des lignes — elle a ainsi porté à 20 le nombre de vols directs hebdomadaires entre le Maroc et le très dynamique Sénégal.

Mais le soutien au développement Sud-Sud reste incomplet sans un aspect social. C’est dans cette optique que Royal Air Maroc recrute un personnel navigant issu d’une grande variété de pays subsahariens afin de renforcer son identité africaine et de miser sur une croissance inclusive. La compagnie s’est également engagée afin de soutenir les manifestations culturelles et artistiques en Afrique : le FESPACO au Burkina Faso, le MASA en Côte d’Ivoire, Dak’Art au Sénégal, la Biennale Africaine de Bamako. Des événements qui peuvent être aussi l’occasion de faciliter la formation et les échanges pour de jeunes professionnels de l’audiovisuel et du cinéma, comme c’est le cas durant le Festival Écrans Noirs au Cameroun. Enfin, n’oublions pas le dispositif spécial (54 vols supplémentaires sans augmenter ses tarifs) mis en place par la compagnie pour la CAN 2019 afin de permettre aux supporters de se rendre en Égypte pour encourager leur équipe nationale. 

Ce tropisme africain de Royal Air Maroc permet à l’entreprise de développer une véritable « identité de marque », particulièrement identifiable et valorisante. Une stratégie gagnante pour la compagnie, gagnante pour le Maroc et particulièrement utile pour le développement des pays africains.

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