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Plan de relance : l’Union européenne sauve la mise

Les 27 pays de l’Union européenne étaient réunis depuis le 17 juillet pour négocier le plan de relance destiné à soutenir les économies frappées par la crise du coronavirus. Si les états membres s’entendaient sur la nécessite d’un plan c’était à peu près le seul point d’accord entre les différents membres, ce qui annonçait des échanges particulièrement tendus. Après quatre jours et quatre nuits de négociations, parfois très tendues, mardi à 5 h 30 du matin, un accord a finalement été trouvé, mettant un terme aux menaces de recours des pays du Sud pour violation des traités européens du fait d’une manquement à la solidarité européenne.

Le plan prévoit 750 milliards d’euros pour la relance européenne, dont 390 milliards qui seront alloués aux pays du sud les plus touchés par la pandémie. Les 360 milliards restants seront disponibles pour des prêts, remboursables par les pays demandeurs. Le plan est par ailleurs adossé au budget à long terme de l’UE (2021-2027), qui prévoit une dotation de 214 milliards d’euros par an. Aussi, pour la première fois dans l’histoire de l’UE, une dette commune sera remboursée par l’intégralité des 27 états membres collectivement. « Il faut mesurer le chemin parcouru. En mars, l’idée même de subventions était inimaginable pour beaucoup », ses félicitaient dans la nuit des sources diplomatiques françaises.

Un compromis difficile

Malgré le soulagement visible des négociateurs, face aux 4 des pays dits « frugaux » (Pays-Bas, Autrice, Danemark, Suède) rejoints par la Finlande, Paris et Berlin – qui défendaient bec et ongles cette vision solidaire de la relance européenne – mais aussi les pays du Sud, ont été contraint de revoir à la baisse leurs ambitions initiales. Les frugaux ont également obtenu une augmentation du rabais dont ils bénéficient pour leur contribution au prochain budget de l’UE (2021-2027). La ristourne est de 377 millions pour le Danemark (+ 91%), 1,92 milliard pour les Pays-Bas (+22%), 565 millions pour l’Autriche (+138%) et 1,07 milliard pour la Suède (+34%). Un compromis difficile, quand on sait que la majorité d’Etats membres qui voulaient profiter du départ du Royaume-Uni pour mettre fin à ces dispositifs.

« Pour la première fois dans l’histoire européenne, le budget est lié aux objectifs climatiques et le respect de l’Etat de droit devient une condition pour l’octroi des fonds », s’est toutefois félicité Charles Michel, le président du Conseil européen. Ce dernier, habitué aux compromis difficiles par son expérience politique dans une Belgique très divisée, a été une des figures clé de cet épisode. De fait, ces aides seront conditionnées au respect de l’Etat de droit. La Commission prévoit ainsi des rétentions en cas de violation – une mesure qui vise tout particulièrement la Hongrie et Pologne, dont les gouvernements sont dans le collimateur de Bruxelles pour leur attitude vis-à-vis de la liberté des médias ou de l’indépendance de la justice.  

Seul 30% de ce budget seront en revanche exclusivement alloués à des dépenses liées à la lutte contre le changement climatique, en vertu l’objectif de neutralité climatique de 2050 et aux objectifs de réduction des émissions de 2030 fixés dans l’Accord de Paris. Un engagement plutôt tiède, quand on sait que la réponse à la fois aux difficultés de croissance européennes et la question sociale est de commun accord l’écologie. « La reconstruction écologique créé plus d’emploi que le monde d’avant » rappelait Gaël Giraud, ancien chef économiste de l’Agence française de développement. Ce dernier a par ailleurs souligné lors de sa récente intervention devant le Sénat que les chiffres de chômages ne tiennent pas compte du travail à temps partiel et, à ce titre, donnent une image faussée de la réalité.

Une nouvelle étape majeure dans la construction européenne ?

La crise du Covid a rappelé une nouvelle fois le manque de solidarité européenne (la Chine et Cuba ont dû intervenir pour venir en aide l’Italie au plus fort de la pandémie) qu’avait déjà mis en lumière la crise des migrants et la crise des dettes souveraines. Avec cet accord, et l’introduction d’une dette fédérale (un emprunt collectif que chaque état membre remboursera en fonction de sa richesse) pour la première fois, l’UE se montre réellement – bien que partiellement – solidaire. Angela Merkel et Emmanuel Macron ont salué mardi une journée « historique », et pour cause : cette avancée est due à l’unité sans faille du couple franco-allemand, avec derrière eux la Commission dont ils avaient largement déterminé la composition.

Il s’agit d’un changement culturel majeur, dicté par un contexte géopolitique neuf. Il était en effet nécessaire de revoir les règles du jeu après l’élargissement de l’Union et l’irruption d’une concurrence plus rude – Donald Trump qui taxe une large variété de produits européens pour faire repartir la production dans son pays ou encore la Chine qui a progressé bien plus vite que prévu. Pour autant la dynamique profonde du pouvoir au sein de l’UE reste inchangée. Aujourd’hui, trois légitimités s’affrontent en Europe : la fédérale, incarnée par la Commission ; la populaire incarnée par le Parlement européen et la gouvernementale (le Conseil de l’Europe). C’est cette dernière qui aujourd’hui a le dernier mot sur les questions budgétaires du fait de la règle de l’unanimité.

Aussi, malgré le Brexit, des points d’achoppement majeurs demeurent – en attestent la durée des négociations et la frustration suscitée par l’obstruction des frugaux. Les stratégies non-coopératives, notamment fiscales, de certains états membres ne vont pas disparaitre du jour au lendemain avec le départ britannique, et la gouvernance européenne reste largement perfectible. Il n’en demeure pas moins qu’au terme du processus, chacun s’est dit satisfait (même la presse pro-Orban, qui a salué une « victoire ») rappelant que l’Europe est après tout un espace de négociations internationales unique et innovant, auquel il arrive d’être efficace.

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