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À la rencontre de l’Armée syrienne libre

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Une armée de déserteurs

Abu Ali est un combattant pour la liberté au parcours atypique. Vêtu d’une veste en cuir de la même marque que celle de la police secrète syrienne, Abu Ali a commencé sa carrière en accomplissant les « basses œuvres » au service de l’État. Membre de l’Intelligence militaire syrienne, il a rédigé des rapports sur ses amis et torturé des opposants. Il répondait directement aux ordres du général Assef Shawkat, le terrible beau-frère du président Bachar al-Assad.

[image:4,s]Sur un plateau rocheux qui sépare la Syrie du nord du Liban, Abu Ali a rassemblé des hommes pour une mission de l’Armée syrienne libre (ASL), une force de combat composée de soldats déserteurs et de bénévoles. Ils veulent reproduire la méthode de la révolution libyenne et renverser par la force la dictature de la famille Assad qui gouverne le pays depuis 41 ans. « Les forces de sécurité ont une base près d’ici, nous allons d’abord enquêter pour connaître leur nombre et leurs armes », explique Abu Ali, en chuchotant dans le noir absolu pour ne pas attirer l’attention des soldats syriens qui montent la garde à près de 150 mètres. « Nous devons surveiller leurs mouvements et nous préparer à les attaquer. »
Envoyé à Dara, la ville frontalière du sud, berceau de l’insurrection syrienne, avec ordre de tirer sur les manifestants, Abou Ali avait été « redéployé » à Homs, sa ville natale. C’est là qu’il a déserté. « Je ne pouvais pas tirer sur des gens que je connaissais », raconte-t-il, la tête couverte de son keffieh, conscient des tortures qui attendent les déserteurs lorsqu’ils sont capturés.
Premier officier à annoncer la création de l’ASL en juin, le colonel Hussein Harmoush en est la preuve vivante. Après avoir été traqué par la sécurité d’Assad, il a été forcé à apparaître sur la télévision publique pour dénoncer les dissidents alors que sa maison dans le nord-est de la Syrie venait d’être rasée et plusieurs membres de sa famille tués ou capturés.

Plein d’espoir mais peu d’armes

[image:2,s]La plupart des soldats de l’armée syrienne libre, répartis le long de la frontière nord du Liban, sont pauvrement armés, kalachnikovs, carabines, fusils de chasse. Rien de très organisé. En cas d’urgence et en dernier recours, chaque soldat porte néanmoins une grenade. « Nous ne serons pas pris vivants », affirme Moussab, un déserteur, membre d’une deuxième unité de l’ASL implantée près de la frontière. « S’ils viennent nous chercher, nous les tuerons avant de nous tuer. »
Récemment, Moussab a conduit une mission dangereuse. Armé de la seule grenade autopropulsée de l’unité, il devait faire passer un civil syrien de l’autre côté de la frontière libanaise et assurer la livraison de fournitures médicales, des médicaments contre le tétanos pour soigner les blessures dues aux éclats d’obus, des poches de sang et des bandes de gaze. 
« Nous avons été repérés et ils ont ouvert le feu », dit-il, en décrivant l’affrontement avec les troupes loyalistes syriennes. « J’ai essayé de couvrir mes hommes pour qu’ils puissent s’enfuir, mais la première lance-roquettes n’a pas fonctionné, la deuxième et la troisième non plus. »
Après quatre heures, prisonnier des tirs et des grenades, Moussab a appelé son commandement par radio de l’autre côté de la frontière.
« Je leur ai dit : “Oubliez la liberté ! Venez juste me chercher. » Il n’a fait que créer une explosion… de rire chez ses compagnons rassemblés en sécurité dans une maison libanaise.
« On n’a pas assez de munitions ni d’armes, il nous manque un commandement. » Les combattants de l’Armée syrienne libre savent très bien que chaque mission risque de rester leur dernière.

Protéger les rebelles et faire tomber le régime

« Notre stratégie consiste à mener une guérilla contre les troupes d’Assad, déclarait le commandant de Moussab. Nous avons décidé de protéger les manifestants jusqu’à ce qu’ils atteignent leur objectif de renverser ce régime. »
Après avoir applaudi la mort de l’ancien leader libyen Mouammar Kadhafi, les dirigeants de l’ASL espèrent que le monde va enfin porter son attention sur eux comme il l’a fait pour les rebelles en Libye. Ils appellent l’Occident à imposer une zone d’exclusion aérienne sur le territoire syrien, ils demandent de l’aide et des armes. « Plus nous aurons d’armes, plus vite nous avancerons », affirme Quteiba. « Nous appelons la communauté internationale, qu’il s’agisse de l’Union européenne, de la Ligue arabe, de la France ou de l’Allemagne, à nous fournir des armes et des munitions. L’effondrement de l’armée du régime sera alors rapide. C’est une armée qui ne sert qu’une personne et une famille, pas un pays et ses citoyens. »

Des milliers d’hommes contre le régime

[image:3,s]Un deuxième colonel déserteur, Riad al-Assad (sans aucun lien avec la famille du président Bachar al-Assad), a récemment pris le commandement de l’ASL. Ils seraient entre 7 000 et 10 000 hommes, la plupart sont en Syrie, mais plusieurs commandements de division ont été installés en Turquie, en Jordanie et au Liban.
Comme Abu Ali, Quteiba aligne une longue carrière dans les forces de sécurité d’Assad. Il a travaillé 29 ans pour l’Intelligence militaire et a même gagné plusieurs prix, notamment celui du meilleur tireur d’élite de l’armée.
Mais assister au massacre de civils à Homs, plus de 5 500 victimes, depuis le début de la répression, a été l’élément déclencheur de sa désertion. « Ils utilisaient des camions de pompiers pour nettoyer le sang dans les rues et ils jetaient les cadavres dans les camions de ramassage, sans leur permettre d’être enterrés, raconte Quteiba. C’était un moment épouvantable. »

« Je suis fier de pouvoir dire que nous sommes l’Armée syrienne libre »

Après avoir déployé ses hommes pour enquêter sur les secteurs autoursde la base syrienne, Abu Ali s’accroupit derrière un rocher pour téléphoner. « Allô, oui Monsieur. Je suis l’officier de la zone médiane. Le chef de l’unité. Monsieur, nous avons accompli notre mission de surveillance […] Non, Monsieur, il n’y a pas de checkpoints, seulement des gardes. Oui, il y a des tireurs embusqués. […] Nous pouvons les attaquer, Monsieur ? »
La demande est rejetée et Abu Ali obéit aux ordres du siège de l’ASL à Jisr al-Shughour, une région située au nord-ouest de la Syrie qui a été le théâtre de combats extrêmement violents entre forces de sécurité d’Assad et déserteurs.

« Je suis fier de pouvoir dire que nous sommes l’Armée syrienne libre, s’exclame Abu Ali Nous espérons pouvoir bientôt mener les opérations qui conduiront à la chute définitive du régime. »

Global Post/Adaptation Melania Perciballi – JOL Press

 

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