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Pourquoi les ONG sont sous le feu des critiques ?

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L’ONG BarakaCity, dont la dissolution a été confirmée le mercredi 25 novembre par le Conseil d’État pour de possibles liens avec des franges islamistes radicales, a jeté un nouveau coup de froid sur les organismes humanitaires. Deux ans auparavant, l’ONG Oxfam se retrouvait au cœur d’un scandale sans précédent, après de multiples allégations de viols et agressions sexuels sur mineurs imputés à certains de ses membres. En RDC, l’homme d’affaires Dan Gertler accuse des ONG d’avoir utilisé des méthodes douteuses pour nourrir un rapport à sa charge. Dans le même temps, MSF ou Save the Children faisaient face aux mêmes accusations. Plus si pure, plus si bienveillant, plus si neutre, l’humanitaire traverse une crise profonde.

Des ONG devenues des offices politiques et religieuses ?

« Qu’Allah le Majestueux (…) (inonde) le visage de larmes de ceux qui détestent les musulmans et l’islam » s’exclamait sur Twitter le 12 novembre dernier, Idriss Sihamedi, fondateur de l’ONG BarakaCity. « Qu’Allah maudisse Charlie et ENFLAMME (sic) leurs tombes à la chaleur du soleil !!(sic) » s’était même permis Idriss Sihamedi le 3 septembre dernier. Ce sont surtout les prises de position controversées du fondateur de BarakaCity – même s’il s’en est depuis expliqué -, qui ont entrainé la dissolution de son association, « ainsi que ses liens avec d’autres associations appartenant à la mouvance islamiste radicale (…) » précise aussi le décret du 28 octobre dernier, portant dissolution de l’association. BarakaCity et son fondateur se sont toujours défendus d’une quelconque accointance avec des mouvements islamistes radicaux, réaffirmant leur vocation humanitaire et leur mission de soutien aux plus nécessiteux. Pourtant, plus qu’une ONG purement dédiée à sa vocation originelle, BarakaCity serait donc, selon les pouvoirs publics, le fer-de-lance d’un islam politique, dissimulant derrière des missions d’intérêts publics un combat contre la République et ses valeurs.

En RDC, les lourdes accusations de l’homme d’affaires Dan Gertler

Car c’est bien l’agenda politique des ONG qui est aujourd’hui au cœur des critiques portées. Au prosélytisme religieux de BarakaCity s’ajouterait, par exemple, l’agenda politique d’Oxfam, dont le classement des inégalités dans le monde est aujourd’hui remis en question pour son manque de rigueur scientifique. « Comme d’autres ONG, elle brasse des millions sans aucun contrôle, car les sommes dont disposent ces associations sont considérables (…). Ces sommes servent à acheter des 4×4, à acheter de belles villas ou à payer des prostitués » explique Charles Saint-Prot de l’Observatoire d’Études Géopolitiques. Surtout, Oxfam ne serait pas si neutre qu’elle le prétend et poursuivrait, bien au-delà de sa vocation humanitaire, un agenda politique. « Oxfam a été accusée d’avoir des liens avec les services secrets britanniques, il y’a également des affaires d’argent qui ont été un peu louches (…), on connaît les liens d’Oxfam avec les séparatistes du Polisario », poursuit Charles Saint-Prot.

Un agenda politique qui aurait entrainé les ONG à prendre quelques dispositions avec l’éthique. Dan Gertler, homme d’affaires israélien spécialisé dans l’exploitation minière en RDC, en aurait fait les frais. Il affirme ainsi faire l’objet de campagnes de dénonciation orchestrées par les ONG Global Witness et la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte, l’accusant indirectement d’avoir tenté de contourner les sanctions américaines dont il fait l’objet, lui interdisant de mener toute forme de transaction commerciale en dollars. Les avocats de Gertler expriment leurs doutes quant à la probité des membres des ONG et une plainte en diffamation a été déposée, couvrant les 8 chefs d’accusations de « vol et abus de confiance, chantage, corruption privée, violation du secret bancaire, faux et usage de faux, dénonciation calomnieuse, recel, et enfin, bande organisée », selon les informations fournies par Jeune Afrique. Avocat français d’Afriland First Bank CD, accusée par les ONG d’avoir laissé Dan Gertler et ses partenaires avoir recours à des dollars, Me Eric Moutet est l’auteur de cette plainte visant « la manière frauduleuse dont les documents utilisés par Global Witness et PPLAAF ont été détournées et falsifiés, sans parler des fortes pressions sur certains témoins ».

Haro sur le volontourisme

Les organisations humanitaires font aussi face, depuis plusieurs années, à une vague de critiques après le déferlement de pratiques associées au « volontourisme ». Cette mode consiste à envoyer de jeunes diplômés de grandes écoles françaises dans des pays du tiers-monde, afin de les faire venir en aide à des populations en difficultés. Les coûts de ces stages peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros et ont, au niveau des populations locales, des conséquences désastreuses. « L’Unicef et des ONG comme Friends International ont montré que le volontourisme en orphelinat avait pour conséquence… de créer des orphelins ! Elles ont constaté en 2010 que 75 % des enfants en orphelinat au Cambodge avaient en réalité au moins un de leurs deux parents en vie » explique Voleak Sok au Monde.

En effet, pour nourrir la demande de certaines ONG, de faux orphelinats, avec de faux orphelins ont été montés de toute pièce. En 2007, des membres de l’ONG « L’Arche de Noé » avait même été mis en examen sous le chef d’accusation d’« enlèvement de mineurs et d’escroquerie », après la tentative d’envoi, en France, de dizaines d’ « orphelins » à des familles d’accueils, contre de fortes sommes d’argents. Les enquêtes menées par la suite avaient prouvé que la grande majorité de ces enfants avaient au moins un de leurs parents. Un fiasco humanitaire, devenu affaire judiciaire et diplomatique qui, pendant plusieurs semaines, avait très fortement crispé les relations franco-tchadiennes.

Viols et abus sexuels : des accusations en cascade dans plusieurs pays

Chez Oxfam, les scandales ont pris une toute autre mesure. Certains employés d’Oxfam, ont été accusés d’avoir multiplié les viols au cours de missions humanitaires au Soudan du Sud, d’abus sexuels au Libéria etc. Les fiascos judiciaires et les dérives ne semblent pas s’apaiser. Le recours à des prostitués a aussi été prouvé en Haïti, ainsi qu’au Tchad. Ces accusations témoignent en effet d’un système systémique résumé par Me Evans, ancienne directrice de la prévention interne d’Oxfam, comme une « culture d’abus sexuels au sein de certains bureaux ».

En République démocratique du Congo (RDC), une cinquantaine de femmes accusent des travailleurs humanitaires d’abus sexuels. Les plaignantes, majoritairement femmes de ménage et cuisinières, visent entre autres l’Unicef, Oxfam, Médecins sans frontière et surtout, des personnels de l’Organisation Mondiale de la Santé.

Alors que la crise sanitaire et économique rend la mission des ONG essentielle, les organisations humanitaires sont fragilisées par une réputation amoindrie. L’urgence devrait pourtant les pousser à retrouver leur éthique première que rappelle plusieurs associations luxembourgeoises en affirmant qu’elles doivent « s’abstenir de prendre part aux hostilités et, en tout temps, aux controverses d’ordre politique, racial, religieux et idéologique ».

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