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Donald Trump : les ratés d’une campagne en temps de pandémie

President Donald J. Trump . (Official White House Photo by D. Myles Cullen)

Depuis deux semaines, Donald Trump porte un masque anti-covid. Par ce volte-face retentissant le Président américain semble enfin avoir reconnu la gravité de la situation sanitaire des Etats-Unis, premier foyer mondial de l’épidémie de Covid-19, avec 4 millions de contaminés et plus de 146 460 morts en début de semaine. La situation « va sûrement, malheureusement, empirer avant de s’améliorer » a-t-il même admis la semaine dernière. Ce faisant il cherche à faire taire les nombreuses critiques de sa gestion du virus et à reprendre la main sur la situation.

Et pour cause : il paie le prix du choix de la Floride pour convention nationale du Grand Old Party (GOP), depuis devenue l’épicentre de la pandémie. Pire encore, les états désormais les plus touchés sont tous très majoritairement républicains. La ligne politique de réouverture qu’il a choisie pour son parti afin de renouer avec la croissance au plus vite a en effet poussé ces états à abandonner les mesures de distanciation sociale trop rapidement, avec les conséquences qu’on connait.

À cent jours de l’élection présidentielle – elle se tient traditionnellement le 3 novembres depuis 1845 – Trump est en bien mauvaise posture dans les sondages. D’après l’agrégateur Real Clear Politics, Ce 24 juillet, son rival Joe Biden jouissait d’une avance de 8,7 points dans les intentions de vote. Un écart difficilement rattrapable malgré le système de suffrage indirect, qui donne le dernier mot aux grands électeurs des états et non à la majorité des électeurs.

Le GOP est de plus en plus contesté dans des États cruciaux pour sa victoire (Texas, Floride, Michigan ou Caroline du Nord). En outre, Trump décroche également parmi un électorat clé pour sa réélection, les blancs âgés de plus de 65 ans, très vulnérables au virus et très remontés. Pour ne rien arranger, le chômage est reparti à la hausse le 23 juillet après une légère embellie – une mauvaise nouvelle sur le candidat qui comptait faire campagne sur son bilan économique.

Des divisions de plus en plus apparentes

Désormais privé de ses tonitruants meetings de campagne après le fiasco de la convention républicaine, Trump peine à mobiliser. Et celui qui régnait par lé terreur sur sa famille politique voit désormais un groupe très actif de républicains – l’organisation Lincoln Project (en hommage au président qui a mis fin à la division du pays après la guerre civile) – dénoncer son « incompétence », présentant sa réélection comme une « catastrophe » pour le pays.

Même consternation chez certaines des figures historiques du parti, à l’image de l’ancien secrétaire d’Etat et chef d’état-major des armées Colin Powell qui a annoncé son soutien au candidat démocrate, Joe Biden. Sans parler de son propre ancien chef d’état-major qui a sorti le mois dernier un brûlot présentant le Président comme un incompétent inculte et corrompu, responsable du déclin du leadership américain.

Une récente passe d’armes entre le Sénateur du Texas Ted Cruz et son collègue de l’Arkansas Tom Cotton à propos des plans adoptés par le Congrès pour soutenir l’économie fragilisée par l’épidémie semble également indiquer que des clivages profonds divisent le parti. Même constat au lendemain de l’interpellation très brutale de Liz Cheney, fille de l’ancien vice-président de George W. Bush pour son soutien jugé trop tiède par un partisan du Président.

Devant la multiplication des signaux négatifs, Donald Trump a dû changer de directeur de campagne le 15 juillet dernier, le remplaçant par Bill Stepien qui était jusqu’à présent son adjoint. Le fort en gueule Brad Parscale paie sans doute le prix du double échec du meeting de campagne organisé à Tulsa, dans l’Oklahoma, fin juin. Ce dernier avait été une Bérézina, avec la moitié de la salle vide et une hausse spectaculaire des cas de covid deux semaines plus tard.

La dérive autoritaire

Autre point de discorde, sa réponse aux manifestations contre les violences policières et le racisme déclenchées par la mort de George Floyd. Devant des protestations contre le recours excessif à la force des autorités américaines, Trump a décidé de montrer les muscles, en se repliant sur une réponse purement répressive – se présentant au passage comme « le président de la loi et de l’ordre ». En atteste sa décision de déployer la police fédérale sans badge d’identification dans l’Oregon, malgré les protestations des autorités locales.

Les forces de l’ordres s’y sont illustrés par des arrestations et de détention dans des camionnettes banalisées. La technique doit être répétée à Chicago (Illinois), Albuquerque (Nouveau-Mexique), Detroit (Michigan), Baltimore (Maryland) ou Seattle (Washington). Au point que vendredi 24 juillet, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a mis en garde les Etats-Unis contre un « usage disproportionné » de la force et de possibles « détentions arbitraires ». Une enquête officielle a par ailleurs été ouverte jeudi par le ministère de la justice américain.

Pour ne rien arranger, Trump refuse toujours systématiquement de s’engager à reconnaître une éventuelle défaite aux prochaines élections. Il est désormais vent debout contre le vote par correspondance, alors qu’un tiers de l’électorat américain (38 %) a dit vouloir y recourir du fait de la pandémie selon un sondage du Washington Post et de la chaîne ABC. Un procédé qu’il a lui-même utilisé lors des trois scrutins précédant son élection. Dernière dérive pour un dirigeant ressemble de plus en plus aux leaders autoritaires dont il chantait encore récemment les louanges.

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