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Au Sénégal, Macky Sall tente de renouer avec la jeunesse

Macky Sall Dakar - Revue internationaleMacky Sall Dakar - Revue internationale

C’est un pays meurtri que se réveille doucement de ses blessures. Fatiguée par la crise sanitaire, la jeunesse du Sénégal est massivement descendue dans la rue en mars dernier pour protester contre l’arrestation, après des accusations de viol, de l’un de ses leaders les plus populaires, le député d’opposition Ousmane Sonko, président du Parti Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité (PASTEF). Rapidement, la crise politique s’est transformée en grogne sociale. Pour adoucir une situation explosive, Macky Sall, le président du pays, a privilégié le dialogue et proposé un grand plan de soutien à l’emploi des jeunes.

Un vent de colère

Entre le 3 et 8 mars dernier, plusieurs villes sénégalaises, notamment Dakar et ses dizaines de milliers d’étudiants, se sont enflammées. L’arrestation d’Ousmane Sonko fut, sans doute, l’étincelle d’une colère qui couvait de longue date dans un contexte économique fragilisé par l’épidémie de Covid-19. Une flambée de violence exceptionnelle dans un pays ordinairement calme et habitué au dialogue pacifique. Dans la confusion générale, des commerces français sont incendiés et pillés, certains manifestants reprochant à la diplomatie hexagonale son soutien à Macky Sall. Dès le début des échauffourées, la communauté internationale se presse pour inviter l’ensemble des parties au calme et à la retenue, craignant que les manifestations se terminent en bain de sang, comme dans la Guinée voisine.

Le samedi 6 mars, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) s’indigne des scènes de guérilla urbaine et invite « les autorités à prendre les mesures nécessaires pour apaiser les tensions et garantir les libertés de manifester pacifiquement, conformément aux lois en vigueur ». Le 9 mars, le couvre-feu est allégé dans plusieurs localités à la demande de Macky Sall. Quatre jours après, les chefs religieux intercèdent en faveur de l’apaisement, encourageant l’opposition à arrêter les appels à manifester. Parmi eux, Serigne Mountakha Mbacké, khalife général de l’une des principales confréries soufies du pays, a joué un rôle clé. Le calme revient rapidement au Sénégal. Mais le pays tout entier a tremblé. Selon Moctar Sourang, coordinateur du mouvement d’opposition Front de résistance national (Frn), « il y avait de réels risques de coup d’État », certains manifestants ayant « failli franchir la ligne rouge ».

Préserver les vies sans sacrifier l’économie : le jeu d’équilibre de Macky Sall

La crise sanitaire a porté un coup rude à la situation financière — déjà fragile — des jeunes Sénégalais. Les mesures de restriction ont en effet eu des conséquences socio-économiques profondes, notamment pour les étudiants, qui travaillent souvent en parallèle de leurs études pour subvenir à leurs besoins. Mais elles ont permis à Macky Sall d’éviter un désastre sanitaire, que beaucoup craignaient et annonçaient dès les premiers cas de Covid-19 dans le pays. Aujourd’hui, le Sénégal ne décompte que 1 200 morts et reste en mesure de contrôler la diffusion épidémique.

Mais le Sénégal n’a, comme la plupart des pays soumis à la mise à l’arrêt de tout ou partie de leur vie économique, pas échappé à la précarisation d’une partie de sa population. Macky Sall peut tout de même compter sur un bilan économique positif, avec un taux de croissance certes descendu à 1,5 % en 2020, mais encore dans le vert. Un rebond est attendu en 2021, avec une croissance espérée de 3,7 %, contre 5,2 % avant l’épidémie, selon les données prospectives du FMI.

D’autres facteurs extérieurs, indépendants de la volonté gouvernementale, ont aussi fortement touché les populations. « La diaspora, dont les versements représentent entre 10 % et 12 % du PIB, fait aussi face à ses propres problèmes » explique au Monde Demba Moussa Dembélé, économiste. Mais ils devraient logiquement repartir à la hausse après la crise sanitaire. De même, le secteur touristique, de plus en plus stratégique au Sénégal, a fortement subi l’arrêt des déplacements internationaux et régionaux.

Pour répondre à l’urgence sanitaire et sociale, Macky Sall n’est pas resté immobile. « Le président a fait adopter un plan de 1 000 milliards de francs CFA » dès le 23 mars 2020 afin de garantir l’approvisionnement des populations en produits pharmaceutiques et de première nécessité, détaille Demba Moussa Dembélé. Les secteurs les plus fragilisés de l’économie, notamment les infrastructures touristiques, ont bénéficié de remises fiscales d’ampleur, afin de leur permettre d’encaisser plus facilement les soubresauts économiques.

Répondre aux besoins spécifiques de la jeunesse

Macky Sall s’est aussi mobilisé en faveur de la jeunesse qui, dans la violence, exprimait des besoins spécifiques. En premier lieu, celui de l’accès à l’emploi. En annonçant un panel de mesures financières notamment. Le 3 avril, veille de la fête nationale, il a ainsi promis dans une allocution télévisée la mobilisation de 450 milliards de francs CFA sur 3 ans, destinés à faciliter l’insertion professionnelle de la jeunesse. L’un des autres points d’orgue de son plan d’urgence est le recrutement de 65 000 jeunes dans la fonction publique sénégalaise dans les années à venir et l’installation, dans chaque département, d’un point de contact pour les jeunes qui « servira de cadre d’accueil, de conseil et de financement des porteurs de projets ». Aux mesures d’urgence a succédé le dialogue politique et social. Le 22 avril, Macky Sall a rassemblé l’ensemble des acteurs de la jeunesse du pays dans le cadre d’un conseil présidentiel pour, après les violentes manifestations du mois de mars, préparer l’avenir. Avec, toujours, l’espoir de résorber les fractures qui ont, pendant une semaine, fortement meurtri les esprits et accentué les tensions politiques.

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