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Brexit : Covid et achoppements

Cela fait quatre ans déjà que les Britanniques ont voté pour sortir de l’Union européenne. Si la procédure semble tortueuse, ses conséquences n’en seront pas moins profondes au terme du divorce. Et ce d’autant plus si aucun accord n’est trouvé entre les anciens partenaires. Si la séparation a été officiellement proclamée l’an dernier, elle a ouvert la voie à une période de transition d’un an, qui arrive à son terme en fin d’année. Cela moins de six mois seulement aux négociateurs, étant donné que Londres a formellement écarté toute prolongation des discussions après fin décembre, malgré des rencontres de visu rendues impossibles par l’épidémie de Covid-19. Aussi, après trois cycles infructueux, Boris Johnson a promis de s’impliquer personnellement dans les négociations.

Pour les équipes européennes, le mois d’octobre sera le véritable « moment de vérité » du Brexit. « C’est à ce moment-là que nous devrons être prêts à présenter un projet d’accord (…) si nous voulons qu’il soit ratifié avant la fin de l’année », a expliqué le négociateur européen, Michel Barnier. Ce dernier explique attendre « un signal » des Britanniques pour relancer la machine, ayant récemment reçu le total soutien de la Commission et du Parlement européen. « Le Royaume-Uni a fait un pas en arrière, deux pas en arrière, trois pas en arrière par rapport aux engagements qu’il avait pris à l’origine. Nous nous souvenons très bien du texte que nous avons négocié avec Boris Johnson et nous voulons simplement qu’il soit respecté. À la lettre. Sinon, il n’y aura pas d’accord », prévient-il.

L’irruption de nouveaux points de tension

Le contexte ne se prête pas particulièrement à une réconciliation, et les tensions risquent de repartir de plus belle alors qu’une série de nouveaux frais s’ajoute à l’addition que devra régler Londres pour sortir de l’UE. Le pays risque en effet de devoir s’acquitter de 2 milliards d’euros supplémentaires en raison d’une hausse des montants dus pour les retraites d’anciens fonctionnaires européens. Elle concerne les personnes ayant travaillé à l’Agence européenne de défense, à l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne et au Centre satellitaire de l’Union européenne, ainsi que celles d’anciens députés européens. Ces engagements ont été officiellement convenus et inscrits dans la législation britannique, il semble délicat pour le gouvernement de Boris Johnson de se défiler.

John Clancy, un professeur invité au Centre d’études sur le Brexit à l’université de Birmingham, a même averti que ce chiffre pourrait connaître une nouvelle augmentation. Et ce alors même que l’économie britannique ploie sous le coup de la pandémie – moins 20% en avril. Au deuxième trimestre, l’effondrement pourrait atteindre 35 % estime désormais le Trésor britannique. Or, Bruxelles pourrait bien monnayer cette hausse de facture contre des concessions supplémentaires côté britannique, à l’heure où Londres a besoin de liquidités. En outre, elle cherche à sortir au plus vite des contraintes du droit européens afin d’avoir les coudées franches pour relancer son économie (Londres prévoit par exemple de prolonger le chômage partiel jusqu’en octobre).

Le risque d’une double peine

Cette question vient s’ajouter à une liste déjà longue. Parmi les points de désaccord majeurs on trouve les garanties de concurrence équitable exigées par l’UE en matière fiscale, sociale ou environnementale, pour éviter de voir surgir une économie dérégulée à sa porte. Un dossier où Bruxelles se montre intransigeante. « Si le Royaume-Uni ne veut pas de réglementation comparable à celle de l’Europe en matière d’environnement, de marché du travail ou de normes sociales, nos relations perdront en intensité », a averti samedi la chancelière allemande Angela Merkel. L’Allemagne était pourtant une des plus grandes avocates des extensions de la période de négociation avec Londres et prochaine présidente du Conseil de l’UE.

Avec le Brexit le Royaume-Uni perdra déjà neuf points de PIB sur dix ans d’après le groupe de recherche UK in a Changing Europe. Plus concrètement, les exportations britanniques vers Australie ou le Canada de l’ordre de 1,3% de ses échanges et d’environ 1,1% Inde, soit moins que les échanges avec la seule Pologne, rappelle Iain Begg, professeur à l’Institut européen de la London School of Economics. Il souligne par ailleurs que les échanges avec l’Irlande sont plus importants que ceux avec la Chine. Le marché de l’UE représente 46% des exportations du Royaume-Uni. En outre, la Cnuced estime qu’environ 20 % des exportations hors UE du Royaume-Uni risquent d’être soumises à des droits de douane plus élevés que ceux actuellement négociés par Bruxelles.

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