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Contre l’influence chinoise en mer de Chine, le Japon appelle à un sursaut européen et américain

Un navire de guerre chinois de classe LiaoningUn navire de guerre chinois de classe Liaoning

Après un G7 où l’hostilité à la Chine s’est fait largement ressentir, le Japon appelle l’Union européenne à renforcer sa présence militaire en Asie pour contrer l’influence grandissante de l’Empire du Milieu, dont les provocations se multiplient en mer de Chine.

Face aux poussées chinoises en mer de Chine, le camp occidental fait front commun

Le 24 mai, quatre navires de garde-côtes chinois ont été repérés par le Japon au large des îles Senkaku, un territoire japonais revendiqué par la Chine, attirée par le potentiel de gisements d’hydrocarbures et son intérêt hautement stratégique pour la marine de guerre chinoise. En tout et pour tout, la présence maritime chinoise dans la zone s’est étalée sur une centaine de jours. Du jamais vu. Pour le Japon, qui a qualifié cet acte de « très grave », cette offensive symbolique chinoise s’inscrit dans une lignée de provocations et de montée en puissance des tensions qui, à tout moment, semblent pouvoir dégénérer en conflit armé ouvert. « Il ne s’agit pas de savoir si nous revivons aujourd’hui « la » guerre froide, mais de savoir si, oui ou non, nous en vivons une. Et la réponse est, très clairement, oui » affirme Jacob Helberg, spécialiste de la Chine et conseiller au centre sur la géopolitique et la technologie de l’Université de Stanford.

Les offensives chinoises en mer de Chine inquiètent en effet de plus en plus le camp occidental, auquel s’est adjoint le Japon dans le cadre d’un sommet du G7 aux allures de règlement de comptes. Historiquement exclue du G7, tout en étant la deuxième puissance économique mondiale, la Chine a fait l’objet de nombreuses critiques. Le pays cherche à « refaire le monde à son image, un monde dans lequel le Parti communiste chinois serait en sécurité, c’est-à-dire avec moins de démocraties et plus d’autocraties » explique Jacob Helberg. Face à l’union affichée entre les Européens, le Japon et les États-Unis, la Chine a répondu par des provocations en dénonçant les postures « d’un petit groupe de pays » qui veut gouverner le monde.

« Un rival systémique, un partenaire sur les enjeux globaux, et un concurrent » de l’Union européenne

Au cœur des débats, les inquiétudes autour des multiples violations des droits humains au Xinjiang ou à Hong-Kong et l’appel à une plus forte transparence face à l’enquête internationale menée pour déterminer les origines de la Covid-19. Si le ton européen reste mesuré, présentant la Chine comme « un rival systémique, un partenaire sur les enjeux globaux, et un concurrent » des États membres du G7, la France, l’Allemagne et l’Italie se sont globalement alignées sur les positions américaines. Car la pandémie a sans doute changé les choses. Désormais, l’Union européenne, auparavant accommodante avec le géant chinois, semble vouloir déployer une ligne plus dure.

En comptant notamment sur les appels du pied lancés par l’allié japonais. L’union sécuritaire entre le Japon, les États-Unis et l’Union européenne a largement été préempté par le secrétaire général à la sécurité nationale du Japon, Shigeru Kitamura, l’artisan discret du rapprochement militaire, tant sous Donald Trump que sous Joe Biden. Acteur clé du dispositif sécuritaire japonais et pro-occidental assumé, Shigeru Kitamura irrite cependant l’administration chinoise. Pékin voit d’ailleurs d’un bon œil les rumeurs, encore non confirmées, autour de la nomination à son poste de Takeo Akiba, un diplomate chevronné connu pour sa mansuétude à l’égard de la Chine. Ce qui pourrait refroidir fortement les liens tissés entre le Japon, les États-Unis et l’Union européenne.

Multiplication des exercices militaires conjoints avec le Japon

Le Japon a réaffirmé sa volonté de maintenir de puissants liens sécuritaires avec l’Occident. Depuis le mois de janvier, les exercices interarmées se sont multipliés entre les membres partenaires de la Quadrilatérale, une protoalliance militaire régionale regroupant le Japon, les États-Unis, l’Inde et l’Australie. Autre signe envoyé à la Chine -par la France cette fois-, la mobilisation de deux bâtiments français, dont le très prestigieux Tonnerre, pour participer des exercices en mer de Chine, aux côtés du Japon, des États-Unis et de l‘Australie. Moqueuse, la Chine a répliqué en affirmant ne pas avoir « peur » de la « pression » exercée par ces manœuvres navales. En référence à la colonisation française et à la politique militaire américaine, la diplomatie chinoise s’est même permis une pique, reprochant aux deux pays « une nature d’agression et d’invasion comme (ils ont) pu le voir dans l’histoire ».

Pour justifier sa participation à cet exercice commun, la France affirme souhaiter « une approche inclusive et stabilisatrice, fondée sur la règle de droit et le refus de toute forme d’hégémonie ». Si la France est, avec l’Allemagne, de plus en plus active militairement dans la région grâce à sa capacité de projection, ce changement de paradigme face à la Chine est communément partagé par l’ensemble des États-membres de l’Union européenne. « Les Européens étaient très sceptiques à l’idée de se rapprocher des États-Unis et de monter dans le train de la guerre froide. Mais en raison de tout ce qui s’est passé pendant la pandémie, l’UE s’est faite à l’idée de resserrer ses liens avec les États-Unis et d’avoir une coopération transatlantique sur la question chinoise » détaille Jacob Helberg.

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