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Conférence de Munich : les divisions occidentales au grand jour

La 56e édition de la conférence de Munich sur la sécurité s’est clôturée dimanche 16 février. Plus que jamais, ce rendez-vous des élites du monde de la défense et de la diplomatie a laissé apparaitre des divergences profondes dans le monde occidental – certains observateurs ont même parlé de « faille transatlantique ». Ces désaccords ne datent pas d’hier. Citons par exemple la dernière échéance de ce rendez-vous international s’était tenue juste après le séisme qu’avait été le retrait de Washington de l’accord multilatéral sur le nucléaire iranien. Avant cela, il y avait eu le retrait américain du financement de l’UNESCO ou encore du traité de non-prolifération des armes nucléaires à portée intermédiaire.

Cette année, les échanges ont largement été tournés vers le concept de « désoccidentalisation » du monde face à l’émergence de nouvelles puissances (Chine, Inde) au retour de la Russie et aux divergences croissantes avec l’Amérique. Ce dernier point était au centre des débats – ainsi que l’architecture multinationale mondiale malmenée par la politique de l’ « America first » de Donald Trump, come l’a souligné le président fédéral allemand, Frank-Walter Steinemeier. Il déplorait une hostilité idéologique ouverte à l’égard de l’Union européenne, devenue selon les conservateurs étasuniens, trop concurrentielle.

Des priorités divergentes

La conférence aura été l’occasion de rappeler l’obsession américaine croissante à l’égard de la Chine – qui dans la rhétorique américaine, a remplacé l’Union soviétique. Le phénomène a très bien été illustré par les tensions entourant l’ouverture du marché 5G européen à Huawei, après avoir été exclu par les Etats-Unis. Le géant du high-tech chinois serait un « cheval de Troie des services de renseignement chinois » d’après Mike Pompeo, le secrétaire à la Défense américain. « Si vous ne comprenez pas cette menace, et que nous ne faisons rien face à elle, à la fin cela pourrait être la fin de l’Alliance militaire la plus réussie de l’histoire : l’Otan », a-t-il menacé.

Une ingérence qui fait écho aux méthodes de négociation de Trump – et montre qu’il est difficile d’être audible quand on alterne la bienveillance et les menaces opportunément. L’ironie voudra qu’au moment de ces échanges, Washington ait relevé de 10 % à 15 % la surtaxe pesant sur les avions du constructeur aéronautique européen Airbus – pour venir en aide à son constructeur Boeing, aux abois. La Maison blanche demande non seulement un renforcement du suivisme géopolitique européen, mais aussi une plus grande ouverture économique – totalement asymétrique compte tenu du protectionnisme américain, encore renforcé par Trump. Rappelons ainsi que ses appels à augmenter le budget de défense des pays européen visent en effet à leur vendre davantage d’armes américaines.

« On approche peut-être la fin d’une certaine naïveté européenne dans le domaine de l’industrie de l’armement. Des fonds importants – entre six et une dizaine de milliards d’euros, c’est encore en discussion – seront bientôt réservés à des programmes de recherche et développement dans le domaine militaire, sur le territoire européen » notait ainsi le journaliste spécialiste des questions de Défense au Monde diplomatique, Philippe Leymarie. « Une espèce de préférence européenne est en train de se monter, de se construire. A Bruxelles, on songe à fermer la porte aux sociétés américaines, mais aussi britanniques » note-t-il.

Relancer « l’aventure européenne »

Certains voient dans ce recentrement les prémices d’une inévitable redéfinition de l’alliance entres les européens et les Etats-Unis. Mais pour cela, encore faut-il se mettre d’accord sur une vision commune de ce rapport. Une vision qui sera élaborée par les états membres dans leur ensemble. C’est en tout cas le message qu’a voulu envoyer Emmanuel Macron en venant a ce rendez-vous traditionnellement boudé par la France. Le Président français semble avoir compris qu’il était contre-productif de faire cavalier seul et prendre ses partenaires de court. Il était venu faire amande honorable, et est revenu sur les différends qu’il avait eu avec divers états membres pour ouvrir la voie au dialogue.

La France n’a pas pour autant abandonné son ambition de réformer de l’Union européenne et de renforcer son indépendance stratégique. Dans le collimateur de l’Elysée : la relance du couple franco-allemand. M Macron a ainsi exhorté les Allemands à être plus ambitieux et à apporter des « des réponses claires » aux question existentielles européennes. Une façon d’ouvrir des portes pour « l’après-Merkel ». Si la chancelière a su faire preuve d’une impressionnante longévité politique et aura défendu les intérêts des allemands au mieux – au moins à court terme – elle souffrait cependant d’une absence de vision pour le développement l’Union.

La main tendue a donc trouvé des échos dans d’une classe politique qui s’éloigne du « géant qui tombe » Merkel – rappelons qu’Annegret Kramp-Karrenbauer, sa dauphine, est depuis peu hors-jeu. Frank-Walter Steinmeier, a ainsi appelé son pays à « saisir l’invitation au dialogue [stratégique] » de Paris. Position partagée par Armin Laschet, sérieux prétendant à la succession de Mme Merkel : « J’aurais voulu une réponse beaucoup plus vigoureuse et rapide aux propositions de M. Macron ». De fait, l’Allemagne est le principal orphelin des divergences stratégiques avec Washington. Mais attention dans son « impatience » à ne pas l’ignorer, comme Washington est l’a fait avec l’Europe.

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