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Retour sur les commémorations dans le monde…

Un joli dimanche de septembre, New York se réveille sous le soleil… aujourd’hui comme en 2001. Chaque année depuis 10 ans, c’est sur le site même de l’horreur que se retrouvent familles de victimes et survivants pour le souvenir officiel. L’occasion est particulière : un dixième anniversaire mais, surtout, l’inauguration tant attendue, celle du Mémorial aux victimes, Reflecting Absence : au milieu du chantier de la reconstruction, un jardin conçu par Peter Walker et les deux bassins de marbre noir de l’architecte Michaël Arad, symbole de l’empreinte laissée par les deux tours jumelles, où l’eau s’écoule comme dans un puits sans fond et autour duquel sont gravés les noms des 2 985 victimes.

 

Reflecting Absence à Ground Zero…

Barack et Michelle Obama, George W. et Laura Bush sont arrivés, Rudy Giuliani, héroïque maire de New York… et de l’Amérique en 2001, aussi. L’hymne national retentit. 8 h 46 (heure de New York), un nuage venu de nulle part plonge Ground Zero dans l’ombre. C’est l’heure exacte où, il y a dix ans, le premier avion s’est encastré dans la tour nord. Minute de silence. La première d’une série de six qui, chacune, jusqu’à 10 h 03, rappellera le funeste enchaînement de ce jour-là : du choc du deuxième avion à l’attaque sur le Pentagone, de l’effondrement des deux tours au crash du vol 93 d’United Airlines à Shanksville. Pas de longs discours. Le président en exercice lit un passage de la Bible – « Le Seigneur est notre refuge » – et son prédécesseur évoque Abraham Lincoln. De la musique de circonstance et, comme chaque année, durant toute la matinée, une effroyable litanie, l’énoncé, un par un, du nom de chacune des 2 985 victimes. Parmi les invités, de nombreux proches recherchent l’emplacement où est gravé à jamais le nom d’un des leurs. Munis de grandes feuilles et de crayons, la plupart en relève l’empreinte selon une tradition remontant à la guerre du Vietnam. Au fil des heures, le marbre noir s’égaie de petites taches rouges, roses, jaunes, orange, de la couleur des fleurs, souvent des œillets, coincées dans le lettrage des rebords. En petit ou en grand, partout, la bannière étoilée.

 

… comme à Shanksville et au Pentagone

Si l’heure précise des attaques a été marquée sur les deux autres sites de mémoire, à Shanksville en Pennsylvanie et au Pentagone à Arlington en Virginie, les cérémonies s’y sont prolongées pour permettre à Barack Obama d’y assister successivement. Dans le champ où s’est écrasé le vol 93 d’United Airlines, le président a pu admirer le nouveau monument, lui aussi en marbre, marbre blanc pour un mur où figure le nom des 40 passagers et membres d’équipage, marbre noir pour l’emplacement exact où fut retrouvé l’avion. Sans la révolte courageuse mais désespérée de passagers, les terroristes auraient pu toucher au cœur même de la démocratie américaine en écrasant le Boeing sur le Capitole ou la Maison Blanche. Au Pentagone, l’aile ouest a été reconstruite, et le monument du souvenir, composé de bancs translucides, existe depuis 2008. Hommage après hommage.

 

Des cérémonies réservées aux proches

Point commun de toutes ces commémorations, le caractère presque privé de leur déroulement. Pas de vastes rassemblements patriotiques, ouverts à tous, mais des cérémonies réservées, sur invitation, aux seuls proches des victimes. Les raisons ? Incontestablement, il y a la crainte de nouvelles attaques, justifiée par les menaces « crédibles » reçues ces derniers jours. Mais aussi, la volonté des familles de voir respecter la mémoire des leurs, mais aussi leurs deuils privés. Dès lors, hormis les officiels, seules les familles étaient autorisées à pénétrer dans le large périmètre de sécurité mis en œuvre autour de Ground Zero ou du Pentagone comme au-dessus de Shanksville.

