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Campagne Trump : la stratégie de la dernière chance

A moins de deux mois du scrutin, la campagne présidentielle américaine s’intensifie. Donald Trump a donné une conférence de presse surprise lundi 7 septembre, multipliant les attaques et les invectives contre son adversaire Démocrate, Joe Biden, qui devance confortablement le milliardaire dans les sondages nationaux – entre six et huit points de pourcentage depuis plusieurs mois.

En dépit de ses attaques répétées contre les Démocrates, la campagne Républicaine peine à décoller. Et pour cause : le pays est encore largement paralysé par une pandémie qui a contaminé plus de 6,2 millions de personnes, a fait plus de 185 000 morts et a fait tourner l’économie américaine au ralenti. Dans le même temps le pays est secoué par un mouvement de protestation contre le racisme et les violences policières sans précédent, qui semble relayer les gesticulations du Président américain au second plan.

Mais attention à ne pas confondre cette relative apathie avec un désaveu général pour le candidat Républicain. Si l’Amérique est profondément divisée et si le soutien à son action a atteint un niveau plus bas que tous ses prédécesseurs, Trump reste encore très populaire auprès de sa base – qui représente environ un tiers de l’électorat américain.

Trump a d’ailleurs encore joué sur hyperpersonnalisation du pouvoir lors de la convention républicaine, fin août. Si l’évènement sert en principe au parti à valider l’investiture de son candidat, cette année le Comité national républicain a enchaîné les hommages à la gloire du président sortant, dans un étrange défilé (6 des 12 « intervenants clés » de la convention portaient son nom de famille) qui nous rappelle les grandes heures de la Corée du Nord.

La stratégie du doigt mouillé

Après s’être focalisé sur le bras de fer avec la Chine – un des rares sujets d’union nationale de sa campagne – Trump appuie désormais sur la nécessité de restaurer « la loi et l’ordre » pour promouvoir sa candidature auprès des évangélistes, des anti-avortement, des forces de l’ordre, des supporters du droit à porter des armes et des personnes âgées. La promesse d’une réponse musclée aux violences urbaines qui agitent le pays rappelle d’ailleurs la montée en puissance de Nixon dans des États-Unis tout aussi divisés à la fin des années 60.

Malgré ses promesses de répression accrue, c’est bien lui qui est actuellement à la barre d’une Amérique qui s’embrase – une contradiction dont ne s’encombrent pas ses soutiens. Consciente que le message passe moins bien en dehors de sa base « acquise », l’équipe de campagne de Donald Trump tente de démobiliser le camp adverse. Elle fait ainsi quotidiennement circuler des images modifiées de Joe Biden, présenté comme isolé et diminué physiquement et intellectuellement.

Cette stratégie est assez désordonnée, s’alignant largement sur l’actualité plutôt qu’en dictant les thèmes comme il était parvenu à la faire quatre ans plus tôt. Il ressort toutefois de ses interventions que Trump semble compter sur la découverte d’un vaccin contre le COVID-19 ou sur un rebond « fantastique » de l’économie – sorte de « happening » de dernière minute, qui lui ont valus à notoriété dans la télé-réalité. Mais quoiqu’il en soit, il est aujourd’hui pratiquement impossible qu’il se présente avec un taux de chômage inférieur à celui dont il avait hérité en 2016.

Une campagne ciblée

Le Président des États-Unis étant élu au suffrage indirect par de grands électeurs, dont le nombre reflète le poids démographique de chacun des États dans la politique nationale, l’élection se jouera, semblerait-il, dans une poignée d’états. En atteste l’agenda très similaire des deux candidats principaux : Joe Biden était en Pennsylvanie lundi 31 août, Trump l’a suivi le 3 septembre. Deux jours plus tôt, l’ancien vice-président d’Obama était dans le Wisconsin – où Trump se trouve aujourd’hui.

Ces déplacements ne sont en rien un hasard : d’après le site RealClear­Politics, Joe Biden y devance Trump de plus de quatre points. Trump dans prévoit également de se rendre dans le Michigan, l’Iowa et l’Ohio, dont il a besoin s’il compte gagner – et où il accuse également du retard. Il cherche enfin à consolider sa position dans deux États remportés en 2016, où il est aujourd’hui très légèrement devancé par le démocrate Joe Biden – la Floride et la Caroline du Nord.

Jouer le système

Il s’agit donc de manéger ses efforts, et chaque déplacement compte dans un pays congestionné. « Cette stratégie de victoire requiert toutefois [de] créer les conditions d’une faible participation à l’élection en utilisant toutes sortes de tactiques et de coups dignes d’une République bananière (diminuer les possibilités de vote par correspondance en supprimant le nombre de boîtes aux lettres et en réduisant les capacités des services postaux à gérer cet afflux de courriers, fermer les lieux de vote…) » note Robert Chaouad, chercheur à l’IRIS et enseignant à la City University de New York.

Face à des pronostics très défavorables et un bilan laminé par la pandémie de coronavirus, la campagne Républicaine a donc décidé de jouer le système à fond. La dernière option pour un parti qui n’a pas gagné de vote populaire depuis 2004, et dont l’électorat continue de se réduire du fait des évolutions démographiques aux États-Unis et des positions clivantes de Trump. Elles lui ont notamment coûté cher dans l’électorat féminin « suburbain ». Reste à voir jusqu’à où il se permettra d’aller pour tenter de renverser la vapeur dans une dernière manche qui s’annonce physique.

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