L’ambitieux projet de partenariat de défense entre Paris et Berlin, visant à concevoir le système de combat aérien du futur (SCAF), souffre des ambitions divergentes, voire contradictoires, des deux pays.
Dangereuse rivalité
« Nous avons déjà fait beaucoup. Nous avons investi 65 millions d’euros dans des études d’architecture dont le contrat a été notifié au début de l’année 2019, assure la ministre des Armées, Florence Parly. En 2020, nous avons débloqué 150 millions d’euros pour conduire les études de recherche et de technologie (…). Ces études visent à la mise au point d’un avion démonstrateur capable de voler en 2026 ». Mais tous ces efforts pourraient rapidement être réduits à néant, notamment par les ambitions des industriels allemands, qui tentent de surpasser leurs partenaires français.
Il est urgent de « restaurer un climat de confiance », insiste la commission parlementaire encadrant le projet. En effet, jusqu’à maintenant les Français étaient censés être spécialistes en matière d’optique, et les Allemands en électromagnétique, mais Berlin a récemment décidé de marcher sur les plates-bandes françaises. « Cela traduit outre-Rhin une volonté de rattrapage, voire même de dépassement dans le domaine technologique, s’inquiète la commission. À l’actuelle dépendance mutuelle, facteur de stabilité, risque désormais de se substituer une dépendance unilatérale de la France à l’égard de l’Allemagne sur l’imagerie radar. Ce changement stratégique confirme la rivalité stratégique, technologique et industrielle qui se fait de plus en plus prégnante dans la relation bilatérale franco-allemande ».
Ambitions divergentes
Mais la fracture entre la France et l’Allemagne est plus profonde qu’une simple rivalité, et est avant tout idéologique, Paris prônant une vision européenne de la défense, et Berlin une vision industrielle. « Au-delà des projets industriels et de la vision capacitaire, il faut que nous ayons une vision opérationnelle et une vision stratégique, affirme le général Lecointre, chef d’état-major des armées. Nous ne sommes pas d’accord avec les Allemands sur leur vision de l’évolution de l’état-major de l’Union européenne, qui est l’une des principales structures de défense européenne ».