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Syrie : le dernier « domino » ?

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Le 11 janvier 2011, c’est en Tunisie que le mouvement révolutionnaire le plus important du XXIe siècle a pris naissance. Il n’aura fallu que 28 jours, après l’auto-immolation d’un jeune vendeur de fruits de Tunis, Mohamed Bouazizi, pour que les protestataires tunisiens déposent le président Zine El Abidine Ben Ali et le chassent vers l’exil.

 

Domino 1, la Tunisie, domino 2, l’Égypte

 

Puis ce fut le tour de l’Égypte. À partir d’un soulèvement populaire, le 25 janvier, qui s’est enflé régulièrement par son volume et sa passion, il a suffi grosso modo de trois semaines pour casser le pouvoir établi depuis des décennies par la main de fer du président Hosni Moubarak, et obtenir sa démission le 11 février. Le plus grand État nord-africain, est l’un des plus importants de tout le Moyen-Orient plongeait en eaux troubles, porteur d’implications profondes pour le monde et pour la paix dans la région.

 

L’erreur de Kadhafi

 

La Libye est à son tour tombée. La lutte se fit plus longue et plus sanglante. Elle commença par des manifestations pacifiques contre le régime du colonel Kadhafi, le 15 février. Mais la réponse brutale du gouvernement engendra une flambée révolutionnaire. Dès le début du mois de mars, les forces de Kadhafi regroupées marchèrent sur le centre de l’insurrection à Benghazi, à l’est. C’est alors que Kadhafi commit une magistrale erreur : il parla de traquer et de tuer les rebelles maison par maison. Les alliés occidentaux, à ce moment-là, décidèrent à juste titre qu’ils ne pouvaient détourner le regard alors que se perpétrait un massacre si proche du cœur de l’Europe. Le 27 mars, l’Otan lança l’opération « Unified Protector » (le nom le plus maladroit jamais donné à une intervention militaire dans toute l’histoire). Sous l’égide de la résolution des Nations unies 1973, l’Otan entama une campagne de bombardements dont l’objectif était la protection des civils placés sous la menace d’une agression, et qui eut pour effet d’empêcher la prise certaine de Benghazi en plus d’affaiblir les forces gouvernementales. De quoi ouvrir la voie à l’envahissement meurtrier de Tripoli par les rebelles, le 21 août.

 

Un mouvement historique

 

La Libye eut beau connaître une valse-hésitation de six mois faite d’affrontements acharnés, désormais tout l’est de l’Afrique du Nord est débarrassé de ces régimes répressifs. Mais le devenir de la démocratie au cœur de chacune de ces nations devient une question ouverte, et un travail considérable reste à accomplir dans les mois et les années qui viennent. Mais déjà, le printemps arabe a droit de cité comme l’un des grands mouvements de l’histoire moderne.

 

1982, massacre d’Hama

 

Un mouvement qui n’est pas fini, loin de là. À quelques centaines de kilomètres à l’est de la Libye, au-delà de la Méditerranée, la Syrie. Un autre de ces pays à avoir été dirigé par une dynastie familiale pendant 40 ans – à partir de 1971, quand Hafez al-Assad en devint le président. À sa mort en 2000, son fils Bashar lui succéda, depuis 11 années.

Le peuple syrien, à l’image de beaucoup d’autres dans la région, subit son lot de souffrances et de répressions incessantes sous la houlette des deux Assad. Parmi ses actions infâmes, le premier président Assad attaqua en février 1982 à la tête de l’armée syrienne la ville d’Hama pour y tuer dans l’œuf un soulèvement des Frères musulmans. On estima le massacre à quelque 20 000 personnes, la ville tout entière fut passée au bulldozer par l’armée syrienne – et cet épisode reste la répression la plus sanglante perpétrée par un dirigeant arabe contre son propre peuple.

 

Des États-Unis à la Turquie, protestation unanime

 

Le climat électrique levé par les soulèvements tunisiens se propagea rapidement vers Damas, la capitale syrienne, où débutèrent le 26 janvier des mouvements de protestation par lesquels la population appelait à des réformes du système politique, le redéploiement des droits civiques et la fin du prétendu « état d’urgence » en place depuis 1963. La protestation s’étendit à l’ensemble du pays que le régime réprima avec une force aveugle, sans considération pour la vie humaine. Plus de 2 000 citoyens et un nombre indéterminé de membres des forces gouvernementales trouvèrent la mort. Les Syriens montrèrent un courage inégalé face à la brutale répression. Puis les États-Unis et de nombreuses autres nations appelèrent Assad à cesser ses exactions. La Turquie, puissant voisin de la Syrie au nord, fut parmi les premiers pays de la région à prendre position dès le mois de mars, en pressant Assad à engager des réformes. En mai, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan rompit ses relations avec Assad.

 

Farewell, Bashar

 

Les jours de Bashar al-Assad sont comptés. Assad doit se désister, il le doit même encore davantage que chacun des dictateurs qui sont tombés avant lui, de la Tunisie à l’Égypte en passant par la Libye. Le 11 septembre prochain, il aura 46 ans. S’il n’a pas été chassé du pouvoir avant cette date, ce serait l’occasion parfaite pour lui de donner au peuple syrien, et à tous les peuples du Moyen-Orient, un cadeau d’anniversaire : sa démission.

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