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En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara durcit le ton contre la corruption

Lutte anti-corruptionLutte anti-corruption

Lutte anti-corruption

En 2020, selon le rapport de Transparency International, la Côte d’Ivoire était classée 104e sur 180 en matière de lutte contre la corruption. Une belle progression (+9 points) depuis 2011 et l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara, qui souhaite faire de ce combat une de ses priorités.

Redorer l’image nationale et renforcer la confiance

Janvier 2018, Addis-Abeba : les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine se réunissent dans le cadre du 30ème sommet de l’organisation intergouvernementale. Cette année-là, c’est le thème « Gagner la bataille de la lutte contre la corruption : une voie durable vers la transformation de l’Afrique” qui est à l’honneur. Alassane Ouattara avait alors déclaré que “la Côte d’Ivoire fait tout ce qu’il faut pour améliorer la bonne gouvernance”.

Depuis de nombreuses années, le président Ivoirien prend à cœur ce combat, qu’il juge essentiel pour la stabilité de son pays. Lutte contre les détournements de fonds, démissions de certains représentants de leurs fonctions, mise en place de sanctions… les exemples d’actions entreprises contre ce fléau sont déjà nombreux. Mais la lutte anti-corruption s’est accélérée depuis l’élection présidentielle d’octobre dernier et la reconduction d’Alassane Ouattara à un nouveau mandat.

Les cas de corruption seront sévèrement réprimés aussi bien dans l’administration que dans le secteur privé”, déclare-t-il lors de son discours d’investiture en décembre 2020. Une volonté réaffirmée en septembre dernier, dans un entretien accordé à Jeune Afrique. Alors que le journaliste interroge le président quant aux préoccupations des citoyens sur la corruption et les enjeux de bonne gouvernance, ce dernier affirme : “j’en ai pleinement conscience. En témoignent l’accélération et le renforcement des actions de la Haute Autorité pour la bonne gouvernance (créée en 2013, ndlr), la création d’un ministère consacré à la lutte contre la corruption et le lancement de plusieurs audits de gestion dans différentes structures publiques.

Nouveau ministère et opérations “coups de poing”

En effet, depuis le remaniement ministériel d’avril dernier, la Terre d’Eburnie s’est dotée d’un ministère de la Promotion de la bonne gouvernance, du renforcement des capacités et de la lutte contre la corruption avec en tête de file, Epiphane Ballo Zoro. De nature discrète, cet ancien magistrat a beaucoup fait parler de lui depuis quelques semaines, après avoir lancé plusieurs opérations “coups de poing”. Le message est clair : “Attention à la fraude, attention au racket, l’Etat vous voit”.

Aucun secteur ne semble épargné par ces opérations. Première visée, la Sicta (Société Ivoirienne de Contrôles Techniques Automobiles et Industriels), où de nombreux pots-de-vin ont été versés. En échange, les employés fermaient les yeux sur l’état de certains véhicules. Un véritable enjeu de sécurité publique, alors que 1 200 Ivoiriens perdent la vie chaque année dans un accident de la route.

Les gendarmes et agents de police sont également sous le feu des projecteurs, après que plusieurs d’entre eux ont multiplié les rackets à l’encontre des conducteurs, et notamment des transporteurs de produits vivriers. D’après une enquête d’Afrobaromètre publiée en octobre 2017, “presque la moitié (47%, ndlr) des Ivoiriens qui avaient affaire à la police pendant l’année écoulée ont payé des pots-de-vin afin d’éviter des difficultés”.

Pour Epiphane Ballo Zoro, “le racket a un lien avec la vie chère. Plus les transporteurs subissent les tracasseries routières, plus cela se fera sentir sur les ménages et le quotidien des populations”, alors que les Ivoiriens se plaignent de la hausse des prix des produits alimentaires. Début novembre, le procès de quarante-trois membres des forces de l’ordre, accusés de faits de corruption, débutait au tribunal militaire d’Abidjan. Au menu : “extorsion de fonds”, “racket”, ou encore “arrangements financiers”.

Les secteurs de la santé, la justice, la construction, l’accès à la fonction publique ou même l’éducation ne sont pas en reste. “De juillet à ce mois de septembre (2021, ndlr), nous disposons d’une centaine de vidéos d’actes de corruption”, affirme le ministre Ballo Zoro. Même les entreprises sont dans le viseur. En juillet dernier, pas moins de 4 directeurs généraux (Nouvelle pharmacie de la santé publique, Agence de gestion et de développement des infrastructures industrielles, Autorité de régulation de télécommunications de Côte d’Ivoire, et Agence de gestion foncière) avaient été suspendus pour détournement de fonds.

Punir ou accompagner ?

Alassane Ouattara, pour sa part, plaide pour la mise en place de sanctions : “c’est une évidence, il faut des sanctions. De ce point de vue, c’est tolérance zéro”. Le chef de l’Etat promeut en outre “la sensibilisation, (le) renforcement des capacités des institutions chargées de ces questions, ainsi (que) la modernisation et la numérisation des procédures de l’administration pour en finir avec ce fléau”.

De son côté, Epiphane Ballo Zoro soutient que “la digitalisation (des services et des modes de paiement, ndlr) est une vraie solution” : “Le ministère de la Fonction publique et de la modernisation de l’administration, en lien avec celui de l’Économie numérique, est en train de développer un ambitieux programme en vue de digitaliser notre administration”, précisait-il lors d’une interview réalisée en septembre dernier. Et le ministre de finalement souligner que “la lutte contre la corruption induit un changement de comportement, de mentalité, afin d’être plus intègre”.

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