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Réconciliation entre Macky Sall et Abdoulaye Wade : vers une union nationale au Sénégal ?

Macky Sall et Abdoulaye WadeMacky Sall et Abdoulaye Wade

Les deux frères ennemis Macky Sall et son prédécesseur à la tête de l’État Abdoulaye Wade se sont publiquement réconciliés après 7 années de différends. Une volonté d’apaisement lourde de conséquences pour la vie politique sénégalaise. 

Sall et Wade enterrent la hache de guerre

         Le 27 septembre dernier a eu lieu à Dakar l’inauguration de la mosquée Massalikoul Djinane, imposant édifice de 10 000 m2 bâtis par la confrérie mouride. Un évènement qui en a abrité un autre : le président de la République Macky Sall et son prédécesseur Abdoulaye Wade ont assisté ensemble à la grande prière du vendredi. C’est la première fois que les deux hommes posent côte à côte depuis la passation de pouvoir, en 2012. Ils sont sortis de la mosquée main dans la main, sous les yeux des dizaines de milliers de sénégalais qui avaient fait le déplacement ; puis Macky Sall a raccompagné l’ex-président jusqu’à son domicile après avoir déclaré face aux caméras : « Évidemment, il y a eu des contentieux, mais tout ça doit être dépassé. C’est pourquoi je lance un appel solennel au président Abdoulaye Wade à discuter avec moi du pays ».

Une réconciliation sans ambiguïté qui a de quoi surprendre, car les deux anciens compagnons du Parti démocratique sénégalais (PDS) paraissaient irréconciliables depuis 7 ans : Macky Sall reprochait à Abdoulaye Wade – qu’il avait servi loyalement pendant des années – de l’avoir sèchement mis au ban en 2008 ; tandis que l’ancien président de 93 ans reprochait à son successeur de ne pas avoir gracié son fils Karim. Selon un collaborateur de Macky Sall, cet évènement aurait germé lors de la dernière Tabaski, le 11 août, lors d’une rencontre privée entre les deux hommes. La réconciliation officielle à la mosquée Massalikoul Djinane serait donc « la formalisation des retrouvailles de la Tabaski ».

Lors de l’inauguration de la grande mosquée, Macky Sall a fait la promesse de rendre « bientôt » visite à son prédécesseur. Deux semaines plus tard, le 12 octobre, c’est ce dernier qui lui a rendu visite au palais présidentiel, ou il a été accueilli avec tous les honneurs. D’abord accompagnés de leurs délégations (Aly ngouille Ndiaye, Augustin Tine ou Seydou Guèye côté présidentiel ; Mayoro Faye et Nafissatou Diallo notamment côté PDS), les patrons de l’APR et du PDS se sont ensuite longuement entretenus à huis clos pendant plus de trois heures. Un échange sur le fond entre les deux hommes d’État qui leur a permis, selon le communiqué conjoint diffusé à l’issue de la rencontre, de faire « un large tour d’horizon de la situation politique nationale », abordant notamment la question « du processus électoral et du statut du chef de l’opposition, thèmes qui seront repris lors du dialogue national », dans la perspective d’un potentiel gouvernement d’union nationale. Les deux hôtes ont abordé la situation sous régionale et africaine – dominée par des enjeux sécuritaires – et exhortent tous les Sénégalais et tous les Africains à cultiver la paix en privilégiant le dialogue et l’intérêt du continent, comme le précise le texte issu de la rencontre : « Constatant leur parfaite convergence de vue sur la question, ils s’engagent à unir leurs forces pour le retour de la paix et la consolidation de la stabilité ». Une rencontre tellement « empreinte de fraternité et de sérénité » que Macky Sall a réitéré sa promesse de rendre une visite à domicile à Abdoulaye Wade.

Vers une recomposition du paysage politique sénégalais ?

         Ces réconciliations constructives entre l’actuel président de la République et son prédécesseur pourraient engendrer une recomposition de la famille libérale (dont sont issus les deux hommes) et du jeu politique sénégalais tout entier, en contribuant à pacifier le climat entre le pouvoir et l’opposition. Un jeu dont les pièces maîtresses sont l’actuel Chef de l’État et ses principaux opposants, qui pourraient pâtir de ce climat d’union nationale à laquelle ils ne participent pas : Idrissa Seck, Khalifa Sall, ou encore Ousmane Sonko.

Ce dernier risque fort d’être le grand perdant de l’opération : benjamin de la dernière élection présidentielle de février 2019 dont il est arrivé troisième avec plus de 15 % des suffrages exprimés, il espérait lui aussi pouvoir compter sur le soutien du patriarche Wade. Signe d’une certaine fébrilité, Ousmane Sonko multiplie depuis quelque temps les sorties. Une situation qui ne devrait pas s’améliorer avec la plainte pour « diffamation et injures publiques » qui a été déposée à son encontre le 11 octobre dernier par Mamour Diallo : la commission d’enquête parlementaire que le jeune député avait lui-même demandée contre l’ancien directeur général des Domaines dans l’affaire dite des « 94 milliards » a blanchi ce dernier, tandis qu’elle a épinglé son instigateur. D’où la charge virulente de Maître El Hadj Diouf, avocat de Mamour Diallo : « Il (Ousmane Sonko) a osé l’accabler, l’insulter, le présenter comme un voleur, un escroc, alors que c’est lui le voleur. (…) Cet homme-là, c’est un danger public ».

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