 

L’absence remarquée des héros de 9/11

Certaines absences ont pourtant été davantage remarquées, celles des pompiers. Certains regrettaient que les « vétérans » de 9/11, ces secouristes survivants, ceux qui ont perdu 343 de leurs collègues et sauvé tant de vies, n’aient pas été conviés. Maigre consolation, ils avaient obtenu de Michael Bloomberg, actuel maire de New York, qu’il appuie l’organisation dans sa ville des Jeux olympiques des pompiers et policiers. La semaine dernière, 10 000 d’entre eux venus de 80 pays se sont affrontés dans 100 épreuves. Temps fort : le marathon consistant à grimper, tout équipé, les 37 étages du World Trade Center 7, récemment reconstruit. Tout un symbole !

 

Une émotion individuelle pour chaque Américain

En dehors des rendez-vous officiels, de nombreux rassemblements ont permis de célébrer le souvenir des attaques, de rendre hommage aux victimes, mais aussi de prolonger le deuil national. À New York, samedi soir, une marée de drapeaux américains porteurs du nom imprimé des victimes déferlait sur Battery Park. Dimanche matin, la foule est restée figée devant les images de la cérémonie diffusées sur les grands écrans de Times Square. Ce fut la même chose aux quatre coins des États-Unis.

 

Un souvenir partagé à travers le monde

Comme il y a dix ans, la solidarité avec les États-Unis et leurs victimes s’est aussi manifestée à travers le monde. En France, deux jours après un discours du président Nicolas Sarkozy à l’ambassade américaine, une cérémonie s’est tenue en présence de Bertrand Delanoë, maire de Paris au Trocadéro. En guise de symbolique, deux répliques des tours, hautes de 25 mètres, avaient été érigées. On y lisait en grand : « Les Français n’oublieront jamais », du nom de l’association organisatrice. A suivi une messe en la cathédrale Notre-Dame, puis une soirée du souvenir avec jeux de lumière sur la tour Eiffel. Des manifestations aussi dans toutes les capitales d’Europe avec, à chaque fois, la présence des officiels locaux. Ailleurs dans le monde, la date n’a pas été oubliée, surtout en présence d’Américains : ainsi, en Nouvelle-Zélande, une minute de silence a précédé le match Irlande-États-Unis de la Coupe du monde de rugby – ce qui n’a pas empêché une défaite des Américains.

 

L’émotion des soldats d’Irak et d’Afghanistan

Mais c’est en Afghanistan et en Irak, sur les bases de l’armée américaine et jusqu’aux postes avancés de combat, que l’hommage a été le plus émouvant. Et pour cause, le monde après le 11-Septembre, ce sont les interventions en Afghanistan et en Irak. Bilan : au moins 6 000 soldats américains tués, et bien des civils afghans et irakiens… venus ajouter leurs noms aux 3 000 morts des attaques terroristes. Des rassemblements à Bagram, à Kandahar ou encore à Jalalabad, au nord-est de l’Afghanistan, où les troupes ont couru 5 km en souvenir des victimes.

 

La dernière des grandes commémorations ?

Ce dixième anniversaire est le premier depuis la mort d’Oussama Ben Laden le 2 mai. Lors de cette annonce, s’était exprimée une grande ferveur patriotique… comme si les victimes, enfin, avaient été vengées. Les familles continueront à honorer la mémoire des leurs, et solliciteront la présence des autorités. Mais, pour beaucoup d’Américains, il semble que la symbolique de la commémoration du 11-Septembre ait désormais évolué. Ce qui est en jeu, ce n’est pas, à proprement parler, le deuil des 3 000 victimes, mais le deuil du « monde d’avant ». Avant le 11 septembre 2001, les États-Unis, et plus largement l’Occident, vivaient un sentiment d’invulnérabilité. Désormais, l’heure est à la vigilance, une vigilance individuelle qui a modifié les vies quotidiennes à New York, comme à Washington ou Paris… Mais la vie a depuis longtemps repris. Le dernier mot revient à Rudy Giuliani : « Il y a un temps pour haïr et un temps pour aimer, un temps pour la guerre et un temps pour la paix ».

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