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Le rêve de superpuissance de Moscou passe par les airs

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Mille nouveaux hélicoptères, 600 avions de combat, 100 navires de guerre, parmi lesquels plusieurs porte-avions et 8 sous-marins nucléaires… Le Kremlin a décidé de gâter son armée avec un programme de réarmement sans précédent depuis la chute de l’Union soviétique. Et la liste s’allonge puisque sont prévus aussi des missiles nouvelle génération et un système avancé de défense aérienne. Mieux encore, la Russie dispose d’une arme secrète, l’élément clé de tout le dispositif : le nouveau Sukhoi PAK T-50. En forme de lame, c’est le premier avion « design » de l’armée russe, le premier qui ne ressemble pas aux vieux avions de grand-papa soviétique.

Pourtant, une question demeure : la Russie a-t-elle les moyens de fabriquer tous ces armements ?

L’armée, c’est le pouvoir

[image:3,s]Moscou ne manque pas de détermination. Dmitri Medvedev, le président en exercice, expliquait en février que la Russie, après avoir été traitée comme la cinquième roue du carrosse pendant deux décennies, ressentait le besoin de rattraper l’Otan et les États-Unis. « Les tentatives pour agrandir le périmètre d’influence de l’Otan ne cessent pas. Nous avons besoin de moderniser notre armée et de redorer son image, nous avons besoin d’un réarmement complet. »

Les dépenses militaires russes ont largement augmenté depuis le premier mandat de Vladimir Poutine en 2000. En septembre, avant de démissionner, Alexei Kudrin, l’ancien ministre des Finances, confirmait que ces dépenses doubleraient dans les deux prochaines années, de 3 à 6 % du produit intérieur brut.

Un bon de commande trop important

L’argent et la motivation sont importants, si l’ambition profonde du pays est de retrouver son statut de superpuissance. La puissance industrielle entre dans le jeu. Les experts en sécurité doutent de la capacité des infrastructures militaro-industrielles russes à fabriquer ces armements.

Privé du vaste réseau de petits sous-traitants qui ont permis à l’URSS de doter puissamment son « Armée rouge », des balles aux missiles, le peu d’industries de fabrication d’armes, désormais en état de fonctionnement, ne pourra pas répondre à toutes les commandes lancées par l’état-major des armées d’ici à la fin de l’année.

« L’argent est maintenant disponible, et il rend possible un projet comme le T-50, même dans le contexte russe », estime Vitaly Shlykov, ancien ministre de la Défense russe. « Mais la Russie s’est désindustrialisée. C’est en fait un pays du tiers-monde qui ne vit que de l’extraction de son pétrole. Ce programme de réarmement est une campagne politique initiée pour satisfaire l’appétit de grandeur de Vladimir Poutine fier. Le T-50 est un gadget politique indispensable.

Visiblement, Vladimir Poutine a conscience de ces problèmes. Le 7 octobre, il annonçait que Moscou allait dépenser plus de 13 milliards de dollars sur trois ans pour rénover plus de 1 700 usines d’armement. « Si nous voulons avoir des armes qui répondent aux exigences des combats d’aujourd’hui, nous devons complètement moderniser notre complexe industrialo-militaire. »

L’avion du XXIe siècle

[image:2,s]Si on en croit les informations disponibles sur le T-50, c’est un impressionnant avion de combat « 5e génération ». Cette catégorie d’avions que seuls les États-Unis ont pour le moment expérimenté avec le F-22 Raptor.

Cette cinquième génération d’avions de combat a montré d’impressionnantes capacités d’infiltration et de maniabilité.

Ils y ont aussi intégré des armes et un système de navigation géré par une intelligence artificielle. Le châssis de l’appareil est réalisé en matériaux utilisés jusque-là par l’industrie spatiale.

Pour toutes ces raisons, cet avion est vraiment l’élément clé de la superpuissance.

Depuis le début pourtant, le T-50 n’a pas encore fait ses preuves. Quand un des deux prototypes existants a été présenté au meeting aérien MAKS en août 2011, devant Vladimir Poutine et d’autres officiels, il est apparu incapable de réaliser les belles performances auxquelles on pouvait s’attendre. Le jour suivant, quand l’avion a dû être montré au public, il a pris feu pendant le décollage et a dû immédiatement regagner son hangar.

