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L’hospitalisation de Donald Trump enfièvre la présidentielle américaine

A chaque élection son « October Surprise ». Cette théorie, un rien auto-réalisatrice, nous dit que chaque présidentielle américaine sera ébranlée par l’irruption d’un fait impromptu au mois d’octobre. C’est chose faire, avec la révélation que le Président sortant, Donald Trump a été testé positif au Covid-19 dans la nuit de jeudi à vendredi, peu avant d’être hospitalisé.

À trente-deux jours de l’élection présidentielle américaine, Donald Trump souffrirait de fièvre, de toux, de congestion légère et de fatigue. Il flotte toujours un doute sur son état précis, tout comme la chronologie de sa contamination est toujours assez opaque – il aurait été diagnostiqué  « soixante-douze heures » avant que l’information ne soit partagée avec le public d’après le médecin de la Maison Blanche. Le candidat Républicain a été admis à l’hôpital militaire Walter Reed, dans la banlieue de Washington – un des établissements les plus réputés du pays. Etant âgé de 74 ans et étant en surpoids, il fait partie des patients à risque, qui pourraient décéder du fait du virus.

Ses équipes ont expliqué qu’il avait reçu un traitement d’anticorps, le Remdesivir, et un corticoïde expérimental puissant, le Dexaméthasone, recommandé seulement pour les cas grave et critique selon l’Organisation Mondiale de la Santé. « C’est exceptionnel », admet le Dr Julien Cavanagh, qui a lutté contre le coronavirus dans un hôpital de New York (…). « Le fait que le président des Etats-Unis ait reçu ces médicaments ensemble, on est en territoire complétement inconnu. »

A en croire son équipe, Trump pourrait être de retour à la Maison Blanche dès aujourd’hui. Mais ce message rassurant est à contraster avec d’autres informations totalement contradictoires, qui s’inscrivent dans une communication contradictoire et tâtonnante. « Les signes vitaux du président ces dernières 24 heures ont été très inquiétants, et les 48 prochaines heures seront critiques en termes de soins » assurait ainsi récemment le chef de cabinet présidentiel, Mark Meadows – le même qui avait parlé de « légers symptômes » quelques heures seulement avant son transfert par hélicoptère à l’hôpital Walter-Reed, pourtant très proche de la Maison Blanche.

Les limites du déni

S’il n’est pas certain qu’il soit sorti d’affaire, l’attention hors du commun dont fera l’objet le chef d’état devrait rassurer ses partisans – on se souvient de la réponse à Ronald Reagan, qui s’était fait tirer dessus par un « fan », et avait demandé à ses médecins : « J’espère que vous êtes républicains ? » : « Aujourd’hui, nous sommes tous républicains ». Quoi qu’il en soit, cette contamination est rappel à l’ordre embarrassant pour l’homme qui avait nié la viabilité du virus (« il disparaitra au printemps ») puis sa dangerosité (« ça n’est rien qu’une petite grippe ») avant de systématiquement minimiser la gravité de l’épidémie.

Elle intervient alors que l’administration Trump est plus que jamais est attaqués pour sa négligence sanitaire par les démocrates et les experts (ayant causé près de 215 000 décès à ce jour). Son rival à la Présidentielle, le Démocrate Joe Biden, a même qualifié sa réponse à la pandémie de « trahison ». En outre, dans une toute récente étude Reuters-Ipsos, une nette majorité (65 %) de personnes interrogées, dont neuf démocrates sur dix et cinq républicains sur dix, estiment que « si le président Trump avait pris le coronavirus plus au sérieux, il n’aurait probablement pas été infecté ».

Pourtant, fort est à parier que sa base électorale ne lui tiendra pas rigueur de sa désinvolture, sur fond de clivage partisan sans précédent depuis la guerre civile aux Etats-Unis. « Dans le monde polarisé de l’Amérique d’aujourd’hui, toute information négative sur Trump n’est qu’une « fake news » aux yeux de ses partisans, même lorsque les faits sont indiscutables » note l’analyste Pierre Haski. La question est de savoir l’effet que cette accumulation de ratés aura sur les électeurs indécis et les déçus du Trumpisme – que courtise le très actif groupe Republican Voters Against Trump.

Des perturbations dans la dernière ligne droite

En dépit de cette hospitalisation, et plus largement la pandémie qui affecte le fonctionnement habituel de l’appareil politique américain, la course à la présidentielle se poursuit. Et la campagne promet d’être plus que jamais à couteaux tirés. Un des principaux points d’achoppement, la nomination d’Amy Coney Barret à la cour suprême pour remplacer la défunte icône progressiste Ruth Bader Ginsburg, était la prochaine étape sur la to-do list républicaine. Mais la contamination de plusieurs sénateurs –notamment Mike Lee (Utah) et Thom Tillis (Caroline du Nord) qui ont tous deux annoncé avoir commencé une quarantaine de dix jours – pourrait bien de compliquer les choses.

Plus largement, cette nouvelle ramène au premier plan le sujet que Trump souhaitait éviter par-dessus tout. Les démocrates l’ont bien compris. Biden, dans sa première prise de parole depuis l’annonce estimait : « ce n’est pas une question de politique. Ceci nous rappelle à tous que nous devons prendre ce virus au sérieux. Il ne disparaît pas. Nous devons tous faire notre part pour être responsables. Ce qui signifie suivre la science, écouter les experts ». Un tacle à peine dissimulé sous une compassion de façade. Sauf récupération expresse, sa maladie risque de le pénaliser alors qu’il jouait la vigueur contre un Joe Biden plus marqué par l’âge.

Alors que le doute plane encore sur la tenue du deuxième débat présidentiel, prévu le 15 octobre prochain, entre les deux candidats à la Maison Blanche, Mike Pence débattra mercredi avec la colistière de Biden, Kamala Harris, dans l’Utah. Cet affrontement pourrait bien s’avérer bien plus déterminant qu’initialement prévu – ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour le GOP, Harris étant bien plus pugnace que Biden. Les sondages sont déjà très défavorables aux Républicains. Mais s’il est quasiment acquis que Joe Biden remportera le vote populaire, son avance étant assez nette, reste à voir si cela sera suffisant pour remporter une victorien qui se jouera une nouvelle fois dans une poignée d’Etats-clés (Michigan, Pennsylvanie, Wisconsin, Floride).

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