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Un large consensus se forme derrière Mario Draghi

Après une série d’entretiens avec les forces politiques représentées au Parlement, l’ancien patron de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, semble en bonne voie pour former un gouvernement d’unité nationale en Italie.

Mario Draghi s’est donné jusqu’au milieu de semaine pour former un nouveau gouvernement. Celui que certains en Italie aiment surnommer « Super Mario » a été sorti de sa retraite par le président Sergio Mattarella afin de sortir le pays de l’impasse politique, après que le Président du Conseil Giuseppe Conte ait jeté l’éponge. Déjà fragile, l’Italie a été très durement impactée par la pandémie, avec près de 90 000 morts et une chute vertigineuse de son PIB (8,9%). La défection des partisans de l’ancien président du Conseil Matteo Renzi sur fond de des désaccords sur la gestion des quelques 209 milliards d’euros d’aide européenne allouées à Rome, avait finalement poussé Conte à dissoudre son gouvernement i y a trois semaines.

« S’il a reconnu que, sous sa pression, le gouvernement avait corrigé sa copie quant à l’utilisation des fonds européens pour la relance économique (« moins de rabais fiscaux, plus d’investissements »), Matteo Renzi a continué d’insister pour que l’Italie recoure au Mécanisme européen de solidarité (MES) qui pourrait lui permettre d’obtenir 37 milliards d’euros de prêts supplémentaires pour le secteur de la santé », explique Eric Jozsef, le correspondant à Rome de Libération. C’est sur ce point que l’alliance s’est finalement échouée.

Draghi, appelé à la rescousse, a d’emblée cherché à rétablir un consensus afin de sortir le pays du blocage institutionnel. A cette fin, il a lancé ce matin un deuxième round de consultations, cette fois avec les représentants des syndicats et du patronat. Il avait déjà rencontré les grandes forces politiques du pays afin de crée un gouvernement d’unité nationale et tentera de faire une synthèse des propositions des différents partis et réécrire le plan de relance, réparer la machine économique italienne, grippée depuis quelques années, reprendre la vaccination massive de la population, restructurer la dette publique restaurer l’unité sociale d’un pays miné par des clivages profondes. Vaste programme.

Tous pour un et un pour tous ?

Battre la campagne semble en train de porter ses fruits. A ce jour, seul le parti d’extrême droite Fratelli d’Italia a refusé de rejoindre l’union nationale et demande des élections anticipées. Même le Mouvement 5 étoiles, force antisystème qui détient la majorité relative dans les deux branches du Parlement, a choisi de faire front commun. « Au sein du Mouvement 5 étoiles, Beppe Grillo qui tape sur la « caste » s’est rallié à Mario Draghi en disant qu’il n’y a pas d’autre solution pour le moment », note l’historien Marc Lazar. Un changement notable, quand on considère le fait que la coalition à venir est menée par l’ancien gouverneur de la Banque d’Italie, ancien président de la Banque centrale européenne, ancien vice-président de la branche Europe de Goldman Sachs.

Autre surprise, la Ligue de l’europhobe Matteo Salvini s’est également ralliée aussi çà l’initiative, au motif que « l’intérêt supérieur du pays doit primer sur tout intérêt personnel ou d’un parti ». Un choix notamment lié à l’assise historique de na formation nationaliste dans les régions riches du Nord de l’Italie, pour qui la relance est cruciale. Une alliance de circonstances, donc et il est fort à parier que Salvini souhaite avant tout peser sur les choix du prochain gouvernement. Il est probable qu’il tentera de s’y faire une place afin d’une nouvelle fois siphonner les acquis de la formation comme il l’avait fait lorsqu’il dirigeait aux côtés des Cinq étoiles. Son tapage médiatique lui avait ainsi permis de gagner en popularité au sein d’un gouvernement où il était entré très minoritaire – au point de tenter de le renverser au lendemain des européennes.

De l’euroscepticisme vers l’europhilie ?

Cette union autour d’un technocrate europhile peut sembler surprenante quand on sait à quel point la scène politique italienne a été marquée par la faillite des forces traditionnelles et une défiance croissante à l’égard de le Bruxelles. Et ce d’autant qu’elle fait écho à un véritable soutien dans l’opinion – l’institut Demos crédite Draghi de 71 % d’opinions favorables. En réalité, malgré sa carrière, Draghi est encore considéré comme une forme d’« outsider ». Il est « l’incarnation d’un autre archétype italien : le « technicien » de haut niveau, novice en politique et foncièrement honnête, auquel les politiciens italiens confient le pouvoir pour arbitrer leurs querelles stériles » souligne justement un éditorial du Monde.

Aussi, le statut d’homme providentiel, récurrent dans l’histoire politique italienne, semble le sauver de la disgrâce qui touche habituellement les membres du sérail. « En cela, Mario Draghi serait l’héritier de dirigeants comme Carlo Azeglio Ciampi, ex-président de la République (1999-2006), ou Mario Monti, ancien président du conseil des ministres (2011-2013), qui, durant le quart de siècle écoulé, sont arrivés aux affaires dans un contexte dramatique pour le pays, afin de lui rendre un peu de crédit auprès des marchés financiers » poursuit l’article. Dans le même temps, le Mouvement 5 Etoiles est en chute libre dans les sondages.

Autre revirement notable, les récentes enquêtes d’opinion montrent un changement notable d’opinion vis-à-vis de l’UE, désormais considérée par une part croissante d’italiens comme indispensable pour sortir de la crise. Et pour cause, du rôle de père fouettard elle est en train de se transformer en sauveur – la chute du précédent gouvernement a tout de même été provoquée par un désaccord sur la dépense de plus de 200 milliards d’euros d’aide ! « Mario Monti avait aussi été appelé dans une situation de crise, mais Mario Monti était obligé de faire une politique d’austérité. Là, il s’agit de dépenser. Et ça, les Italiens l’ont compris. Ce n’est plus du tout la même perspective » note Marc Lazar.

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