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Le coronavirus, une maladie de la mondialisation

Porté par l’augmentation exponentielle des voyages et des échanges économiques internationaux, le coronavirus, ou Covid-19, est devenu une des plus graves épidémies de virus du siècle. Avec plus de 3000 morts pour plus de 86 000 infections dans une soixantaine de pays, les choses pourraient ne faire que commencer : l’Imperial College estime qu’un tiers de la population mondiale pourrait être infectée à terme. On compte aujourd’hui plus de nouvelles infections hors de Chine (notamment grâce aux mesures drastiques prises par le régime autoritaire) si bien que l’OMS a relevé le risque au sein de l’Union européenne de « modéré » à « élevé ». Sans parler des risques de saturation des systèmes de santé des pays en développement – en particulier sur le continent africain.

Dans le même temps, pour éviter d’augmenter inutilement les risques de contamination, les calendriers sportif, tech et culturel mondiaux ont été fortement perturbés. Le Grand Prix moto du Qatar, le match Irlande-Italie du Tournoi des six nations et le Congrès national du Peuple chinois ont ainsi été annulés. Le Grand Prix moto de Thaïlande a quant à lui été reporté et il existe aujourd’hui des doutes sur la tenue des Jeux olympiques de Tokyo. En Europe, le tournage du dernier « Mission impossible » à Venise a été annulé – alors que le carnaval a été écourté. Le salon international du tourisme de Berlin, plus grand rendez-vous du secteur, a aussi été suspendu, tout comme le salon du livre, à Paris. La Suisse a pour sa part annulé tous les événements réunissant plus de 1000 personne.

L’impact environnemental de la paralysie

L’épidémie prend une tournure géopolitique – on le voit par exemple avec les accusations de complot international en Iran, les attaques répétées de Washington à l’égard de Pékin et les débat sur les frontières qui repartent de plus belle en Europe. « Lorsque la Chine attrape un rhume, c’est le monde entier qui éternue », ironisait ainsi Pascal Boniface, président de l’IRIS. Et le premier est une paralysie des échanges internationaux, sur fond de peur d’une contamination. Un phénomène qui a provoqué une baisse des émissions de CO2. Durant la première quinzaine de février, le transport aérien lié à la Chine a chuté de 66% ; entrainant une baisse des émissions de CO2 du transport aérien de 10% au niveau mondial d’après l’institut finlandais d’étude de l’air.

Plus largement, dans ce pays qui tourne au ralenti du fait d’importantes quarantaines régionales, les émissions de CO2 ont baissé de 25% par rapport à février 2019. Des images satellites publiées ce weekend par la Nasa montrent également une baisse des émissions chinoises de dioxyde d’azote – 36 % de moins par rapport à la même période l’année dernière. « La demande d’électricité et la production industrielle restent bien en deçà de leurs niveaux habituels », note Simon Evans du site spécialisé Carbon Brief. Et le phénomène n’affecte pas que la Chine : l’épidémie de Covid-19 aurait entraîné une réduction de 100 millions de tonnes des émissions mondiales de CO2 – soit 6% d’après Carbon Brief.

Un chiffre qui prouve qu’il est possible de faire baisser sensiblement les émissions mondiales – bien qu’il faille déplorer que ce soit dans des conditions aussi tragiques. Cette chute spectaculaire n’est toutefois que temporaire. Aussi, il est probablement prématuré de saluer une aubaine pour le climat : les émissions pourraient bien repartir à la hausse sous l’impulsion d’un probable plan massif de relance économique au lendemain de la crise, et les effets vertueux accidentels de cette épidémie pourraient être inversés. « Ceux qui croient pouvoir saluer une pause bienvenue dans l’urgence climatique doivent refréner leur optimisme », prévient ainsi Lauri Myllyvirta du Centre de recherche sur l’énergie et la propreté de l’air.

Un « game-changer » dans la mondialisation

La paralysie de la Chine affecte par effet domino le monde entier – le pays représente à lui seul un tiers de la croissance et 16 % de l’économie mondiale. Or, Pékin a divisé quasiment par deux son activité. On estime aujourd’hui que ce ralentissement devrait coûter 5% de la croissance mondiale. Dans le même temps, des marchés financiers affolés ont connu leur pire semaine depuis la crise des subprimes. L’OCDE a quant à lui livré un diagnostic pessimiste : il a rabaissé sa prévision de croissance planétaire de 2,9 % à 2,4 %, lundi. L’organisation a même annoncé que cette baisse pourrait être réévaluée à la hausse si le virus continuait de se propager. Des prédictions révélatrices de la vulnérabilité économique induite par la mondialisation et la division à l’extrême des tâches entre pays.

Cette codépendance est un danger pour les économies les plus fragiles – en particulier l’Inde, le Brésil, le Mexique ou la Turquie – et les nations les plus connectées à la Chine, comme le Japon, la Corée du Sud ou l’Australie, mais aussi pour les entreprises surendettées à cause du faible prix de l’argent. Le virus ébranle donc une part conséquente de l’organisation de l’économie mondiale. Le Ministre de l’économie français, Bruno Le Maire, parle même de « game changer dans la mondialisation ». Aussi, cette tragédie pourrait s’avérer, pour reprendre Hegel, être une ruse de la raison, qui permettrait de corriger les défaillances du système actuel. A moins que les états recommencent comme si rien ne s’était produit aussitôt que l’épidémie sera derrière nous.

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