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Commission Von der Leyen : 100 jours pour convaincre

C’est la fin d’une longue et difficile gestation. Ce mercredi, avec 461 voix pour, 157 contre et 89 abstentions, le Parlement européen a finalement validé la Commission européenne présidée par l’Allemande Ursula von der Leyen. La nouvelle équipe exécutive européenne sera finalement investie dimanche prochain, avec un mois de retard sur le calendrier initial. Malgré des doutes sur ses chances, son score est finalement meilleur que celui qu’avait obtenu, il y a cinq ans, son prédécesseur, le haut en couleurs Jean-Claude Juncker.

L’équipe Von der Leyen aura finalement bénéficié des voix des conservateurs du PPE, du groupe centriste Renew et de la quasi-totalité des sociaux-démocrates – à l’exception des français qui se sont abstenus. Ce soutien transpartisan n’était pas évident après l’évincement du Spitzenkandidat, Manfred Weber. Les comptes entre les trois grandes familles politiques de l’hémicycle, contraintes à former une majorité commune, se sont réglés lors des nominations nationales, avec le rejet de trois commissaires, dont la française Sylvie Goulard.

Deux jours plus tôt, le Conseil de l’UE a également donné son feu vert à cette Commission, malgré l’absence de représentant britannique – la réglementation communautaire stipule en effet que l’exécutif européen doit compter un commissaire par pays. Aussi, un risque existait de voir un recours intenté contre toute décision de la Commission européenne, étant incomplète. Mais le Conseil de l’UE a amendé cette liste, invoquant un non-respect par les britanniques de la « coopération sincère » qui doit, selon le traité de Lisbonne, prévaloir entre les États membres.

Ursula von der Leyen, présidente « hors sol » ?

La transition s’annonçait sous des auspices funestes, avec Jean-Claude Juncker qui parlait de « la Commission de la dernière chance » – une sortie qui n’a sans doute pas aidé les partis à trouver un point d’accord. Mais Ursula von der Leyen, qui s’est exprimée tour à tour en anglais, français et allemand, s’est voulue beaucoup plus optimiste : « Ne sous-estimons pas nos moyens et nos talents ». Après un mois de sur place, qui a fragilisé la dynamique de cette nouvelle investiture, elle a donné un discours volontaire, pour relancer la machine : « Mon message est simple : commençons à travailler ».

Un optimisme qui n’est pas partagé par tous. Certains imputent en effet à la nouvelle chef de l’exécutif à sa relative inexpérience en politique européenne. Ils pointent également du doigt l’isolation de son cabinet, dont les membres ne font pas partie du sérail –son chef de cabinet et responsable presse, tous deux allemands, l’ont accompagné à ces postes dans ses trois ministères. Aussi, certains parlent de Présidente « hors sol ». « Selon certains échos, Ursula von der Leyen est entourée de peu de conseillers, surtout des Allemands, et il n’y a pas beaucoup de dialogue entre sa garde rapprochée et le reste du monde », estimait ainsi récemment l’eurodéputée socialiste Sylvie Guillaume

L’élue tempérait toutefois sa critique : « J’imagine son dilemme : en période d’auditions, difficile pour elle d’intervenir au Parlement. D’autant que si elle est rigoureuse, elle sait qu’elle n’est que “présidente-élue”, donc un peu “illégitime”. » Comme un appel de pied pour inverser la vapeur dès son institution.  D’autres voient toutefois dans ce choix un positionnement volontaire visant à ne pas être avalée par la machine bureaucrate bruxelloise – comme ce qui a été reproché à son prédécesseur. Des contradictions qui illustrent bien à quel point sa tâche sera un délicat travail d’équilibriste entre les attentes des uns et des autres.

100 jours pour convaincre

Cette commission est donc investie sur fond de paysage politique plus complexe que ce à quoi l’histoire européenne nous avait habité – la parlement s’articulait autour des groupes de droite et de gauche. Depuis les dernières européennes, qui ont largement renouvelé les effectifs, l’hémicycle est en effet nettement plus fragmenté. En outre, la formation centriste Reniew, essentielle à al majorité, recouvre un spectre très large de libéralismes et est en conséquence, elle aussi, plutôt volatile. Enfin, la majorité étant ténue, le soutien des verts sera souvent nécessaire, ajoutant une contrainte supplémentaire.

Mais von der Leyen devra aussi faire face à des crispations institutionnelles. Cette investiture dans la douleur a démontré la volonté du Parlement de s’affirmer davantage dans le processus décisionnaire européen. Une ambition qui fâche le Conseil européen, historiquement l’organe le plus puissant à Bruxelles. Cette position a toutefois été ébranlée par les appels à plus de démocratie dans la vie politique européenne. Quoiqu’il en soit, les chefs des états membres voient cette nouvelle concurrence d’un mauvais œil. Il faudra donc convaincre un nombre accru d’interlocuteurs pour avancer.

Et ce, alors que la Commission a multiplié les promesses pour les 100 premiers jours de son mandat : pacte vert, directive sur l’intelligence artificielle, Smic européen… Pour ce faire, elle devra donner un rôle accru à ses vice-présidents. Si elle dispose d’une équipe solide – le Néerlandais Frans Timmermans à l’écologie, et la « dame de fer » Danoise, Margrethe Vestager, au numérique – la Présidente devra prendre garde à ne pas se faire voler la vedette, au risque d’une politique européenne incohérente – à l’heure où l’unité de l’Union est effectivement testée.

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