Site icon La Revue Internationale

Paris : une cérémonie commémore les 641 victimes d’un bombardement allié

Mathieu Hanotin, Olivier Pelat

Paris/Saint-Denis : une cérémonie commémore les 641 victimes d’un bombardement allié

Le 21 avril 1944 est resté dans l’Histoire comme le jour où les Françaises obtenaient le droit de vote. A Alger, le Comité Français de Libération Nationale (CFLN) prend une ordonnance historique selon laquelle « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Mais ce jour-là, à quelques milliers de kilomètres, le conflit armé n’est pas terminé et Paris connaît l’un des bombardements les plus meurtriers de la Seconde guerre mondiale. Le 21 avril 2022 impasse Marteau dans le nord de Paris, une cérémonie réunissant notamment élus et associations d’anciens combattants commémorait les victimes de cet événement tragique.

« La Chapelle au clair de lune »

Qui pourrait imaginer qu’il y a trois générations, un champ de ruines et d’immenses cratères s’étalaient de la butte Montmartre à la plaine Saint-Denis et que le nord de Paris ressemblait à l’actuelle ville de Marioupol en Ukraine ?

Au printemps 44, la guerre fait rage en Europe et les Alliés préparent le débarquement en Normandie, cherchant par tous les moyens à empêcher les troupes allemandes de se ravitailler en armes. Pour ce faire, ils augmentent les raids aériens au-dessus des installations ferroviaires. Après la gare de triage de Noisy-le-Sec les 18 et 19 avril, ce sont les voies ferrées de La Chapelle, du flanc sud de la butte Montmartre à la plaine Saint-Denis, qui sont prises pour cible. Cette opération militaire aura pour nom de code « La Chapelle au clair de lune ».

Dans la nuit du 20 au 21 avril 1944, et pendant plus de deux heures, des escadrilles anglo-américaines larguent 2000 bombes, parfois à 10 000 mètres d’altitude. La fumée et le vent sont si denses que la précision des tirs s’amenuise au fur et à mesure des minutes et les bombes finissent par tomber dans des zones habitées. Le lendemain matin, Paris compte ses morts… 641 au total, dont 218 en Plaine Saint-Denis, 377 blessés et des milliers de sinistrés. « Nous découvrons un site lunaire, spectacle apocalyptique, arbres arrachés, cratères formés par les trous de bombes » raconte Abel Tissot, un rescapé âgé de 17 ans à l’époque et vivant rue Langlier-Renaud. Jusqu’à aujourd’hui, sur la bretelle de sortie du boulevard périphérique impasse Marteau, une stèle, discrète et défraichie, commémorait l’événement.

« Se remémorer le passé afin de mieux construire l’avenir »

Président d’Européquipements et propriétaire des hôtels impasse Marteau, en face de la stèle commémorative, Olivier Pelat n’a pas hésité, selon ses propres termes, à «harceler» les maires Éric Lejoindre (18ème arrondissement de Paris) et Mathieu Hanotin (Saint-Denis) afin de permettre la restauration de la stèle, ainsi que le muret qui la soutient, et de planter deux oliviers et un cerisier japonais autour du monument. Le 21 avril 2022, une cérémonie réunissant des élus et des représentants d’associations d’anciens combattants et de la mémoire, fut célébrée en l’honneur de cette nuit d’horreur. 

Lors de leur discours, les édiles ont tout d’abord remercié Olivier Pelat pour sa contribution. Puis Éric Lejoindre a souhaité « honorer la mémoire des victimes mais aussi celle des héros et des héroïnes de cet épisode tragique, la Résistance »« Ce matin, je pense donc particulièrement à Suzanne Leclézio et Yvonne Ziegler, résistantes du 18ème arrondissement » a ajouté l’élu. Suzanne Leclézio et Yvonne Ziegler ont rejoint l’Union général des israélites de France en 1942 afin de sauver les familles juives dans le centre d’hygiène sociale du 22 rue Marcadet et ont secouru les victimes du bombardement du 21 avril. Torturées, déportées puis rescapées du camp de Ravensbrück en Allemagne, elles ont aussi leur plaque commémorative depuis 2022. «Il faut se remémorer le passé afin de mieux construire l’avenir» a résumé de son côté Olivier Pelat.

Le maire de Saint-Denis Mathieu Hanotin a également pris la parole pour rappeler « la découverte d’une des bombes non explosées sur le chantier de la Porte de la Chapelle » il y a quelques années. « Le temps passe et les témoins directs de ce drame nous ont quitté pour un grand nombre d’entre eux, a ajouté l’élu. Notre obligation morale s’en trouve donc renforcer pour nous qui n’avons pas connu la guerre (…). Nous devons à ceux qui nous ont précédés de ne pas oublier, et à nos enfants et à ceux qui nous succéderont (…), de ne pas oublier la valeur de la paix, si chèrement conquise ». 

L’actuelle guerre aux portes de l’Europe s’invite de plus en plus aux cérémonies d’hommage et dans les discours des élus, les derniers survivants de la guerre redoutant une résurgence du conflit armé sur un continent qui se croyait à l’abri et qui voient se profiler à l’horizon le « retour de l’Histoire ».

 

Quitter la version mobile