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De l’Ukraine à l’Afrique, l’eau, le grand défi du 21ème siècle

Forum mondial de l'eau

Le conflit russo-ukrainien a mis en exergue la fragilité de la ressource en eau en Europe. Une ressource jamais acquise, ce que l’Afrique a bien compris. A Dakar, la neuvième édition du Forum mondial de l’eau, qui se tiendra fin mars 2022 sous la houlette du président sénégalais Macky Sall, devrait œuvrer pour apporter des réponses concrètes aux défis de la sécurité de l’eau.

À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février dernier, très vite la question de l’approvisionnement en énergie et des ressources agraires a fait la Une de tous les journaux. La question de l’eau, si elle est un enjeu géopolitique majeur sur place, n’a pas bénéficié de la même couverture médiatique alors qu’elle demeure un élément essentiel pour comprendre ce conflit.

La Russie pourrait être «en position hydro-dominante » 

Franck Galland dirige Environmental Emergency & Security Services (ES)², un cabinet d’ingénierie-conseil spécialisé en résilience urbaine. Il est aussi chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique et a récemment publié un ouvrage intitulé Guerre et eau. L’eau enjeu stratégique des conflits modernes. Dans les colonnes de la revue de géopolitiques Conflits, l’auteur explique que la question de l’eau a été primordiale en Ukraine, et ce, dès l’annexion de la Crimée en 2014. « Kiev a voulu, en mesure de rétorsion, utiliser l’arme de l’eau pour se défendre. Aussi, dès avril 2014, le pouvoir ukrainien a ordonné de réduire petit à petit le débit du Canal Nord de Crimée, jusqu’à sa fermeture complète par la construction d’un barrage à 70 km à l’intérieur des terres. »Avant 2014, cette infrastructure pourvoyait à 85% les besoins en eau de la Crimée.

Dès le premier jour de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février dernier, les troupes russes se sont empressées de débloquer le canal. Quant au barrage, il a été détruit. « Les unités russes voudront également aller a minima jusqu’aux rives du Dniepr (le fleuve traverse l’Ukraine du nord au sud) et prendre le contrôle du réservoir de Kakhovka, qui est cette retenue d’eau brute en amont du Canal Nord, remplie entre 1955 et 1958. » Autre objectif majeur, l’usine hydro-électrique de Kakhovka, qui régule en eau d’irrigation et fournit en électricité le sud-est de l’Ukraine. Le gigantesque fleuve Dniepr semble être une frontière possible séparant l’est et l’ouest de l’Ukraine. C’est du moins ce que semblent dessiner les offensives actuelles de la Russie. « Si elle parvient à ce découpage territorial, fondé sur un véritable ‘mur’ hydraulique pour rappeler la division Est-Ouest de Berlin, la Russie sera en position hydro-dominante » note Franck Galland. Contrôler le Dniepr en Ukraine signifie en d’autres termes contrôler l’énergie hydraulique.

Le prochain Forum mondial de l’eau se tiendra à Dakar (Sénégal)

Si la ressource en eau est relativement oubliée des débats en Europe, la dimension stratégique de cette ressource est, à quelques milliers de kilomètres de là sur le continent africain, centrale. A Dakar, capitale du Sénégal se tiendra du 21 au 26 mars la neuvième édition du Forum mondial de l’eau. L’événement aura pour thème «La Sécurité de l’eau pour la paix et le développement». Ce forum doit apporter des réponses concrètes aux défis que pose la ressource en eau. Une problématique d’autant plus prégnante sur le continent africain, fortement impacté par le changement climatique et sujet à une profonde instabilité politique. L’objectif de ce rendez-vous stratégique est de renforcer la capacité du continent africain, et du monde, à répondre aux défis contemporains liés à l’eau. L’événement s’articulera autour de quatre priorités : la sécurité de l’eau et l’assainissement, l’eau pour le développement rural, la coopération et les moyens à mettre en œuvre. Le forum réunira un public venu de tous les continents, composé d’organisations internationales et non gouvernementales, de grandes entreprises, de fondations et associations humanitaires, de chercheurs et d’académiciens, et bien sûr de femmes et d’hommes politiques. 

Macky Sall en tête de pont

Le président sénégalais Macky Sall aura ici l’occasion de réaffirmer son volontarisme sur la question de l’eau et, plus généralement, son champ d’action en tant que président de l’Union africaine. « L’eau occupe une place vitale dans la satisfaction de nos besoins, dans la préservation de notre environnement et dans le développement de nos pays. La coopération autour de l’eau contribue à la coexistence pacifique et à la préservation de relations cordiales entre pays partageant des bassins fluviaux transfrontaliers », écrit-il en préambule de l’événement. Et d’ajouter : « Les effets combinés du changement climatique et de l’accroissement de la population entraînant la raréfaction de l’eau, il s’avère nécessaire d’aborder la problématique de l’eau sous l’angle de la promotion de la paix. »

En Afrique, la sécurité de l’eau est encore loin d’être assurée et reste précaire. Menacée déjà par le changement climatique, elle l’est aussi par l’instabilité politique dans certaines régions du continent, le Sahel en tête. Citons, pour preuves, les récents coups d’état militaires et les transitions en cours au Mali, au Soudan, au Tchad, en Guinée-Conakry et au Burkina Faso. Sans oublier le risque terroriste, notamment au Sahel, ou encore la menace Boko Haram, dans le bassin du lac Tchad. Le Forum mondial de l’eau s’annonce donc crucial.

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