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La fin du rêve américain ?

Boston, États-Unis. Est-ce la fin du rêve américain tel que nous l’avons connu ? En apparence, une question pessimiste. Pourtant, au vu des défis sans précédent auxquels les Américains doivent faire face, est-il possible de ne pas la poser ? En plus, lorsqu’on se tourne vers Washington, en quête des dirigeants courageux, dotés de principes, dont le pays a tant besoin, force est de constater qu’on reste quelque peu sur sa faim.

Contexte planétaire oppressant et crise domestique

Avec des forces armées engagées dans deux guerres, avec des changements traumatiques dans le monde arabe, avec l’isolement d’Israël, leur proche allié, avec l’Europe en proie à une crise grave, en pleine crise financière, et le nouvel essor de la Chine qui défie les États-Unis pour le leadership mondial, les Américains ont de quoi s’inquiéter pour leur rôle sur la scène internationale.

Et pourtant, les combats les plus urgents pour les Américains sont ceux auxquels ils doivent faire face chez eux : 25 millions de chômeurs, ou des citoyens qui voudraient travailler plus mais ne le peuvent pas à cause d’une économie faible qui peine à croître. La plupart des gens croient que les États-Unis connaissent une récession, même si les données techniques ne le confirment pas encore.

L’appauvrissement des foyers américains

Le Bureau du recensement des États-Unis vient de publier des chiffres qui donnent à réfléchir, et témoignent à l’appui de l’idée qu’en matière de revenu et de pauvreté, beaucoup d’Américains régressent. Il se peut que le « rêve américain » de développement personnel et d’opportunité de réussite perdure tant qu’il y aura une Amérique, mais pour ne rien perdre de sa vigueur, cet emblème autrefois glorieux des États-Unis a besoin de changements draconiens dans le secteur public et privé.

L’information montre que la pauvreté à l’échelle nationale a augmenté pour la troisième année consécutive pour atteindre 15,1 % en 2010 : c’est-à-dire 46,2 millions de personnes sous le seuil de pauvreté. C’est le plus grand nombre d’Américains vivant sous le seuil de pauvreté depuis que ces estimations ont commencé à être publiées, il y a 52 ans. De plus, l’année dernière, le revenu moyen par ménage a baissé de 2,3 % par rapport à 2009. Le revenu moyen a chuté de 6,4 % depuis 2007, l’année précédant le début de la « grande récession » de 2008-2009. Le revenu moyen est également de 7,1 % en dessous de ce qu’il était en 1999.

Les cadeaux du président GW Bush

Que s’est-il passé depuis ce temps ? La bulle Internet a éclaté en 2000 et le pays a souffert une récession. Al-Qaida a attaqué les États-Unis le 11 septembre 2001 et le pays entier a été bouleversé. La guerre en Afghanistan a commencé en automne de la même année. Elle continue aujourd’hui presque dix ans plus tard et des milliards de dollars engloutis. Loin de se satisfaire d’une guerre, le président George W. Bush en a commencé une autre contre l’Irak en mars 2003. Elle se poursuit aujourd’hui au terme de 8 ans et d’autres milliards de dollars dépensés.

Lorsque le président Bush a pris ses fonctions en janvier 2001, le gouvernement américain reposait sur un budget positif, et la dette nationale n’était pas un sujet de discussion. Bush fils a ensuite décidé des réductions d’impôts sur le revenu à grande échelle, qui furent adoptées par le Congrès en 2001 puis en 2003. Ces réductions ont fait perdre des milliers de milliards de dollars de revenu au Trésor des États-Unis, et créé un contexte propice à l’actuelle crise fiscale.

Peu de gens se souviennent encore du débat récurrent à la fin des années soixante, quand on se demandait si le pays avait les moyens de la guerre et du beurre social, c’est-à-dire si le pays pouvait se permettre de poursuivre la guerre au Vietnam et les réformes sociales coûteuses du président Lyndon Johnson. La réponse, à l’époque, fut non – et dans ce monde si différent du XXe siècle, elle n’a pas changé.

Obama trop conciliant ?

