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Un activiste et un journaliste assassinés au Brésil

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Tabatinga, AM 14/09/2017 - Exército, Policia Federal e Ministério Público Federal investigam suposto massacre de indígenas isolados na TI Vale do Javari, no rio Jandiatuba. Na foto soldados do Exército brasileiro. (Foto Fabio Pontes/Amazônia Real)

L’anthropologue brésilien Bruno Pereira et le journaliste britannique Dom Philips ont été assassinés au début du mois de juin alors qu’ils enquêtaient sur l’invasion du territoire des autochtones de la forêt amazonienne. Deux hommes, des frères pêcheurs, ont fini par avouer les deux meurtres mardi soir. 

Témoignage glaçant

Dom Philips et Bruno Pereira ont rejoint la vallée de Javari le 4 juin, un territoire situé à l’intersection des frontières péruvienne et colombienne, qui abrite la plus grande concentration de peuples autochtones du Brésil. Sur le retour ils se sont arrêté dans un village de pêcheurs, pour trouver un bateau leur permettant de descendre le fleuve Itaquaí en direction de la ville d’Atalaia do Norte. Ils ne sont jamais réapparus. 

L’alerte a rapidement été donnée, mais seuls les autochtones sont partis à la recherche des disparus. Ils ont trouvé les premiers indices dans une zone marécageuse le 12 juin : des bottes, un sac à dos, et une carte de sécurité sociale. Le mardi 14 juin, après dix jours de recherches difficiles, les deux frères ont avoué avoir tué le journaliste britannique et l’anthropologue brésilien. Ils ont expliqué leur avoir tendu une embuscade à l’arme à feu, avant de faire disparaître les corps et de couler leur navire. 

« Hier soir nous avons obtenu les aveux du premier des deux suspects arrêtés qui a raconté en détail comment le crime a été commis et nous a dit où les corps avaient été enterrés », a déclaré mercredi soir le chef de la Police fédérale de l’État d’Amazonas, Eduardo Alexandre Fontes. « Des excavations ont été effectuées sur place, les fouilles vont continuer, mais des restes humains ont déjà été retrouvés. Dès que nous aurons pu vérifier grâce à l’expertise qu’il s’agit bien de restes des corps de Dom Phillips et Bruno Pereira, ils seront restitués aux familles », a ajouté le responsable.

De son côté, l’épouse du journaliste, la brésilienne Alessandra Sampaio, a remercié « toutes les équipes qui ont mené les recherches, notamment les indigènes bénévoles». « Même si nous attendons encore les confirmations définitives, ce dénouement tragique met fin à l’angoisse de ne pas savoir où se trouvaient Dom et Bruno. À présent, nous allons pouvoir les ramener à la maison et leur dire adieu avec amour », a-t-elle déclaré. « Aujourd’hui, nous débutons aussi notre combat pour la justice. Nous n’aurons la paix que quand seront prises les mesures nécessaires pour que de telles tragédies ne se reproduisent pas ».

Silence des autorités

Dans cette affaire les autorités, et le président Jair Bolsonaro en particulier, ont brillé par leur silence. Et lorsqu’il s’est finalement prononcé, le dirigeant brésilien aurait assurément mieux fait de se taire. Par exemple, lorsqu’un juge de la Cour suprême a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour rechercher les disparus, le président a rétorqué : « des dizaines de milliers de personnes disparaissent chaque année au Brésil, et ce juge ne s’occupe que de ces deux-là »

Et pire encore ! Après la découverte des corps, Bolsonaro s’est vautré dans l’ignominie, estimant que « cet Anglais était mal vu dans la région. Il aurait dû faire plus attention mais il a décidé de faire cette excursion ».

Le comportement du président est d’ailleurs à l’image de la détérioration de la sécurité dans la région. « C’est le pire moment depuis la création de ce territoire autochtone en 2001, explique Antenor Vaz, ancien dirigeant de la Funai (Fondation Nationale de l’Idien). On a longtemps pu bloquer le gros des pêcheurs et des chasseurs. Il n’y avait ni trafiquants de bois ni orpailleurs, et le narcotrafic n’était présent qu’à une échelle extrêmement réduite. »

« Dans toute l’Amazonie, les gangs locaux du sud du Brésil et des pays voisins s’implantent, ajoute l’expert. Le crime environnemental et le crime organisé marchent main dans la main. Cette conjonction a pris des proportions inimaginables sous le gouvernement Bolsonaro. »

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