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La France, championne de la diversité forestière

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D’après un inventaire national, la France dispose d’une importante diversité d’espèces et de bonnes ressources génétiques dans ses peuplements forestiers. Une richesse de plus en plus menacée par le réchauffement climatique. Les acteurs de la filière tricolore se mettent en ordre de bataille pour tenter d’inverser la tendance. 

Dans le cadre de l’inventaire mondial de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la France a publié son nouvel inventaire national des ressources forestières présentes sur son territoire (métropolitain et ultramarin). Et les nouvelles sont plutôt bonnes ! Les forêts françaises abritent une grande diversité d’espèces et d’importantes ressources génétiques. A l’échelle mondiale, l’Hexagone se classe au 5e rang des pays renfermant le plus grand nombre d’essences forestières, derrière le Brésil, la Colombie, l’Indonésie et la Malaisie. 

Espèces et territoires 

Pas moins de 5 213 essences ont été identifiées. Cette diversité s’explique notamment par une grande variété de climats, « au sein de formations forestières largement répandues, mais aussi à travers des populations rares ayant réussi à développer des adaptations génétiques spécifiques dans des conditions difficiles (climat, sol…) et d’insularité », précise dans une note le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. 

En témoigne la répartition par territoire des espèces et sous-espèces forestières : Guyane (1 769 espèces indigènes) ; Nouvelle-Calédonie (1 544 espèces, dont 834 endémiques et indigènes) ; La Réunion (890 espèces et sous-espèces) ; l’ensemble Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy (396 espèces) ; Polynésie (200 espèces) ; Métropole (128 espèces et sous-espèces, dont 77 indigènes) ; Mayotte (108 espèces) ; Wallis-et-Futuna (83 espèces) ; Îles éparses (76 espèces) ; Saint-Pierre-et-Miquelon (17 espèces) ; Île Amsterdam (1 espèce) ; Île de la Passion (1 espèce).

Si la France peut se réjouir, elle n’en reste pas moins en alerte car cette richesse est en sursis. Même abondantes, les forêts françaises sont face à une menace grandissante : celle du réchauffement climatique. « Depuis 2018, plus de 300 000 hectares de forêts publiques en France subissent des dépérissements importants et un taux de mortalité inédit », note l’ONF. 

Bertrand Munch, directeur général de l’ONF, s’inquiète de cette situation sanitaire qui ne cesse de se dégrader : « Que ce soit en raison de saisons trop chaudes ou trop sèches, ou de la prolifération d’insectes ravageurs (scolytes, chenilles processionnaires, ndlr), de nombreux arbres dépérissent sur tout le territoire métropolitain. Ces événements sont tous liés, directement ou indirectement, au réchauffement climatique. » 

Alerte changement climatique

Et de citer, pour exemple, le Grand Est, où l’ensemble des essences de production est concerné par ces phénomènes. Avec, en première ligne, l’épicéa, dont les deux tiers ont été décimés par les attaques de scolytes, famille d’insectes qui se nourrit du bois et conduit à la mort prématurée des peuplements. « Au niveau national, les dégâts de 2020 sont plus graves qu’en 2019 et on s’attend à ce que le pic intervienne en 2021 ou 2022 », prévient Aymeric Albert, chef du département bois à l’ONF. 

Des propos confirmés par Tammouz Helou, secrétaire général de l’UCFF – Les Coopératives Forestières, qui souligne l’extension grandissante de cette menace : « Outre la quantité des pessières touchées qui est en hausse, c’est l’extension géographique des populations de scolytes qui inquiète. En effet, en 2019-2020 après les zones de plaine, les insectes ont progressé dans le sud du massif des Vosges. Désormais, les plateaux du Doubs et du Jura, ainsi que le centre du massif des Vosges en altitude moyenne voient l’épidémie progresser.»

