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Quand l’énergie du futur vient du passé

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Au moment où il est urgent de se passer des énergies fossiles pour tenter de limiter le changement climatique, on entend beaucoup parler des « énergies du futur ». L’hydrogène fait partie de ces sujets qui ressortent de plus en plus souvent[1]. La France a ainsi lancé en 2020 un plan hydrogène de 7 milliards d’euros d’ici 2030, pour « faire de ce gaz l’énergie d’avenir de la France »[2]. On apprenait le 25 Mai que la Tour Eiffel était éclairée par de l’hydrogène ‘vert’. Une information relayée sur le site du gouvernement[3], qui a provoqué beaucoup de railleries[4].

L’hydrogène : un sujet mal abordé

Cette information est en effet un bon révélateur du niveau des discussions sur l’énergie et les technologies. Tout d’abord, l’hydrogène n’est pas une source d’énergie. Il existe certes des sources d’hydrogène naturel. Mais aussi beaucoup d’incertitudes sur les réserves réelles et sur l’intérêt économique de son extraction[5]. L’hydrogène est un vecteur énergétique comme l’électricité: un moyen de transporter l’énergie d’un point vers un autre. 

L’hydrogène possède une forte densité énergétique massique (MJ/kg) mais est gazeux dans les conditions ambiantes. Son stockage nécessite de le refroidir et de le comprimer. A l’heure actuelle 98% de l’hydrogène dans le monde, environ 70 millions de tonnes[6], est produit à partir de combustibles fossiles. L’hydrogène n’est donc bas-carbone que si sa production l’est. Le mode de production utilisé pour l’hydrogène de la Tour Eiffel n’a pas été communiqué. Électrolyse de l’eau alimentée par électricité renouvelable ou production à partir de biogaz ?

Energie, innovations et histoire

Plus généralement, cet ‘événement’ est symptomatique d’une fascination pour l’innovation. Le terme ‘prouesse’[7] a ainsi été utilisé pour qualifier quelque chose qui aurait pu être réalisé il y a bien longtemps. Le procédé d’électrolyse de l’eau a été réalisé pour la première fois en 1800 en utilisant la pile tout juste inventée par Volta[8]. La pile à combustible qui permet de produire de l’électricité à partir d’hydrogène, procédé utilisé pour la Tour Eiffel, a été inventée en 1839[9]. Jusqu’en 2020, la Tour Eiffel était éclairée par des projecteurs au sodium[10] dont le brevet fut déposé en 1919[11].

En supposant que les électrolyseurs étaient alimentés par des éoliennes, celles-ci fonctionnent sur le principe de l’induction décrit par les lois de Maxwell. Les éoliennes ont une longue histoire. En 1888 dans l’Ohio (USA), Charles Brush développe une éolienne de 16kW ayant un diamètre de 17m[12]. C’est la première à alimenter directement des foyers. Un an plus tôt en Ecosse, une éolienne est utilisée pour charger une batterie. Le premier modèle de 1 MW date de 1941. Elle casse après 1100 h de production- les matériaux de l’époque n’étant pas assez résistants. Le développement de l’éolien retrouve du souffle grâce à la NASA qui développe son premier modèle de 100 kW en 1975[13].

En 2021, Vesta détient le record de l’éolienne la plus puissance avec un modèle d’une puissance de 15 MW et dont le rotor a un diamètre de 236 mètres. Pour rappel, la Tour Eiffel mesure 324 mètres de haut. 

Espoir de nouvelles technologies et besoin des technologies actuelles

Il existe évidemment des développements plus récents comme le nucléaire, le photovoltaïque, les batteries lithium-ion. Et des espoirs pour des technologie de rupture dans un futur plus ou moins proche, comme la maîtrise de la fusion nucléaire[14] (même si les recherches dans ce domaine ont débuté il y a longtemps). Mais même pour la fusion la conversion de l’énergie thermique en électricité reposera sur la génération de vapeur et la mise en action de turbines à vapeur dont le concept date de 1884[15]. L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) prévoit que 45% des réductions d’émissions en 2050 viendront de technologies encore en phase de développement. Une bonne partie des solutions est donc déjà disponible, et doit être déployée rapidement et massivement…


[1] https://www.europe1.fr/emissions/L-edito-eco2/hydrogene-quel-avenir-pour-cette-energie-nouvelle-4024019

[2] https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/hydrogene-la-france-detaille-a-son-plan-a-7-milliards-deuros-1240547

[3] https://www.gouvernement.fr/la-tour-eiffel-illuminee-a-l-hydrogene-vert

[4] https://www.lefigaro.fr/sciences/l-hydrogene-un-vrai-potentiel-qui-depend-de-sa-production-20210528

[5] https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/lhydrogene-naturel-curiosite-geologique-ou-source-denergie-majeure-dans-le-futur

[6] https://www.iea.org/reports/hydrogen

[7] https://www.usinenouvelle.com/article/l-industrie-c-est-fou-la-tour-eiffel-s-eclaire-pour-la-premiere-fois-grace-a-l-hydrogene.N1095759

[8] https://owlcation.com/stem/Electrolysis-The-Way-of-the-Future

[9] https://www.thoughtco.com/hydrogen-fuel-cells-1991799#:~:text=In%201839%2C%20the%20first%20fuel,enough%20electricity%20to%20be%20useful.

[10] https://www.toureiffel.paris/fr/le-monument/illuminations

[11] http://www.soxlamps.org/soxhistory_contents.htm

[12] http://xn--drmstrre-64ad.dk/wp-content/wind/miller/windpower%20web/fr/pictures/brush.htm

[13] https://fr.wind-turbine-models.com/turbines/98-nasa-mod-0-nasa-lockheed

[14] https://union-des-savoirs.fr/event/la-fusion-nucleaire/

[15] https://www.powermag.com/history-of-power-the-evolution-of-the-electric-generation-industry/

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