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Taxe GAFA : solidarité relative de l’Union européenne

La semaine dernière, les Etats-Unis menaçaient d’augmenter les droits de douane sur un ensemble de produits français ciblés (agroalimentaire, luxe, cosmétique…) Ainsi de nombreux froamges, mais aussi les yaourts, le vin pétillant ainsi que des produits cosmétiques, comme le savon et le maquillage ou encore des articles de maroquinerie – soit l’équivalent de 2,4 milliards de dollars de produits français exportés – seraient taxés jusqu’à 100% de leur valeur. Cette mesure est une représailles à la taxe GAFA (acronyme pour Google, Apple, Facebook et Amazon) qui impose les géants du numérique à hauteur de 3% du chiffre d’affaires réalisé en France, explique-t-on à Washington.

« Ce n’est pas à quelqu’un d’autre de les taxer » s’est justifié Donald Trump à propos des GAFA, des multinationales toutes basées aux Etats-Unis. Ces dernières échappent en effet à l’impôt en jouant de l’optimisation fiscale et de la dématérialisation de leurs transactions. Paris et Washington avaient toutefois trouvé un compromis semblait à l’issue du G7 organisé à Biarritz : la taxe française ne serait qu’une mesure transitoire qui serait supprimée dès que les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se seraient mis d’accord sur une taxe internationale visant les multinationales du numérique.

La France s’était même engagée à verser à ces entreprises une compensation si les éventuels bénéfices réalisés par la collecte de cette taxe s’avéraient excessifs par rapport au niveau retenu par l’OCDE (un cas hautement improbable compte tenu du niveau de taxation très faible retenu par la loi française). Mais récemment, le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin a réitéré son soutien aux négociations en cours à l’OCDE, qui devaient aboutir à un accord mondial d’ici juin. Il a proposé une alternative où les entreprises choisiraient librement oui ou non d’être taxées – une option inacceptable pour nombre de pays, en particulier la France.

Un signal de Trump à son électorat

De fait, la taxe de Bercy vise une trentaine d’entreprises sont concernées, et parmi elles figurent des sociétés européennes, chinoises et américaines. Mais c’est avec les Etats-Unis que la pilule ne passe pas. « Je n’ai pas vu beaucoup d’entreprises qui acceptent librement d’être taxées ; on peut toujours compter sur la philanthropie de chacun, mais je ne suis pas sûr qu’en matière de finances publiques, ça mène très loin » a commenté le Ministre de l’économie français Bruno Le Maire, interrogé sur la proposition de Mnunchin. « La France est prête [à accepter la proposition de l’OCDE]. Si les États-Unis sont également prêts, le débat est clos », a-t-il assuré.

Mais la Maison blanche semble bel et bien avoir changé d’avis. De fait pour Trump, en pleine campagne pour sa réélection il fallait marquer le coup – en particulier avec des candidats démocrates comme Bernie Sanders et Élisabeth Warren qui ne cachent pas leur hostilité pour les GAFA. Trump reprend ainsi la ligne ultralibérale de son parti – aujourd’hui incarnée par le Tea party – favorable à un détricotage progressif de l’état. Paris devrait donc servir d’exemple avant des mesures similaires à l’encontre de l’Autriche, de l’Italie et de la Turquie qui travaillent sur leurs propres systèmes pour forcer les GAFA à payer des imports sur leur acticité sur leurs territoires respectifs.

Une réponse européenne timide

Devant les menaces de Washington, la France est allée mobiliser ses alliés européens, qui s’étaient engagés à une réponse solidaire en cas de sanctions commerciales américaines visant un ou plusieurs états membres. Le commissaire européen au Commerce Phil Hogan s’est empressée d’adresser son « plein soutien » à Paris, et a fait savoir que des discussions avaient été engagées pour une riposte le cas échéant. Daniel Rosario, un porte-parole de la Commission européenne, a pour sa part assuré que les Etats membres de l’Union seraient solidaires de la France « dans ce cas comme dans tous les questions relatives aux commerce ».

Les autres états membres ainsi que les institutions européennes semblent donc prêtes à tenir parole. Mais ce soutient concerne les seules sanctions, et non la taxe GAFA en elle-même, malgré les efforts de Paris pour obtenir un impôt européen commun afin de peser dans les débats au sein de l’OCDE. Aussi, le rapport de force n’est pas si pas si favorable à la France qu’il pourrait l’être. Peut-être que le gouvernement français pourra cette fois bénéficier du soutien des autres états membres qui planchent ou ont adopté une mesure similaire (l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Irlande et l’Autriche) et que l’Europe changera son fusil d’épaule pour s’engager unie dans la négociation à 134.

Ce dénouement pourrait également être favorisé par le processus engagé par Washington afin d’augmenter les taux des droits de douane déjà imposés sur une longue liste de produits européens en provenance des pays à l’origine du consortium Airbus (France, Espagne, Allemagne et Royaume-Uni). Pascal Saint-Amans, le directeur des affaires fiscales de l’OCDE et cheville ouvrière du dialogue sur une taxe mondiale s’est en tout cas engagé à faire tout son possible pour « faire vivre la négociation ». Mais avec la campane électorale américaine en branle, la tâche est loin d’être aisée, et un engagement fort de l’Union européenne pourrait s’avérer déterminant.

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