Site icon La Revue Internationale

Quelles leçons tirer d’une « COP pour rien » ?

Malgré un prolongement de deux jours, la 25e conférence des Nations unies sur le climat (COP25), qui s’est achevée à Madrid dimanche 15 décembre, n’a enregistré aucune avancée sensible.

Le double objectif affiché avant la rencontre a été manqué : pas de hausse les objectifs de réduction des gaz à effet de serre, et pas de renouveau des règles des marchés carbone internationaux. Aussi, pour résumer, aucune avancée sensible n’a eu lieu par rapport à la précédente édition. Et ce malgré les cris de détresse répétés des états insulaires, les rapports scientifiques de plus ne plus alarmants – au rythme actuel des émissions de CO2, le mercure pourrait gagner jusqu’à 4 ou 5 °C d’ici à la fin du siècle, la multiplication des catastrophes climatiques et l’importante importante mobilisation internationale, par exemple derrière la jeune Suédoise Greta Thunberg

Des rendez-vous contre-productifs ?

« Ces discussions [à la COP] reflètent le décalage entre les dirigeants d’un côté et l’urgence montrée par la science et les demandes des citoyens dans les rues », lâche sans ménagement Helen Mountford, du think tank World Resources Institute. Aussi, que reste-t-il de l’accord de Paris, déjà bien malmené depuis le retrait des États-Unis ? Environ 80 pays se sont engagés à relever leurs engagements, mais ils ne représentent qu’environ 10% des émissions mondiales. Des retombées ternes qui nous poussent à légitimement nous demander si la méthode est bien efficace.

Cette incapacité à obtenir des engagements internationaux ambitieux est aussi le reflet de choix politiques parfois totalement opposés. Plus que jamais, lors de cette COP, la Chine, l’Inde, les Etats-Unis, l’Australie, le Brésil mais aussi l’Arabie saoudite ont campé sur leurs positions. « Les principaux acteurs dont on espérait des avancées n’ont pas répondu aux attentes », a déclaré Laurence Tubiana, figure centrale de l’Accord de Paris. « Deux visions » se sont affrontées, note la ministre espagnole de l’Environnement Teresa Ribera. « Ceux qui veulent aller plus vite et ceux qui veulent se retrancher derrière ce qui ne fonctionne pas, afin de ne pas avancer ».

Ces réticences sont toutefois dues à des raisons différentes, dont certaines auraient pu être dépassées – ce qui souligne le manque cruel de leadership de ce type de rencontre. Dans un communiqué commun, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil soulignent par exemple les « lacunes d’avant 2020 (…) qui doivent être évaluées et comblées, sans transférer aucune charge aux pays en développement ». Une position qui marque le retour des tensions entre pays développés et pays en développement, les premiers devant « honorer leurs engagements pré-2020 ».

C’est là la condition sine qua non d’un début d’action dans ces pays, pourtant fortement émetteurs. Ces pays sont parvenus à imposer un nouveau mécanisme pour évaluer les efforts des pays développés en matière de réduction d’émissions et d’aide financière apportée aux pays en développement. Une façon de conditionner la participation des pays du Sud au respect des engagements par le Nord. Le marché ne sera pas rempli du côté américain, Trump boudant le multilatéralisme et niant à la fois le changement climatique, mais un espoir demeure en Europe.

L’Europe pour donner l’exemple ?

De tous les gros pollueurs, la seul à avoir endossé un rôle positif est l’Union européenne. Elle l’a d’ailleurs confirmée lors du Conseil de l’Europe concomitant à la fin de la COP – même si la Pologne n’est pas allée jusqu’à bloquer l’adoption des conclusions du sommet. Les dirigeants des 27 ont par ailleurs apporté un « soutien unanime » à la mise en place d’une « taxe carbone » des produits provenant de l’extérieur de l’UE « s’ils ne respectent pas les mêmes exigences climatiques que les entreprises européennes ». Une mesure de transparence visant à lutter contre le « dumping environnemental » et éviter le transfert des émissions de CO2 vers des pays où il n’a pas de prix.

Il s’agit d’un double signal fort au reste du monde, mais là aussi tout n’est pas si simple. Afin d’avancer vers ses objectifs environnementaux, l’UE devra surmonter ses divisions internes, d’ici à la COP 26 – Pologne, Hongrie et République Tchèque restent à convaincre. Il existe aujourd’hui dans le bloc une variété de choix nationaux et difficultés qui en découlent. Afin d’aider les plus démunis, la Commission a annoncé la mise en place d’un mécanisme pour la « transition juste » de cent milliards d’euros sur sept ans. Mais « pour le moment, ce projet ressemble à une liste de courses un peu vague », a ironisé Grégory Claeys, économiste de l’Institut Bruegel.

Pourtant, l’histoire, ancienne comme récente, indique indéniablement que c’est à l’Union européenne (troisième émetteur mondial) d’assumer le rôle de leadership manquant dans la cette transition. Elle ne pourra bien sur le faire seule, d’où l’importance de tendre la main à la Chine (1er émetteur) pour créer une nouvelle dynamique, et dépasser le blocage de Washington. « Il me paraît indispensable, notamment, de renforcer le bilatéral avec la Chine, également prête à bouger les lignes », estimait ainsi Philippe Lamberts, coprésident du groupe des Verts au Parlement européen

« Pékin a conscience que la situation environnementale est devenue si catastrophique dans le pays que c’en est devenu un enjeu de maintien au pouvoir pour le Parti communiste » soulignait-il justement. Mais pour la Chine, c’est aux européens de bouger les premiers, du fait de leur rôle historique dans le changement climatique – mais aussi du fait du désengagement des Etats-Unis sur le dossier. Aussi, on sait ce qui reste à faire. Les COP sont utiles à condition de régler l’essentiel des questions entre pays de bonne volonté avant le début des débats. Espérons que l’Europe, puis le partenariat UE-Chine, pourront se mette en ordre de bataille avant la COP26.

Quitter la version mobile