Après que Charlie Hebdo ait publié mercredi des dizaines de caricatures représentant le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, l’Iran a répondu en annonçant la fermeture de l’Institut français de recherche en Iran (Ifri).
« Première étape »
En décembre dernier, Charlie Hebdo a décidé d’organiser un « concours international » de caricatures pour soutenir les « Iraniens qui se battent pour leur liberté ». Tous les dessins produits ont ensuite été publiés dans l’édition de mercredi, suscitant l’ire des autorités iraniennes qui ont averti qu’elles prendraient des mesures contre la France.
« Le ministère met fin aux activités de l’Ifri comme première étape », a fait savoir Téhéran, qui accuse Paris d’« inaction continue face aux expressions d’anti-islamisme et à la propagation de la haine raciste dans les publications françaises ».
Insulte ou liberté de la presse ?
Avant même l’annonce par les autorités iraniennes de la fermeture de l’Ifri, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, avait assuré Charlie Hebdo de son soutien, rappelant qu’en France « la liberté de la presse existe contrairement à ce qu’il se passe en Iran », et que le délit de blasphème n’existait pas.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, lui a répondu jeudi, dénonçant « un acte insultant et indécent » qui ne « restera pas sans réponse ». « La France n’a pas le droit d’insulter ce qui est sacré pour les pays musulmans sous le prétexte de la liberté d’expression ». « Le guide suprême est effectivement sacré en Iran », confirme un diplomate français.
Mais certains experts avancent que l’Ifri a en réalité été fermé car il s’agissait d’un véritable nid d’espion, « ce qui est largement exagéré sans être tout à fait faux », admet un chercheur français ayant souhaité conserver l’anonymat. « L’Ifri est une variable d’ajustement lorsque la relation franco-iranienne se dégrade », explique un homme d’affaires français, habitué des sautes d’humeur de Téhéran.
Dégradation des relations
Les négociations sont d’autant plus difficiles qu’il « n’y a rien à négocier entre les deux pays », ajoute le businessman. D’un côté « il n’y a plus d’Iraniens détenus en France », et de l’autre « l’Iran pensait peut-être qu’en emprisonnant des Français, il obtiendrait de Paris une certaine compréhension de ses problèmes, mais c’est exactement le contraire. Paris est devenu le petit Satan à la place des Anglais », explique le français.
Pour le chercheur anonyme précédemment cité, ce manque de moyen de pression de part et d’autre devrait cependant éviter que la situation ne s’envenime trop. « La mesure ultime serait l’organisation de manifestations devant l’ambassade de France », explique-t-il. « Mais je ne vois pas l’Iran aller à l’affrontement ». « Le paradoxe c’est qu’en 2015, de hauts responsables iraniens étaient venus signer à l’ambassade de France le livre de condoléances, après l’attentat dont avait été victime Charlie Hebdo », rappelle le chercheur.