Certains experts ont commencé à suspecter le T-50 de ne pas être aussi « incroyable » que certains veulent bien le prétendre.

« Qu’ils l’aient montré au public ne signifie pas que nous savons ce qui se passe sous le capot », déclarait Alexander Golts, un expert militaire, au site d’information Yezhednevny Zhurnal. « Nous n’avons pas encore beaucoup de précisions à son sujet, par exemple nous ne savons pas s’ils vont utiliser d’anciens moteurs ou en fabriquer de nouveaux. Et quand nous posons la question, on nous répond, c’est « top secret ».

Les armes de la Russie sont soviétiques

La plupart des armes produites en Russie sont pour la plupart des armes soviétiques au design amélioré. C’est vrai pour le Sukhoi Su-30, vendu à l’Inde, à la Chine et au Venezuela, qui n’est rien de plus qu’une version remasterisée du Su-27, avion de chasse soviétique.

Selon certains experts, le MiG-35, un petit avion de chasse russe, est vendu à travers le monde comme une nouveauté. Il ne s’agit en fait que du vieux MiG-29 légèrement amélioré.

Les seules vraies nouveautés sont à observer dans le T-50 et le Bulava, un sous-marin lance-missiles dont la production en série est prévue à partir de l’année prochaine.

Une industrie désuète

Ces dernières années, Poutine a essayé de retrouver le pouvoir magique de l’URSS en initiant l’intégration de plusieurs grands noms de l’industrie aéronautique nationale, tels Sukhoi, MiG, Tupolev, Ilyushin, en un énorme conglomérat d’État baptisé Unites Aircraft-Building Corporation.

Mais les experts pensent que cette stratégie ne vise qu’à cacher le vrai fond du problème. Moins de la moitié des vieilles usines militaires soviétiques sont encore en état de marche. Pratiquement aucun des anciens sous-traitants n’est capable d’assembler les pièces et les composants indispensables à l’assemblage d’armes compliquées.

Ce qui signifie que tous les éléments présents dans un avion de chasse russe doivent être produits en interne, un processus fastidieux et hors de prix, explique Pavel Felgenhauer, expert militaire de la Novaya Gazeta de Moscou. « Pire encore, il existe un gouffre technologique entre l’industrie russe et occidentale. La Russie a toujours des gens capables de dessiner de nouveaux produits, mais la capacité de notre industrie à les fabriquer est vraiment à remettre en question. Que pouvez-vous faire si vous ne pouvez pas construire des composants fiables, si vous ne pouvez pas avoir de matériel moderne capable d’un travail de précision, et que vous manquez de travailleurs qualifiés ? Vous ne produisez aucune valeur. »

Importer de l’étranger ?

[image:4,s]Même le président Medvedev suggérait cet été que la réponse pourrait être d’acheter des armes à l’étranger. La Russie importe déjà des fusils allemands et des drones israéliens. L’année dernière, un contrat controversé a été signé avec la France pour l’achat de quatre hélicoptères d’assaut au tarif de 750 millions de dollars pièce.

Mais les experts affirment qu’au sommet de la hiérarchie militaire prévaut une féroce opposition à l’idée d’acheter des armes à l’étranger. Avec le très conservateur et très nationaliste Poutine de retour à la présidence l’année prochaine, cette option pourrait bien devenir complètement inenvisageable.

Magomed Tolboyev, légendaire pilote russe, se déclare l’un des plus grands fans du T-50. Malgré tout, il n’imagine pas que la production de ces avions puisse démarrer avant 2013.

« Depuis vingt ans, notre industrie aéronautique a totalement stagné. Quand les usines ont arrêté de tourner, les spécialistes sont partis. Ce retard, nous mettrons dix ou quinze ans à le combler. On ne peut pas prendre des gens, les installer dans une usine et leur demander de construire une machine aussi délicate et sophistiquée. »

 

Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – Jolpress

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