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La lente implantation de la démocratie en Afrique

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Depuis la grande vague de décolonisation ayant libéré le continent dans les années soixante, l’Afrique, malmenée par les grandes puissances européennes durant des siècles, tente toujours de sortir la tête de l’eau. Composé en grande partie de régimes autoritaires, le continent a longtemps paru hostile à l’idée même de démocratie, une tendance qui s’est inversée ces dernières décennies. 

Autoritarisme : Le mal nécessaire 

Confrontés aux nombreuses difficultés politiques et économiques résultantes des changements de régime dus à la décolonisation, les pays africains ont estimé nécessaire de se doter d’Etats puissants. Leurs dirigeants devaient être capables de mener au plus vite les réformes nécessaires, quitte à aller contre la volonté du peuple puisqu’ils agissaient dans son intérêt. 

Les Etats africains ont donc décidé de sacrifier le pluralisme politique, autrement dit la démocratie, en instaurant des régimes autoritaires dans lesquelles les dirigeants auraient les pleins pouvoirs pour sauver leur pays. Ils ont ainsi créé les dictatures que nous connaissons aujourd’hui, et dont ils peinent à se défaire. 

Soi-disant culture du chef

De nombreuses figures de l’indépendance ayant exercé des fonctions politiques en France ou en Angleterre (Léopold Sédar Senghor, Sékou Touré), les observateurs de l’époque ne comprennent pas que ces hommes n’appliquent pas les principes démocratiques en vigueur en Europe. Pour expliquer ce retour en arrière, les Occidentaux dénoncent donc la culture du chef, qui régissait les sociétés africaines lors de la période précoloniale, laissant supposer une certaine volonté des peuples africains de se soumettre à un chef tout-puissant. 

Cette idée est toutefois rapidement descendue en flemme par deux anthropologues français et anglais, Jean-François Bayart et Nic Cheeseman, qui affirment, non seulement, que les chefs précoloniaux n’étaient pas tout-puissants, mais également que le peuple prenait part à la vie politique. « La plupart des sociétés africaines étaient effectivement des sociétés de délibération, mais cette délibération s’effectuait de façon exclusive, dans un contexte de forte hiérarchisation des statuts où seules certaines catégories sociales, notamment les hommes les plus âgés, avaient accès à la parole et à la décision », explique Jean-François Bayart. 

Tournant démocratique

Selon ces anthropologues, l’idée d’une chefferie traditionnelle n’est donc qu’une invention des colonisateurs, et les régimes autoritaires africains seraient en fait les héritiers directs « du projet autoritaire de la « mise en valeur coloniale » et du style de commandement de l’administration européenne de l’époque ».

Une théorie plus plausible que celle d’une chefferie traditionnelle, les chiffres démontrant que la tendance en Afrique est davantage à la démocratie qu’à l’autoritarisme. En effet, alors que dans les années 90 l’Afrique ne comptait que trois démocraties sur 53 pays, elle en recense aujourd’hui dix (Cap-Vert, Ghana, Afrique du Sud, île Maurice, Tunisie, Namibie, Sénégal, Botswana, Bénin, Sao Tomé-et-Principe), auxquels s’ajoutent quelques pays en voie de démocratisation (Éthiopie, Kenya, Gambie, Algérie, Nigeria, Madagascar, Maroc, Zambie).

« Depuis les années 1990, tous les États du continent ont instauré un processus électoral pluraliste avec la mise en concurrence des candidats, à l’exception de l’Érythrée. On compte ainsi chaque année une vingtaine d’élections sur tout le continent. Le système électoral fait partie du paysage africain, de la vie politique locale, explique l’ancien diplomate Pierre Jacquemot. Depuis 1990, six cents élections présidentielles et législatives se sont tenues dans les 53 pays africains. Seule l’Érythrée ne vote pas ».

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