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La grande offensive diplomatique chinoise

Il ne fait pas bon se mêler de politique chinoise. Tout d’abord, il y a eu la disparition du milliardaire Jack Ma, fondateur d’Alibaba, leader chinois de l’e-commerce, qui avait critiqué en octobre dernier la réglementation financière du pays. Il est finalement réapparu après près de trois mois de silence radio, dans une vidéo rendant hommage aux efforts du Parti communiste chinois (PCC) pour lutter contre la pauvreté. Le groupe Alibaba vient par ailleurs d’être condamné à une amende massue pour pratiques anticoncurrentielles – la plus importante de l’histoire du pays.  Depuis ce weekend, on sait également que la Fintech Ant Group, également crée par Ma, chercherait à évincer son fondateur historique, de façon à échapper au contrôle du gouvernement et des régulateurs du pays.

Mais les représailles de la Chine touchent bien au-delà de ses frontières. Une série de marques occidentales, dont H&M, Burberry, Nike et Adidas a décidé de dénoncer le traitement inhumain des ouïghours au Xinjiang. Elles font désormais l’objet d’un boycott dans le pays, largement initié par le PCC. Ces dernières refusaient de se procurer en coton venant de la Province (80% de la production chinoise) après des révélations de travail forcé de la minorité musulmane. Sans grande surprise, la campagne gouvernementale visant à empêcher les marques étrangères de « ternir le nom de la Chine », coïncide avec les sanctions imposées contre Pékin par l’Union européenne, les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada.

Un retour à la belligérance

On se souvient également de propos outranciers tenus par Lu Shaye, l’ambassadeur de Chine en France, qui avait notamment qualifié un chercheur français, spécialiste de la question de Taïwan de « petite frappe ». Une sortie qui lui a valu une nouvelle convocation par l’administration française, qu’il a un temps esquivée, prétextant manquer de temps. Autant de crispations qui illustrent comment, ces dernières mois, l’attitude de Pékin s’est radicalisée. Une belligérance qui s’explique par la crainte que les occidentaux ne s’occupent drop de ce que la Chine appelle ses « affaires intérieures ».

Le politique chinoise fonctionne en effet sur un principe assez simple de coûts-bénéfices. Or les sanctions occidentales, si timorées soient-elles, font peser un risque sur le pays, qui n’a fait qu’entamer sa transition vers la consommation intérieure. Et les sujets de discorde, susceptibles de donner lieu à de sanctions, s’accumulent. En plus de la persécution des ouïghours, on peut citer la répression des manifestants pro-indépendance à Hongkong, mais aussi les menaces de plus en plus ouvertes à l’égard des « sécessionnistes » de Taïwan ou l’usage de la dette comme un instrument de sa puissance.

A cela il faut ajouter les pressions internationales pour une enquête sur les origines et la diffusion de la COVID – aspect peu reluisant de la gestion chinoise, que le régime à tout fait pour passer sous silence, préférant afficher sa maitrise autoritaire mes efficace de la pandémie. La propagande d’état a redoublé, au point qu’une part importante de la population chinoise doute même désormais que le virus vienne de leur pays. La presse d’état explique en effet qu’il était en réalité né aux États-Unis et aurait atteint le Chine lors des Jeux militaires de Wuhan.

Prendre les devants

De fait, le régime marche sur des œufs. En atteste la réaction aux propos de George Gao, le directeur du Centre de contrôle et de prévention des maladies, qui avait expliqué que l’efficacité des vaccins chinois « n’est pas élevée » et pourrait nécessiter « quelques améliorations ». En quelques heures, la vidéo est devenue virale – une viralité mal vécue par les autorités chinoises qui se gardent bien de communiquer sur l’efficacité de leurs vaccins. C’est le seul pays ne pas à le faire. Tous les mots clés se référant à ces déclarations sur les réseaux sociaux ont disparu du jour au lendemain.

Pékin fait profil bas, et tente de déplacer le débat, mais « d’autres résultats, obtenus dans d’autres pays qui ont accepté d’utiliser l’un ou l’autre de ces vaccins, commencent à apparaître. Ils sont peu glorieux. Le Brésil, par exemple, rapporte une efficacité de seulement 50,3% » notait Anthony Bellanger sur France Inter. « Singapour a acheté du vaccin chinois mais, pour le moment, a refusé de l’utiliser. Quant aux Émirats arabes unis, qui ont beaucoup vacciné à l’aide de Sinopharm, ils ont fait savoir qu’il serait peut-être nécessaire d’administrer une 3e dose du vaccin chinois. »

L’élection de Joe Biden, contraint de montrer qu’il ne serait pas faible avec la Chine après un Donald Trump tout en confrontations, n’a rien fait pour améliorer les choses pour Pékin. La crainte que les actions de ces géants de la technologie ne puissent bientôt plus être vendues sur les marchés boursiers américains (via le « Holding Foreign Companies Accountable Act ») a fait dégringoler la capitalisation de plusieurs géants technologiques chinois : Alibaba a chuté de 39 milliards de dollars ; Baidu de 13,75 milliards ; JD.com de 3,95 milliards ou encore Netease de3,52 milliards.

Si les signaux inquiétants se multiplie, la croissance chinoise n’en est pas moins vigoureuse. Aussi, il y a une volonté chinoise manifeste de prendre les devants et conserver le contrôle du récit tant de la pandémie que de la performance de son système. En préemptant le débat de manière très agressive, Pékin espère décourager toute critique ou toute action susceptible de réellement la pénaliser. La question est alors : l’Europe se laissera-t-elle faire ? Les déclarations de Xi Jinping contre le projet de taxe carbone de l’Union européenne semblent indiquer quel sera le premier terrain pour ce nouveau rapport de force. Premier crash test pour une Europe qui timidement se rêve géopolitique.

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