Site icon La Revue Internationale

Emmanuel Macron à propos de la réélection d’Alassane Ouattara : « il n’y avait pas d’autre solution »

Dans un entretien fleuve accordé à Jeune Afrique, Emmanuel Macron a répondu aux questions des journalistes concernant les nombreux sujets brulants qui agitent le continent africain. L’occasion pour le président français de revenir sur la présidentielle ivoirienne, à l’issue de laquelle Alassane Ouattara a été réélu pour un 3e mandat. Emmanuel Macron renouvelle sa confiance à son homologue ivoirien, et l’invite à poursuivre le processus de réconciliation entamé.

La Côte d’Ivoire n’est pas la Guinée

La Côte d’Ivoire et la Guinée, deux pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ont organisé des élections présidentielles au mois d’octobre. Les deux présidents sortants de ces pays, respectivement Alassane Ouattara et Alpha Condé, se présentaient à un 3e mandat de 5 ans, et ont tous les deux été réélus dès le premier tour. Les comparaisons s’arrêtent cependant ici, tant sont différentes les raisons qui ont poussé ces deux leaders à se représenter, ainsi que la situation économique et politique prévalant dans leurs pays.

Après avoir souligné l’importance d’organiser des « rendez-vous démocratiques réguliers et transparents » ainsi que l’intérêt de l’alternance, « meilleur moyen de permettre l’inclusion dans la vie politique et de lutter contre la corruption », Emmanuel Macron a tenu à déminer le sujet du « 3e mandat », auquel ont pu prétendre Alassane Ouattara et Alpha Condé après une modification des Constitutions de leurs pays. La limitation à deux du nombre de mandats, souvent érigée en principe inaliénable, n’allait en effet pas de soi jusqu’à récemment en France qui, « jusqu’il y a douze ans, n’avait pas de limitation du nombre de mandats dans sa Constitution. »

Ces considérations liminaires effectuées, Emmanuel Macron a tenu à distinguer les exemples ivoirien et guinéen : « Je ne mets pas le cas de la Guinée et celui de la Côte d’Ivoire dans la même catégorie », a-t-il affirmé, ajoutant que selon lui, « d’évidence, (Alpha Condé) a organisé un référendum et un changement de la Constitution uniquement pour pouvoir garder le pouvoir. (…) Je pense que la situation est grave en Guinée, pour sa jeunesse, pour sa vitalité démocratique et pour son avancée. »

A contrario, rappelle Emmanuel Macron, « le président Ouattara s’est clairement exprimé en mars pour dire qu’il ne ferait pas de troisième mandat. Je l’ai tout de suite salué. Un candidat avait été désigné pour lui succéder : le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Mais à quelques semaines de l’échéance, il s’est retrouvé dans une situation exceptionnelle avec le décès de ce dernier. Je peux vous dire, de manière sincère, qu’il ne voulait pas se représenter pour un troisième mandat. » Le président français d’ajouter, un peu plus loin : « Je pense vraiment qu’il s’est présenté par devoir. Dans l’absolu, j’aurais préféré qu’il y ait une autre solution, mais il n’y en avait pas. »

En Côte d’Ivoire, place à la réconciliation

Pour protester contre l’ambition d’Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat, son principal opposant, Henri Konan Bédié, avait appelé à la « désobéissance civile », appel ayant entrainé de nombreuses violences pré et post-électorales qui se sont soldées par la mort de dizaines d’Ivoiriens. Si, depuis, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié se sont rencontrés pour évoquer ensemble les conditions d’une réconciliation visant à apaiser la situation, beaucoup reste à faire avant de parvenir à une entente durable. Un processus de réchauffement des relations avec l’opposition appelé de ses vœux par le Chef d’Etat français : « Il est maintenant de la responsabilité (d’Alassane Ouattara) d’œuvrer pour la réconciliation, de faire les gestes, d’ici aux élections législatives, pour pacifier son pays. Il est parfaitement conscient des tensions actuelles qui ont causé la mort de plus de 80 personnes. Il lui faut également réussir à se réconcilier avec les grandes figures de la politique ivoirienne. Les initiatives prises à l’égard d’Henri Konan Bédié sont, à cet égard, importantes, de même que les gestes à l’intention de Laurent Gbagbo. »

Quid de Guillaume Soro, ancien premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne, ayant depuis basculé dans les rangs de l’opposition et, faute de pouvoir se présenter à la présidentielle, appelé les Ivoiriens à l’insurrection depuis la France ? Emmanuel Macron se veut explicite : « Il n’a pas à créer le désordre et sa présence n’est pas souhaité, sur notre territoire, tant qu’il se comportera de cette manière. » Quand Jeune Afrique lui demande s’il a formulé le souhait de voir Guillaume Soro quitter le territoire français, sa réponse est, une nouvelle fois, catégorique : « Pas moi directement, mais nous ne souhaitons pas qu’il mène des actions de déstabilisation depuis le sol français. Autant nous pouvons accueillir des combattants de la liberté et toute personne qui serait menacée chez elle, autant nous n’avons pas vocation à protéger des activistes qui cherchent à déstabiliser un pays. » Une position qui montre une nouvelle fois la volonté de Paris d’encourager et d’accompagner, autant que faire se peut, le processus de réconciliation à l’œuvre à Abidjan.

Quitter la version mobile