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Le SPD vire à gauche, fragilisant la coalition Merkel

Mauvaise nouvelle pour la GroKo, la coalition entre la droite et le centre-gauche allemands. Saskia Esken et Norbert Walter-Borjans, [duo surnommés “NoWaBo”] qui incarnent une politique de gauche plus affirmée, ont remporté samedi la présidence du Parti social-démocrate (SPD), second parti historique en Allemagne. Ce duo inconnu du grand public il y a encore quelques semaines, est arrive en tête du scrutin, avec un peu plus de 53% des suffrages.

C’est les fourches caudines pour le ministre des Finances, Olaf Scholz, qui souhaitait co-présider le parti avec Klara Geywitz. C’est en effet la première fois depuis 1863 que les adhérents du parti se prononcent en défaveur de sa direction. Mais plus largement, c’est aussi la politique de soutien politique à la GroKo – grande coalition avec les conservateurs dirigés par la Chancelière Angela Merkel – qui est désavouée par les militants de gauche.

« Le déclassement spectaculaire d’Olaf Scholz n’est pas un bon signal pour le gouvernement. Le positionnement très sceptique de Norbert Walter-Borjans et Saskia Esken à l’égard de la coalition peut faire craindre que le parti décide d’y mettre un terme lors de son congrès en fin de semaine prochaine », souligne ainsi Tilman Mayer, professeur de sciences politiques à l’université de Bonn.

Aussi, vendredi prochain, la formation sociale-démocrate va voter pour décider si elle reste ou non au sein du gouvernement. Un vote négatif pourrait précipiter le départ de Mme Merkel, qui entendait rester à son poste jusqu’en 2021, avant de passer la main. Il ferait également perdre sa majorité aux conservateurs (CDU-CSU) qui ne sont prêts pour un nouveau vote sans la gauche, et pourrait compromettre le passage de témoin à leur héritière désignée, Annegret Kramp-Karrenbauer.

La fin du déclin du SPD ?

Depuis quelques années, le SPD était à la dérive – à l’image de sa récente défaite face à l’AfD dans son fief du Brandebourg. Au niveau national, le parti est crédité d’à peine 14% des intentions de vote par de récents sondages. Et pour cause : le parti a mis beaucoup d’eau dans son vin afin de pouvoir rester dans le GroKo, alors même que la colère sociale croissante bénéficie à l’AfD et que le parti vert (Die Grünen) mobilise nombre d’écologistes ayant historiquement voté pour la gauche.

Cette déroute a été encore accélérée par le renouvèlement de l’alliance gouvernementale avec Angela Merkel – et aura sans doute couté sa réélection à Olaf Scholz. Nombre d’adhérents, lassés des compromis avec la droite, veulent en effet que le parti fasse une cure de jouvence dans l’opposition, et renoue avec ses valeurs fondatrices. Nombreux, également, sont ceux qui veulent voir la formation tendre la main aux Verts, et profiter leur nouveau dynamisme, en particulier chez les jeunes électeurs.

Mais claquer la porte tout de suite s’avèrerait sans doute prématuré pour un parti encore affaibli. Aussi, malgré la pression de certains militants, il est fort à parier que la nouvelle direction ne demande pas le divorce immédiat – qui entrainerait la chute du gouvernement et de nouvelles élections. « S’il se dote d’un programme de gauche, tandis que ses ministres continuent à gouverner avec pragmatisme, [elle pourra] démontrer aux électeurs la différence entre programme et compromis […] et l’intérêt de voter pour lui » analyse ainsi l’éditorialiste Ulrike Herrmann.

La marge de manœuvre se réduit pour Angela Merkel

Conscients de cet enjeu, Saskia Esken et Norbert Walter-Borjans ont d’ores et déjà indiqué qu’ils inciteraient l’alliance gouvernementale à infléchir sa politique. Ils appellent ainsi à investir davantage dans la protection de l’environnement et demandent la fin de la politique du « zéro noir » (pour un déficit structurel de 0%). Cette règle d’or, inscrite dans la loi fondamentale de la République fédérale, est en effet de plus en plus contestée à mesure que l’économie allemande ralentit.

L’ancien dirigeant du SPD, Martin Schulz, a d’ailleurs mis en garde contre un départ de la coalition : « Mon avis est qu’une solution n’est pas à chercher dans une fuite du gouvernement. Elle réside plutôt dans la capacité à mettre les choses en forme au sein du gouvernement ».

Il faudra donc pour la nouvelle direction du SPD obtenir suffisamment de compromis afin de ne pas avoir à claquer la porte – ce qui mettrait le pari dans une position inconfortable : faire face à une nouvelle élection avant d’avoir pour redorer son blason. Un pari qui n’est pas gagné, quand on sait que la coalition conservatrice est elle-même sous pression sur sa droite, avec une Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) qui ne cesse de se radicaliser, quitte à envisager une alliance avec l’AfD.

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