Pour se défendre face aux attaques liées aux nouveaux climats et devenir résilientes, les forêts ont besoin d’être gérées, entretenues et adaptées, explique Bertrand Servois, Président de l’UCFF – Les Coopératives Forestières : « Les dérèglements et le réchauffement climatique sont violents et très rapides. Il est primordial d’intervenir dans les forêts pour les maintenir en bonne santé, stocker davantage de carbone et valoriser leur rôle dans la diminution des gaz à effet de serre. »

Car les insectes ne sont pas les seuls fléaux à déplorer dans les massifs, ni les épicéas les seules victimes. Ces dernières années, certains feuillus, emblématiques des forêts hexagonales, sont eux aussi touchés, notamment par des champignons : citons la chalarose du frêne, le chancre du hêtre. Dans l’Allier, c’est le chêne qui fait les frais des sécheresses successives : baisse de la quantité de feuilles, rougissement du houppier, décollement de l’écorce… 

Diversification et adaptation

Face à ces constats alarmants, forestiers de l’ONF et des forêts privées, chercheurs, collectivités territoriales (communes forestières, conseils régionaux et généraux…), État et ONG tentent d’inverser la tendance. « Malgré les incertitudes sur les choix à opérer, le pire serait de laisser faire », assure Bertrand Munch. Et une stratégie se dessine peu à peu. « Le paysage forestier est en plein bouleversement. Depuis ces trois dernières années, la mobilisation s’organise avec pour mots d’ordre, la nécessité d’agir collectivement et d’expérimenter de nouveaux modes de sylviculture »

L’idée de base consiste à miser sur la diversité des espèces. Le plan de relance annoncé en 2020 par le Gouvernement, et qui réserve quelque 200 millions d’euros aux forêts françaises, va dans ce sens. Bertrand Munch, définit la diversité comme suit : « En matière d’adaptation au changement climatique et de préservation de la biodiversité, le mot clé pour parvenir à la résilience d’une forêt est “diversité”. Plus de diversité dans le choix des essences, plus de diversité dans les structures de peuplements, afin de maintenir une permanence de l’ambiance forestière, plus de diversité dans les modes de gestion pour garantir une interaction plus forte entre zones d’exploitation et zones de protection intégrale… » 

Dans le cadre du plan de relance, l’ONF mène donc une stratégie de plantation et de diversification des espèces, afin de renforcer la capacité d’adaptation des peuplements au changement climatique, « tout en intégrant les objectifs de production de bois d’œuvre nécessaires à la filière ». Dans les faits, cette diversité vise à « accroître la résilience des forêts ». En effet, plus celles-ci sont riches en arbres, meilleure est leur résistance aux ravageurs. De même, la biodiversité (oiseaux, insectes, micro-organismes) et les services écosystémiques (régulation du cycle de l’eau, protection contre l’érosion, fertilité des sols, ou encore provision de lieux de loisirs) sont mieux préservés. En tout, 10 millions de plants pour 15 000 hectares de forêts domaniales seront mobilisés. Des diagnostics approfondis seront également réalisés, afin d’établir des stratégies pertinentes « au regard des conditions climatiques futures ».

Îlots d’avenir 

Une stratégie de diversification qui fait l’objet d’expérimentations variées dans les forêts privées. Dans la Nièvre, la Coopérative forestière Bourgogne Limousin a mis en place un chantier pour mélanger des essences forestières dans le cadre de la reconstitution d’ampleur d’une parcelle sinistrée par les scolytes. Un panel d’essences variées a été introduit, parmi lesquelles des chêne sessiles, des douglas, des pins maritimes, des pins laricio de Corse, des aulnes glutineux, des érables ainsi que des chênes pubescents et des sapins pectinés. 

En parallèle, les forestiers se demandent à quoi ressemblera la forêt de demain ? L’ONF plaide, de son côté, pour des « forêts mosaïques ». Place à la diversité certes, mais aussi à l’adaptabilité. Déjà, sur le terrain, des initiatives sont mises en œuvre pour avancer sur le dossier. Telles des expérimentations pilotées sur des îlots d’avenir par le département recherche développement et innovation de l’ONF, ou encore l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

L’objectif de ces espaces est simple : « Tester des espèces et des provenances potentiellement plus résistantes pour connaître celles qui sauront se développer sous les climats plus chauds et plus secs de demain ». Tests menés directement en forêt, afin de récupérer des données sur la croissance des arbres, leur mortalité, l’adaptation au terrain, aux risques phytosanitaires, et bien sûr, au climat. Ces îlots ont aussi vocation à fournir des graines adaptées aux conditions climatiques françaises. 

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