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Une rentrée divisée pour l’Union européenne

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Alors que la crise liée au coronavirus est toujours au centre du débat européen, elle n’a pas occulté les autres problématiques auxquelles doit faire face le continent. Petit tour d’horizon des dossiers qui divisent l’Union en ce début d’automne, de l’immigration à l’étiquetage alimentaire.

Face à Bruxelles, Macron défend Strasbourg 

Le Parlement européen de Strasbourg est lui aussi victime du coronavirus : en raison de la situation sanitaire qui continue à se dégrader, la session plénière de l’assemblée prévue du 5 au 8 octobre dans la capitale alsacienne se tiendra à Bruxelles. La précédente session, qui a eu lieu du 14 au 17 septembre, a dû elle aussi se tenir dans le bâtiment Paul-Henri Spaak, car Strasbourg était déjà en zone de circulation active du virus, dite « zone rouge ».

Dans un communiqué, le président du Parlement, David Sassoli, a précisé que « le Parlement tiendra à nouveau ses sessions à Strasbourg dès que les conditions le permettront ». Il a a ajouté sur Twitter espérer « que tout changera bientôt et que nous pourrons retourner dans notre ville ». Une déception qu’a partagée, lui aussi sur Twitter, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, Clément Beaune. Il a cité le président Emmanuel Macron qui, lors de son déplacement en Lituanie, le mardi 29 septembre, a fait part de son mécontentement en ces termes : « L’Europe a besoin de lieux. C’est pour cela que je défends Strasbourg, si tout se passe à Bruxelles l’Europe est perdue. » Pour Clément Beaune, il devient ainsi « impératif » que les parlementaires reviennent à Strasbourg, véritable symbole de la réconciliation franco-allemande et de l’Europe unie. 

La question de l’étiquetage alimentaire sur la table 

Au-delà de cette question géographique, des divisions politiques sont également apparues au grand jour depuis mi-septembre, et ce à plusieurs niveaux. 

Ainsi le 21 septembre dernier, les ministres de l’Agriculture et de la Pêche des différents pays-membres se sont réunis à Bruxelles. À cette occasion, la ministre italienne de l’Agriculture, Teresa Bellanova, a frappé un grand coup en présentant un rapport de la part d’un groupe de sept pays membres – dont l’Italie mais également la République tchèque, Chypre, la Grèce, la Lettonie, la Roumanie et la Hongrie – qui précise les conditions que cette coalition imposerait pour la mise sur pied d’un système d’étiquetage alimentaire européen unique, ainsi que les critères selon lesquels ils évalueraient l’impact d’un tel système sur leur filières agro-alimentaires.

Une prise de position qui illustre le fait que de nombreux pays au sein de l’UE restent très prudents sur ce dossier de l’étiquetage alimentaire en soulignant le risque que représentent certains systèmes de notation, notamment ceux qui se basent sur une référence générique à 100 grammes de produit, inappropriée pour des aliments tels que l’huile d’olive par exemple, qui est consommés au quotidien en quantités beaucoup plus faibles. Les limites des modes d’étiquetage AOC/AOP et les modèles inadaptés aux régimes alimentaires traditionnels des différentes régions du continent sont également pointés du doigt.

Une prise de position qui pourrait menacer le modèle français du Nutri-Score, qui tente de s’imposer à l’échelle européenne. Même si la commissaire européenne à la sécurité alimentaire, Stella Kyriakides a affirmé que « La stratégie (…) favorisera l’harmonisation des étiquetages, mais n’imposera pas d’étiquette type », la stratégie « de la ferme à la fourchette » de la Commission européenne poussera tout de même l’UE dans les années à venir à ne garder qu’un type d’étiquetage. Avec le rapport présenté par la coalition des sept pays le mois dernier, une grande partie de l’Europe a déjà fait savoir son opposition à la mode d’évaluation mise en avant par la France, en retoquant et l’idée de « noter » les aliments, et la proposition d’utiliser un système de couleurs pour communiquer l’effet bénéfique ou nocif d’un produit sur la santé des consommateurs – un refus catégorique des caractéristiques principales de Nutri-Score.

Reste à savoir si d’autres pays membres qui partagent des régimes alimentaires traditionnels et des intérêts agro-alimentaires avec les membres de la coalition, comme la Pologne et la Slovaquie, vont y adhérer à leur tour.

Un nouveau compromis sur la migration déjà critiqué

Deux jours plus tard, le 23 septembre, la Commission européenne a dévoilé le contenu de son « nouveau Pacte sur la migration et l’asile ». Il s’agit d’une réforme de la politique migratoire ayant pour objectif de tirer les leçons de la crise de 2015-2016. L’exécutif européen s’est comme souvent livré à un « exercice de compromis », à l’issue duquel « personne ne sera satisfait », comme l’avait prévenu la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson. 

Un compromis qui a tout de même dû déplacer son centre de gravité légèrement à droite, afin de rallier tous les pays — y compris ceux du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie), opposés à l’obligation d’accueillir des migrants. La réforme prévoit ainsi un « mécanisme de solidarité obligatoire » — qui doit mettre à contribution tous les États membres en cas de pression migratoire sur l’un d’entre eux — mais chaque État aura le choix entre accueillir des demandeurs d’asile, « parrainer » le renvoi dans son pays d’un migrant n’ayant pas le droit de rester dans l’UE, ou aider à la construction de centres d’accueil. 

Cette réforme n’abolit cependant pas le controversé règlement de Dublin, contrairement à ce qu’avait annoncé la présidente de la Commission Ursula Von der Leyen quelques jours plus tôt : le pays responsable du traitement d’une demande d’asile reste donc le pays de première entrée, au grand damne des pays du sud de l’Europe, comme la Grèce ou l’Italie. Ce nouveau Pacte sur la migration et l’asile n’est donc pas une solution miracle, tout au plus une amélioration déjà critiquée par certains pays comme la Hongrie dont, un représentant a déclaré au Point le 22 septembre que « la solidarité, ça ne s’impose pas. C’est un mouvement qui doit être spontané ».

Est contre Ouest, le retour ? 

La même semaine, dans une interview accordée à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel publiée le 25 septembre, la Commissaire européenne chargée de l’État de droit, Věra Jourová, a accusé Viktor Orbán de construire dans son pays « une démocratie malade ». Cette déclaration a déclenché l’ire du Premier ministre hongrois, qui a de ce fait écrit à la présidente de la Commission européenne une lettre l’informant qu’il rompait les contacts avec Věra Jourová et demandant sa démission.

La Hongrie est dans l’œil du cyclone depuis la résolution du Parlement européen votée mercredi 9 septembre pointant du doigt le bafouement des libertés et valeurs prônées par l’UE dans la presse, au sein des universités, contre les minorités, contre les migrants, mais aussi en matière de corruption et d’indépendance de la justice.

La Pologne fait l’objet d’accusations similaires, et les deux ex-pays communistes désirent par conséquent torpiller l’idée de conditionner les versements de fonds européens au respect de l’État de droit. Pour ce faire, ils sont en train d’engager un bras de fer avec les autres États membres, en menaçant de bloquer l’ensemble du budget. Il s’agit là de symptôme d’une rupture idéologique croissante entre les ex-pays communistes du groupe de Visegrad et l’Europe de l’Ouest. Une rupture qui s’incarne ans la création, annoncée par Budapest et Varsovie, d’un institut qui aura pour but de montrer « la répression idéologique libérale » de l’Union européenne.

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