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Une nouvelle procédure d’impeachment contre Donald Trump

Neuf jours avant la fin de son mandat, les démocrates, vainqueurs de la présidentielle et en passe de récupérer la majorité dans les deux chambres, ont lancé une nouvelle procédure d’impeachment contre Donald Trump.

Une nouvelle péripétie vient agiter la fin de mandat du Président américain sortant Donald Trump. La Présidente de la Chambre des représentants a déposé un acte d’accusation (ou d’« impeachment ») devant la Chambre des représentants, lundi 11 janvier. Le candidat défait à sa réélection y est accusé d’avoir « incité à l’insurrection » dans une série de Tweets et de prises de parole au cours des dernières semaines. Trump n’a en effet eu de cesse de contester sa défaite, et d’appeler se supporters à « se battre comme des diables » pour défendre l’intégrité de l’état. Nancy Pelosi en appelle aujourd’hui au 14e amendement de la Constitution américaine, qui frappe d’inéligibilité toute personne « engagée dans une insurrection ou une rébellion » contre les États-Unis.

Cette nouvelle procédure intervient plus particulièrement en réponse à l’invasion du Capitole par des partisans suprémacistes de Donald Trump, mercredi dernier. Ces derniers, rassemblés afin de protester contre la supposée victoire « illégitime » de Joe Biden ont pris le bâtiment d’assaut, s’introduisant par effraction, certains équipés pour en découvre (un fusil d’assaut, des revolvers, des cocktails Molotov et autres explosifs artisanaux) ou pour un prise d’otages (menottes en plastique de type serflex) un jour où tous les élus américains se trouvaient regroupés pour confirmer l’investiture du candidat Démocrate. L’attaque a causé la mort de 5 personnes, dont un policier tué par les insurgés à coups d’extincteur !

Le chef du groupe démocrate à la Chambre des représentants, Steny Hoyer, a déclaré que le vote sur la procédure de destitution devrait avoir lieu mercredi. Les élus démocrates ont également demandé au vice-président, Mike Pence, de recourir au 25e amendement de la Constitution pour déclarer le président « inapte à l’exercice du pouvoir ». Ce dernier, après un long silence (il a même fait le mort afin d’éviter plusieurs appels téléphoniques), a fini par refuser de donner suite à cette requête. Ce dernier semble jouer la montre et attend l’expiration du mandat en cours – ce qui semble plus largement être la stratégie du parti Républicain. Le calendrier électoral laisse en effet peu de temps avant le 20 janvier, date de l’investiture de Joe Biden.

Un (probable) nouveau blocage politique

Si l’adoption de la résolution est garantie à la Chambre des représentants, la demande doit ensuite être soumise au Sénat. Le chef de l’actuelle majorité (Républicaine) Mitch McConnell a refusé de tenir d’audition sur ce dossier avant le 19 janvier – soit la veille de la fin du mandat présidentiel. En outre, « il faudrait obtenir une majorité aux deux tiers pour que Trump soit condamné par le Sénat. Ce qui permettrait ensuite de voter une résolution pour voter l’inéligibilité, cette fois-ci, à une majorité simple », note la politologue franco-américaine Nicole Bacharan. La bataille est donc loin d’être gagnée pour le Démocrates.

La Chambre des représentants pourrait décider de retarder la soumission de d’impeachment aux sénateurs jusqu’à être majoritaires, le 20 janvier. Mais cela ne les sortira pas d’affaire. Ils auront alors toujours besoin du ralliement de nombreux républicains pour atteindre la majorité des deux-tiers nécessaire. Trump avait ainsi déjà été visé par une procédure de destitution en décembre 2019, en lien avec les pressions exercées sur l’Ukraine, sans succès. Cette fois, cette action vise à « marquer le coup, permettre au Sénat d’interdire à Donald Trump de se représenter en 2024 et l’empêcher de s’autogrâcier », explique Julien Boudon, professeur de droit public à l’université de Paris-Saclay et spécialiste de droit constitutionnel américain. La voter reviendrait donc à se mettre une fraction conséquente de l’électorat républicain à dos.

Aussi, les soutiens à cette motion côté Républicain sont rares (on préfère attendre que le soufflé retombe pour ne pas avoir à assumer un soutien embarrassant aux dangereuses fanfaronnades de Trump). Pourtant, quelques élus di Grand Old Party l’ont appelé à démissionner. Ce « serait la meilleure option », a affirmé le sénateur Pat Toomey, qui estime que Trump « a sombré dans un niveau de folie et a commis des actes absolument impensables et impardonnables ». « La meilleure chose pour l’unité du pays, ce serait qu’il démissionne », a renchéri Adam Kinzinger, élu républicain de la Chambre des représentants. Mais une condamnation directe de leur ancien candidat est délicate pour les élus conservateurs, tant la base électorale du parti est encore attachée au Président défait.

Le ras le bol du secteur des affaires

Si le soutien de sa base électorale semble encore solide, le big business américain, pourtant habituellement favorable au parti Républicain, semble pour sa part en avoir eu assez des inconséquences de Trump. Et leur courroux semble frapper plus largement les élus conservateurs qui refusent de condamner leur poulain. La chaîne d’hôtels Marriott, Marathon Petroleum ainsi que plusieurs compagnies d’assurance et des banques ont ainsi décidé de suspendre définitivement leur financement aux élus républicains ayant refusé de certifier l’élection de Joe Biden au Congrès. Elles ont été suivies par Goldman Sachs, Coca-Cola, Amazon, General Electric, AT & T, Dow, Comcast, Verizon, American Express, Airbnb ou Mastercard ou encore Ford.

« L’entreprise Hallmark est même allée plus loin, demandant à deux sénateurs, Josh Hawley (Missouri), l’un des plus ardents contempteurs du scrutin de novembre, et Roger Marshall (Kansas) de rembourser les 7 000 et 5 000 dollars qu’ils avaient reçus ces derniers mois » a relevé le Monde. Une action symbolique par son montant mais aussi sa portée.

Les principaux réseaux sociaux, longtemps dans le collimateur de Trump, n’ont pas manqué d’eux aussi réagir au scandale. Le Président a ainsi été banni à vie de Twitter et Facebook au motif que de nouvelles déclarations irréfléchies pourraient provoquer de nouvelles violences, notamment lors de l’investiture prochaine de Joe Biden. Une nouvelle qui l’aurait plongé dans une rage noire, étant un utilisateur frénétique du tweet. Les deux groupes mettent en avant des violations de leur conditions d’utilisation pour justifier cette décision qui a depuis fait couler beaucoup d’encre. Dans le même temps, Twitter a supprimé 70 000 bots et comptes de la mouvance complotiste QAnon, qui était très présente lors de l’invasion du Capitole.

Si les coups se multiplient, si bien qu’ils pourraient faire plier les républicaines qui soutiennent encore le Président, la riposte visant ce dernier personnellement prend également de l’ampleur. La gueule de bois devrait ainsi s’étendre bien après son départ de la Maison blanche. Deutsche Bank, principal créancier de la Trump Organization, a annoncé vouloir couper les ponts, soucieuse de se démarquer du « bad buzz » suscité par cette affaire. Signature Bank, établissement où a siégé sa fille, a décidé de fermer les comptes personnels du président américain, qui y détenait un peu plus de 5 millions de dollars alors que la plateforme de vente en ligne Shopify a fermé les pages vendant ses articles. Un début de soulagement pour tous ceux qu’une présidence pour le moins clivante avait horrifiés.

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