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Tout va vite et rien ne bouge

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Commençons par un petit paradoxe. La planète sur laquelle nous vivons, la Terre puisque la colonisation d’autres planètes reste largement hypothétique, tourne de moins en moins vite [1]. Il y a 500 millions d’années, une journée faisait 22 heures. Pas de soucis à se faire, le changement est de l’ordre du millième de seconde par siècle. Il y a donc peu de chance que vous le perceviez. Si on regarde l’activité humaine par contre, tout donne l’impression d’aller de plus en plus vite. On parle d’ailleurs de ‘Grande Accélération’ pour caractériser le développement spectaculaire, depuis les années 1950, de la population mondiale, de l’économie, de la population, de la consommation énergétique, des échanges commerciaux, et… de l’impact sur l’environnement.

Immédiateté de l’information

Quel meilleur exemple que l’information pour caractériser la vitesse à laquelle vont les choses ?

Tous les grands médias diffusent l’information en continu sur leurs sites internet. Une étude réalisée avec des données de 2013 montrait qu’il faut en moyenne 175 minutes pour qu’une information couverte par un site soit repris par un autre. Pour un quart des évènements ce temps était de moins de 4 minutes[2]. Ironie du sort, les informations fallacieuses (fake news) sont celles qui se diffusent le plus rapidement. Sur Twitter par exemple, une fake news se propage 10 à 20 fois plus vite qu’une information réelle[3]. Sur les marchés financiers, les temps de réaction pour le trading haute fréquence sont de l’ordre du millième de seconde.

Dans des domaines différents, le virus de la COVID 19 s’est propagé sur l’ensemble de la planète en quelques semaines après son apparition chez l’homme. Des choses qui paraissaient impossibles se sont produites sur des échelles de temps très courtes. Il s’est écoulé 8 ans entre le discours de John Fitzgerald Kennedy annonçant, en 1961, que les américains iraient sur la lune et le premier pas de Neil Armstrong sur notre satellite.

Tout va très vite

Les vitesses d’adoption de certaines technologies peuvent également donner le vertige. En 2000, il y avait 730 millions de téléphones mobiles dans le monde. 16 ans plus tard, on en comptait 7.4 milliards, autant que d’habitants sur la planète. Ce qui ne signifie pas que tous les habitants en ont un- certains en ayant plusieurs. Sur la même période, la proportion de foyers américains possédant une tablette est passée de 3% à 64%. Le rythme de sortie de nouveaux objets est également très rapide. Les fabricants de téléphone sortent une nouvelle version de leur modèle haut de gamme chaque année. Le nombre de pixels sur les appareils photos de smartphone a été multiplié par plus de 35 en 10 ans[4], et la tendance est maintenant à la multiplication des capteurs.

Rien ne surpasse la loi de Moore formulée sur la base d’observations empiriques par le co-fondateur d’Intel en 1965 puis révisée en 1975. Elle postule un doublement du nombre de transistors sur un circuit imprimé tous les 2 ans- soit une croissance annuelle de 41%. Croissance maintenue sur quasiment 50 ans, résultant en une multiplication par 25 millions !   

La transition énergétique c’est donc facile?

Si tout va si vite, transformer en 30 ans notre système énergétique peut presque paraître facile. Système dépendant à 80% d’énergies fossiles. C’est pourtant une perception fausse. Certes dans leur phase de déploiement rapide, le nucléaire et même l’éolien et le solaire connaissent des croissances de l’ordre de 25-30% par an.

Cette croissance s’est arrêtée de façon abrupte pour le nucléaire à la fin des années 1980. Il ne représente en 2019 que 4% de l’énergie mondiale. S’il présente des avantages indéniables pour décarboner la production électrique, les plans actuels ne laissent pas présager une renaissance pour les années à venir. Le solaire et l’éolien ne représentaient en 2019 que 1 et 2% de notre énergie, respectivement. Extrapoler les tendances actuels laisserait à penser que le solaire pourrait représenter 50% de la consommation énergétique mondiale dans 20 ans. Mais on observe que ces technologies connaissent un fort ralentissement dans de nombreux pays.

Surtout, dans le domaine de l’énergie, contrairement à ce qui se passe pour des téléphones portables, les infrastructures et centrales représentent des investissement conséquents (de l’ordre du milliard d’euros par gigawatt) et sont conçus pour opérer longtemps. Fermer des centrales existantes représente donc potentiellement un coût significatif [5].  Un pays qui construit en 2020 des centrales à charbon (au hasard), ne va certainement pas les fermer en 2025. Notre système énergétique est donc beaucoup plus proche d’un énorme paquebot que d’un scooter des mers…


[1] https://www.discovermagazine.com/planet-earth/the-earths-rotation-is-gradually-slowing-down

[2] https://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/3tcpvf3sd399op9sgtn8tq5bhd/resources/2019-cage-herve-et-viaud-the-production-of-information-in-an-online-world-is-copy-right.pdf

[3] https://news.mit.edu/2018/study-twitter-false-news-travels-faster-true-stories-0308

[4] https://en.wikipedia.org/wiki/Camera_phone#Camera

[5] https://www.revue-internationale.com/2021/05/les-ambitions-americaines-sur-la-transition-energetique/


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