C’est un objectif ambitieux réaffirmé par Xi Jinping le mercredi 23 septembre dernier dans le cadre d’une conférence annuelle de l’ONU. La Chine souhaite en effet atteindre la neutralité carbone en 2060, soit dix ans après l’Union européenne, qui l’espère pour 2050. Pour relever le défi, Pékin se tourne tout naturellement vers l’énergie nucléaire, considérée comme l’alternative bas-carbone la plus viable aux énergies fossiles.
Un mix électrique encore largement tourné vers les énergies fossiles
Le mix électrique chinois témoigne encore d’une dépendance très marquée aux énergies fossiles. En 2018, selon les données fournies par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), 69,9 % de la production brute d’électricité était liée aux combustibles fossiles et, dans une très grande majorité, au charbon. L’hydraulique représentait alors 17,1 % de la production brute d’électricité, l’éolien 5,1 % et le nucléaire 4,1 %.
Entre 1990 et 2018, le charbon a connu une croissance exponentielle, la production annuelle passant de 441,3 TWh à 4 796,1 à TWh, soit une croissance de 921 %. Avec des conséquences climatiques désastreuses. En 2017, selon l’AIE, la Chine représentait 28,2 % des émissions de CO2 pour 18 % de la population mondiale. « La Chine brûle plus de quatre milliards de tonnes de charbon par an (…), c’est-à-dire plus que l’ensemble du charbon brûlé dans le reste du monde » explique Jean-François Huchet, directeur de l’INALCO. Loin devant les États-Unis, qui en représentent 14,5 % et l’Inde, 6,6 %.
Le point commun du trio de tête, sinon leur population nombreuse et en forte croissance, est un usage immodéré du charbon. Aux États-Unis, le gaz naturel et le charbon représentent environ 62 % de la production électrique. En Inde, où le charbon représentait en 2018, 75,4 % de la production électrique, la domination des énergies fossiles est encore plus marquée.
Le nucléaire devient une voie privilégiée
« C’est un grand défi qui impliquera l’arrêt ou la rénovation d’un grand nombre de centrales à énergies fossiles relativement modernes » explique Neil Hirst, chercheur à l’Imperial College London, à propos du souhait de la Chine d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2060. Et qui, mécaniquement, devrait entraîner la création de nouveaux réacteurs nucléaires. Ou la construction massive d’infrastructures éoliennes, hydrauliques et solaires.
Mais, si la Chine ne renonce pas aux énergies renouvelables, elle semble pourtant privilégier le recours au nucléaire. Numériquement, le pays connaît déjà une croissance soutenue dans ce domaine. Le pays devrait compter 51 réacteurs en exploitation et 17 en construction à la fin de l’année 2020, pour une puissance installée de respectivement 52 GW et 19 GW, selon Michel Gay, expert du secteur. Petit à petit, la Chine rattrape la France dans ce domaine hautement stratégique avec une production d’origine nucléaire frôlant les 350 TW et tend à se rapprocher des États-Unis. Mais ce sont les perspectives de plus long-terme qui semblent dicter la transition chinoise vers une production bas-carbone. Déjà, en 2025, la puissance installée du parc chinois outrepassera celle de la France. L’objectif est, dans le cadre du Quatorzième plan quinquennal, de construire six à huit réacteurs chaque année. Des objectifs qui, même mis en perspective avec la puissance numérique chinoise, restent impressionnants. En effet, en 2035, la puissance installée devrait attendre les 200 GW. Et faire de la Chine le leader mondial du domaine.
Répondre aux recommandations du GIEC ?
Pour la Chine, le choix du nucléaire semble répondre aux recommandations du GIEC. En effet, le rapport spécial « Réchauffement de la planète de 1,5 °C », publié le 8 octobre 2018, affirme que « si la tendance actuelle se poursuit, le respect des objectifs climatiques nécessitera de multiplier par six les capacités nucléaires mondiales ».
Un revirement stratégique vers l’atome, pris aussi par la Pologne, qui a annoncé investir 33 milliards d’euros pour construire de premières centrales nucléaires. Une transition en forme de mea culpa pour un pays qui a longtemps concentré son destin énergétique sur le charbon : « Nous disions que la politique de sortie du charbon était une erreur. Aujourd’hui, en raison de ce qui se passe autour de nous, nous devons réviser ces affirmations » a ainsi affirmé Jacek Sasik, membre du gouvernement polonais.
Une stratégie qui diffère de celle de la France qui cherche à réduire à 50 % la part du nucléaire d’ici 2025. Au risque de perdre son leadership stratégique dans ce domaine, où la Chine tend à nourrir l’innovation internationale.