Le 17 décembre 2010, le président Obama a commis l’une des plus grandes erreurs de son mandat en approuvant l’extension des réductions fiscales de Bush jusqu’en 2013. Il croyait, à l’époque, qu’en composant avec les républicains au Congrès il rendrait possible de futures coopérations. En plus, il ne voulut pas augmenter les impôts pour tous les Américains alors même qu’ils croyaient à une embellie de l’économie.

Malheureusement, le président s’est doublement trompé. D’abord, il est clair que les républicains le détestent, et qu’ils n’ont aucune intention de lui céder des victoires législatives. Ensuite l’économie, qui a commencé à battre de l’aile, a connu un atterrissage violent. Selon le Bureau du Budget, l’extension des réductions fiscales de Bush ajoutera 3 300 milliards à la dette nationale d’ici à 2013. Si le président Obama avait essayé de tenir tête aux républicains, les Américains seraient peut-être dans une pire situation aujourd’hui, mais il n’y aurait ni crise de la dette ni crise du budget.

Un « super-comité » pour trouver une solution

Au lieu de quoi, nous avons dû assister au spectacle humiliant, en août, d’un président piégé dans une lutte contre le Congrès à propos d’une augmentation de la dette – spectacle qui a écorné la confiance dont était investi le gouvernement américain, aux États-Unis comme à l’étranger.

Cette semaine, le nouveau « super-comité » du Congrès chargé de réduire la dette de 1 200 milliards à long terme se réunit de nouveau à Washington – et le comité, composé de 6 républicains et 6 démocrates, devra résoudre de sérieuses questions.

Le président Obama a expliqué quelle approche il voudrait que le comité adopte vis-à-vis de la réduction de la dette lors d’un discours donné à la Maison-Blanche lundi. Pour lui, la meilleure est de combiner une réduction de certaines dépenses avec une augmentation de certains impôts, pour réduire la dette de plus de 3 000 milliards de dollars sur 10 ans. La moitié de cette somme viendrait d’une plus forte imposition des Américains riches et des entreprises. Un autre millier de milliards de la réduction des dépenses sur Medicare et Medicaid, ainsi que d’autres programmes de prestations sociales.

Un bras de fer stérile

Le président a sans cesse répété qu’il imposerait son veto à toute proposition qui reposerait uniquement sur une réduction des dépenses. « Je ne soutiendrai aucun projet qui place le plus gros du fardeau de la réduction de notre déficit sur les Américains ordinaires » furent ses paroles précises.

Mais le projet du président ne pourra pas passer. Dans son propre discours du jeudi 15 septembre, le président de la Chambre des représentants John Boehner a clairement fait savoir que la Chambre, contrôlée par les républicains, n’accepterait aucune augmentation des impôts. « C’est une équation très simple, a-t-il dit. Les augmentations d’impôts détruisent les emplois. »

En attendant, le temps presse. Le « super-comité » a jusqu’au 23 novembre pour voter un projet, puis le Congrès devra voter avant le 23 décembre. Au vu l’intransigeance des partis, il semble invraisemblable qu’ils puissent parvenir à un compromis.

Mais sans doute n’ont-ils pas beaucoup de choix : les règles établies pour le processus de réduction de la dette stipulent que le processus devra nécessairement être déclenché le 15 janvier 2012. Si, à cette date, il n’existe toujours aucun projet mandaté par le Congrès, alors 1 200 milliards de dollars de réduction des dépenses prendront effet automatiquement, dans les secteurs domestiques et ceux de la défense nationale. Voilà des mesures draconiennes, dangereuses, et dont personne ne veut.

Des raisons d’espérer

Ce qui rend la situation actuelle particulièrement absurde, c’est que les problèmes des États-Unis ne sont pas sans solutions.

Les entrepreneurs américains possèdent beaucoup de capitaux à réinvestir, et ont de quoi faire repartir l’économie. Mais les entreprises n’investiront pas à un degré suffisant tant que le pays n’aura pas regagné leur confiance. Il s’agit du facteur majeur qui bride l’économie américaine.

Si nos dirigeants pouvaient seulement travailler ensemble sur un projet de réduction du déficit cohérent, alors la confiance pourrait revenir, et le nouvel investissement – par les entreprises privées et le gouvernement – pourrait recommencer à circuler. Nous pourrions reconstruire le rêve américain.

Philip S. Balboni est le directeur et co-fondateur de GlobalPost.

Global Post/Adaptation JF – JOL Press

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