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Comment va l’Amérique un an après l’attaque du Capitole ?

La semaine dernière, les Etats-Unis célébraient le triste anniversaire de l’assaut du Capitole par des milliers de partisans de Donald Trump. Ces derniers, chauffés à blanc par son discours refusant de reconnaitre la victoire de Joe Biden, ont décidé d’entraver la procédure de validation des résultats de l’élection présidentielle par le Sénat et la Chambre. Pour rappel, alors que les insurgés qui étaient parvenus à s’introduire dans le bâtiment appelaient à « pendre » le Vice-président Mike Pence (pourtant Républicain), les élus des deux camps avaient alors été évacués en urgence. Notamment les élus républicains qui ont en grande majorité refusé de valider la victoire de Biden dans les jours qui ont suivi.

Un an après les faits, force est de constater que l’évènement n’a pas laissé les mêmes traces pour tous dans la conscience nationale. Le mouvement « Stop the Steal » n’a que très peu reculé, et il s’est largement implanté au cœur de l’électorat républicain, avec 45% de soutien chez les conservateurs d’après un sondage YouGov. « Loin d’avoir calmé cette dynamique ou apeuré les Américains au sujet du complotisme, l’assaut du Capitole et l’enquête parlementaire qui a suivi ont au contraire nourri le soupçon et la défiance envers le pouvoir. Aujourd’hui, ces évènements font même l’objet de théories du complot » rappelle Tristan Mendès France, maître de conférences et membre de l’observatoire du conspirationnisme.

De fait, à l’exception l’ancien vice-président de George W. Bush, Dick Cheney, et sa fille, la députée Liz Cheney, les 250 élus républicains au Congrès étaient notoirement absents à la cérémonie de commémoration de l’invasion du Capitole. Malgré une volonté affichée de « gouverner au centre », Biden n’a pas pu réunir un pays. Et il risque de perdre ses moyens d’action lors des élections de mi-mandat à venir. Les résultats sont en général mauvais pour le parti présidentiel, et Biden devra en plus payer le prix de la débâcle en Afghanistan (un échec dont il n’est que partiellement responsable puisque qu’hérité à son arrivée au pouvoir) du Covid et de l’inflation (deux phénomènes mondiaux qui dépassent la seule politique américaine). Mais son plus gros échec est sans doute : il n’a pas su renverser la « trumpisation » de l’électorat républicain – un quart seulement d’entre eux le considèrent comment légitimement élu.

La dérive du parti républicain

« Le parti, de la base au sommet, assume totalement ce qui s’est passé. Il ne le voit pas comme un coup d’état mais comme un épisode glorieux de la défense de la démocratie américaine » analyse Françoise Coste, historienne, professeure à l’université Toulouse 2, spécialiste de la droite américaine. « Plus d’un électeur républicain sur 2 estiment que la violence contre le gouvernement peut être justifiée. Les gouverneurs du Texas et de l’Oklahoma mettent en place des unités militaires qui leur sont directement rattachées. Et les milices d’extrême droite comme les Proud Boys ont toujours pignon sur rue » notait l’éditorialiste Jean-Marc Four. Une dérive toujours plus à droite qui sera sans doute encore renforcée par le lancement, le 21 février prochain, du réseau social Truth Social, pour éviter les fact-checks de Twitter, Facebook et YouTube.

L’emprise de Trump sur le Parti républicain n’a pas faibli, bien au contraire. Environ 70 % des électeurs républicains veulent que Trump se représente en 2024. Et les quelques-uns qui ont osé le contester ont été marginalisés : tous ceux qui ont voté en faveur de sa destitution après l’attaque du Capitole ont par exemple fait savoir qu’ils ne se représenteraient pas au terme de leur mandat. On peut y voir une volonté de s’éloigner d’un parti dont la dérive idéologique s’est accentuée au cours des dernières années, mais ce choix est motivé par une raison bien plus triviale : ils sont incapables de gagner maintenant qu’ils se sont opposés à l’ancien Président. Dans le même temps, les candidatures de ses fidèles se multiplient contre des modérés lors des primaires républicaines.

Une démocratie « en recul »

Si le 6 janvier 2021 a été un échec, tout est actuellement par ses fidèles fait pour faire pencher la balance en sa faveur lors des prochaines présidentielles. Avec le soutien de la Cour suprême acquise aux conservateurs, qui œuvre pour affaibli la loi de 1965 sur le droit de vote (Voting Rights Act), le Gerrymandering (le redécoupage des circonscriptions électorales pour regrouper ses opposants à l’intérieur d’un nombre restreint de districts) et la « voter supression » (réduction nu nombre de bureaux, de leur heure d’ouverture, du vote par correspondance…) vont bon train dans les Etats Républicains où Biden l’a emporté. Ces mesures visent avant tout les minorités ethniques – pour rappel seuls 8% des afro-américains avaient voté pour Donald Trump.

Face à ces ces manœuvres politiques, extrêmement agressives, les contrepouvoirs du système américains semblent dépassés. Il s’agit « d’institutions anachroniques (250 ans depuis la révolution et l’adoption de la constitution américaine) » estime ainsi Françoise Coste qui ont été pensées pour défendre les minorités qui tentent aujourd’hui de contourner la démocratie. « Ces institutions anti-majoritaires donnent un poids disproportionné par le Sénat, le collège des grands électeurs et la Cour suprême, aux régions rurales, isolées et vides qui comptent autant que les grand états » précise-t-elle. En effet, le nombre de sénateurs attribués à chaque État ne dépend pas du nombre d’habitants. D’après la dernier rapport annuel de l’organisation intergouvernementale IDEA basée à Stockholm, la démocratie américaine est ainsi pour la première fois étiquetée « en recul ».

Donald Trump sait que le temps joue en sa faveur : un nouveau Congrès doit être élu en novembre, et l’habituel balancier en faveur de l’opposition devrait mettre un terme aux travaux de la commission d’enquête qui cherche à savoir quel rôle il a joué dans l’insurection. Une véritable course contre la montre s’est engagée alors que plusieurs élus des deux principaux partis, notamment des républicains modérés qui se voient poussés vers la sortie par Trump, ont averti dimanche que si ce dernier était activement impliqué dans l’attaque du Capitole, il pourrait être interdit d’exercer tout mandat publique. Mais même s’il était d’une façon ou d’une autre mis hors-jeu, le trumpisme ne semble pas près de reculer. Il est en train de phagocyter le Grand Old party et les élections de mi-mandat feront sans doute émerger de nouvelles figures, également en mesure d’incarner cette mouvance.

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