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En Côte d’Ivoire, l’heure de l’apaisement a-t-elle sonné ?

Les forces politiques de Côte d’Ivoire, sous l’impulsion de la présidence, semblent mettre de côté leurs égos et collaborer pour propulser le pays sur la voie de l’unité. Un certain nombre de signaux positifs en provenance de Ouattara et Gbagbo bien sûr, mais également de Soro, vont dans le sens d’une « paix des braves » historique. 

C’est l’histoire de deux vieux ennemis qui, après des décennies faites de batailles politiques, d’exil, d’affrontements — parfois armés — se retrouvent. On appelle communément la Côte d’Ivoire le pays des éléphants, mais ce sont bien deux lions qui se sont retrouvés le 28 juillet dernier à Abidjan. Le moment était important et avait des allures de véritable catharsis pour tout un peuple.

La Côte d’Ivoire, grande gagnante de l’apaisement

Peut-être l’événement était-il une mise en scène, mais l’Histoire retiendra que les deux rivaux Gbagbo et Ouattara ont fait la paix et que le peuple est le grand gagnant de cette journée du 28 juillet. Outre la victoire de la raison politique sur l’affrontement, c’est un signe positif pour toute l’Afrique de l’Ouest dont la Côte d’Ivoire est désignée traditionnellement comme la « locomotive ».

Moment important s’il en est, les deux anciens ennemis, désormais simples rivaux, se sont donné du « mon frère », « mon vieil ami », mais surtout du « M. le président » signe que les deux sortent l’honneur sauf de cet épisode malheureux de l’Histoire du pays – la crise post électorale de 2010-2011, née du refus de Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir et ayant causé près de 3 000 morts. Même sous le coup d’une condamnation à vingt ans de prison pour le casse de la Banque centrale durant cette période, Laurent Gbagbo peut envisager de poursuivre son retour sereinement sous l’impulsion d’Alassane Ouattara : « on ne va pas offrir le voyage à Gbagbo pour le mettre derrière les barreaux », ironisait ainsi le porte-parole du gouvernement.

Le temps de la politique-politicienne « normale » est assurément de retour en Côte d’Ivoire et les tractations vont bon train. À ce titre, le parti de Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), divisé depuis 2015, a enregistré le départ de son leader historique qui crée un nouveau parti. Autour de lui, ses fidèles se sont regroupés et « Woody » (le surnom de Gbagbo), a commencé à se rapprocher de l’ancien président Henri Konan Bédié, toujours influent dans le centre du pays et possible « faiseur de rois ». Dans le viseur de Gbagbo, l’élection présidentielle de 2025 en guise de baroud d’honneur pour celui passé par l’épreuve de l’exil. Alassane Ouattara, interrogé sur le sujet, n’a pas l’air de faire grand cas de cette possible alliance, lui qui semble plus occupé à alléger le pays du poids de la corruption

Le retour du vieux lion avant celui des jeunes loups ?

Le retour de Gbagbo a provoqué une vague de retours au pays comme celui de Serge Koffi, leader estudiantin pro-Gbagbo lors de la crise politique de 2010-2011, dont les retrouvailles avec la Côte d’Ivoire ont été facilitées par le gouvernement. Serge Koffi a même demandé « pardon » pour ses actes et a indiqué être « à la disposition de la République ». Mais ce sont deux autres figures de la crise post-électorale dont le nom commence à circuler à Abidjan : Soro et Blé Goudé.

Le second, possible candidat à l’élection présidentielle, devrait bientôt revoir Abidjan à la suite de son acquittement par la CPI, Alassane Ouattara ayant donné le 7 avril son approbation pour son retour. Mais Charles Blé Goudé, outre son passeport, attend certainement une autre chose : l’abandon de sa condamnation à 20 ans de prison pour son implication dans la crise post-électorale de 2010-2011.  

Pour le premier, qui a connu les plus hautes fonctions (Premier ministre et président de l’Assemblée nationale) la situation est plus compliquée, puisqu’il vient d’être condamné à perpétuité pour “atteinte à la sûreté” de l’Etat. Néanmoins, depuis quelque temps, certains de ses proches semblent s’atteler à entamer le dialogue avec Alassane Ouattara. Régulièrement très offensif envers la présidence, Guillaume Soro s’est lui-même récemment fendu de déclarations sur Twitter laissant penser qu’il pourrait enfin prendre le chemin de la réconciliation nationale « dans la voie de la paix et de la victoire ». Suffisant pour faire oublier, aux yeux des Ivoiriens et de leur gouvernement, ses errements passés ? Probablement pas, mais il faut peut-être y voir une volonté d’accalmie de la part de l’ancien protégé d’Alassane Ouattara. 

Les plus farouches ennemis maintenant presque devenus doux rivaux semblent tous tirer dans le même sens – celui de l’élection présidentielle de 2025 certes – mais surtout vers la réconciliation sous l’impulsion de la présidence. Une paix des braves bienvenue aux yeux des Ivoiriens.

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