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Six mois déjà… et après ?

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Révolution, contestation, manifestations…

Au-delà du vocable utilisé pour qualifier ces troubles, une dure réalité, celle d’un bilan forcément provisoire : au moins 70 000 interpellations, 15 000 mises en détention et 2 600 morts selon l’ONU – 1 400 version Damas – plus des milliers de disparus. Certes, à ce prix, depuis les premières manifestations de Deraa, les opposants ont obtenu du gouvernement et du parti Baath qu’il recule – ou plutôt avance – sur un certain nombre de points : en avril, l’état d’urgence en vigueur depuis 48 ans a été levé ; de fait, le multipartisme a été consacré dès le printemps ; la parole s’est libérée, la peur a disparu. Autant de rêves pour des générations d’opposants, mais ils semblent aujourd’hui bien maigres tant, devant la radicalisation de la situation, seule la victoire, la chute finale importent.

 

La peur ne fonctionne plus

Combien de temps Bachar elAssad peut-il tenir ? Des mois, des années… Les avis divergent selon les experts. Une chose est sûre, la situation est de plus en plus tendue. Pour rester au pouvoir, il a dû s’engager dans une folle spirale de violence. Jusqu’où pourra-t-il aller, osera-t-il aller ? La torture est monnaie courante, torture physique et psychologique. Le régime, par nature autoritaire, use et abuse désormais de remèdes totalitaires. Partout, il dispose d’informateurs, champions du monde de la dénonciation. Mais, déjà, la peur ne fonctionne plus. Dans le même temps, certains de ses soutiens s’effritent. Pour le maintien de l’ordre, le président s’appuie essentiellement sur une seule brigade de l’armée, la quatrième, celle que dirige son propre frère. La classe moyenne, un de ses appuis traditionnels, continuera-t-elle à le soutenir coûte que coûte ? Rien est moins sûr tant elle souffre financièrement du ralentissement que provoque les manifestations et, au-delà, de l’isolement international du pays. Sans elle, Assad perd son ancrage dans la vie économique.

 

La Syrie n’est pas la Libye

La communauté internationale observe, dénonce, se divise aussi, mais semble impuissante à agir. Pas d’intervention envisagée, souhaitable, possible. Les Occidentaux, au premier rang desquels les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, n’ont jamais eu que très peu de contacts avec le régime d’Asado et des échanges économiques limités. Peu de pétrole en Syrie… et l’intervention en Libye a duré bien plus longtemps et coûté bien plus cher que prévu. Et puis il y a la crise économique et financière… Dans le même temps, les soutiens traditionnels de Damas se désolidarisent. Le Qatar et l’Arabie saoudite ont rappelé leurs ambassadeurs. La Turquie a dénoncé l’usage de la violence. Même l’Iran prend ses distances.

 

Une guerre civile larvée ?

Manifestations, contestation, révolution… guerre civile, guerre civile larvée ? C’est un des principaux arguments de Bachar el-Assad : sans un régime autoritaire et laïc, le chaos. Un argument qui n’est pas sans rappeler l’Irak de Saddam Hussein. Depuis six mois, on observe une résurgence des dissensions religieuses. L’émergence de nombreux foyers d’agitation peut être décryptée à travers l’observation des relations entre les différentes confessions musulmanes. Tout a commencé à Deraa, une ville sunnite. Depuis plus de 40 ans, les sunnites ont été les grands oubliés du régime dominé par les alaouites. Guerre civile larvée aussi par la nature et l’organisation des insurgés. Comment expliquer la mobilisation de chars et de la marine face à des manifestations plus ou moins spontanées, mais pour l’essentiel pacifiques. La crainte d’Asado, c’est l’entrée sur le territoire syrien de groupes armés, organisés.

 

Les scénarios catastrophes

On peut craindre qu’un point de non-retour ait été atteint et des scénarios catastrophes se dessinent… D’abord, le risque d’une instabilité croissante à la frontière israélo-syrienne, une poudrière dans un climat où déjà les positions se tendent autour de la question de la reconnaissance d’un État palestinien. Ensuite, l’embrasement des régions kurdes aux frontières turques et irakiennes, susceptible de dégénérer en un conflit régional. Enfin, une « libanisation » de la Syrie avec l’apparition d’un groupe extrémiste de type Hezbollah qui sèmerait la terreur et déstabiliserait durablement le pays.

 

Une Syrie libre… et unie

Ce jeudi, lors d’une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre britannique, David Cameron, Nicolas Sarkozy a dédié sa première visite en Libye depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi « à tous ceux qui espèrent une Syrie libre »… « Une Syrie libre », les Syriens de tous les bords auront apprécié. « Une Syrie unie », aurait peut-être pu ajouter le président français.

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