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Pèlerinage à La Mecque : tradition et modernité en islam

[image:1,l]2 917 717 fidèles accomplissent cette année le déplacement à La Mecque. Parmi eux, 1 828 195 musulmans venus de l’étranger et 1 099 522 Saoudiens et résidents étrangers du royaume, selon les chiffres communiqués par l’agence officielle Spa. Le gouverneur de La Mecque, le prince Khaled Al-Fayçal, avait fait auparavant état d’une progression par rapport à 2010 de 1,5 % du nombre de pèlerins arrivés de l’étranger, en citant le chiffre de 1,83 million. Plus que jamais, le hajj est le plus grand pèlerinage au monde, l’un des cinq piliers de l’islam que tout fidèle est censé accomplir au moins une fois dans sa vie, « s’il en a les moyens », selon la formule du texte sacré.

Un grand pèlerinage avant le Coran

Si l’hajj trouve son origine musulmane dans des versets coraniques, il existait un tel pèlerinage chez les Arabes pré-islamiques, païens ou chrétiens. Il comportait des rites similaires à ceux qui se perpétuent aujourd’hui, essentiellement autour de la Kaaba qui contient la Pierre noire, météorite dont le culte était répandu au Proche-Orient depuis l’Antiquité.
[image:2,s] À La Mecque, les pèlerins revêtaient le vêtement rituel et se rasaient le crâne pour se placer en état de sacralisation. Au mont Arafat, les Arabes païens honoraient de multiples divinités afin de s’en assurer la bienveillance.

Dès 624, divers préceptes ont été établis, une véritable prise d’indépendance de la nouvelle religion à l’égard du judaïsme et du christianisme. C’est alors que la prière est réorientée vers La Mecque et qu’apparaît l’injonction d’accomplir un pèlerinage dans cette ville, ancrant l’islam sur le sol d’Arabie.
En 630, les musulmans prennent le contrôle de La Mecque. Les païens sont exclus et les idoles sont évacuées de la Kaaba. Mahomet aurait lui-même achevé un pèlerinage – dit d’adieu – juste avant sa mort, fixant par la même occasion le déroulement de ses rites.

Le sanctuaire d’Abraham

[image:6,s]L’attachement de l’islam à La Mecque se concrétise notamment par le rattachement du sanctuaire à la tradition abrahamique. C’est Ismaël, fils d’Abraham – Ibrahim, en arabe – qui, rejoint par son père, aurait construit la Kaaba. Et Abraham, l’ancêtre des ancêtres arabes, y aurait accompli le premier pèlerinage musulman selon le rite actuel. D’après le Coran, le sanctuaire mecquois préexisterait à tous les autres lieux de culte. L’islam affirme ainsi sa prééminence sur tous les autres monothéismes bibliques déviants.

Selon la tradition, Abraham, qui devait sacrifier son fils Ismaël, l’épargna au dernier moment, à la demande de son Dieu, en égorgeant à la place un mouton. C’est en mémoire de ce geste qu’au cours du pèlerinage que se déroule, au lieu-dit Minâ, le sacrifice d’un mouton par les pèlerins. La fête du sacrifice, Aïd al-Adha ou Aïd al-Kebir, marque chaque année la fin du hajj. Une des principales fêtes du calendrier musulman : elle est reproduite à travers le monde par tous les musulmans.

Le grand pèlerinage, une obligation pour les musulmans

Le grand pèlerinage est un des cinq piliers de l’islam et le Coran le rend obligatoire pour tout musulman qui en a la capacité physique et financière. Il n’est pas nécessaire de l’assurer plusieurs fois. Invariablement, l’hajj se déroule, chaque année, entre le 8 et le 13 du mois lunaire de Dhû al-hijja. Tout pèlerin accole à son nom le terme hâj ou hâjjî, marque honorifique quand on s’adresse à lui.

Les rites du grand pèlerinage

Le Coran livre peu d’indications rituelles, et des gestes anté-islamiques ont été repris dans une perspective abrahamique. Les rites diffèrent légèrement selon que le pèlerin habite ou non la région de La Mecque.

Premier jour : 8 dhû al-hijja

[image:3,s]• Déclarer son intention d’accomplir le pèlerinage ;
• Se placer en état de sacralisation ;
• Faire les sept rondes autour de la Kaaba en essayant d’embrasser la pierre noire ;
• Arpenter 7 fois la marche – 420 mètres dans un long couloir attenant à la mosquée – entre Safâ et Marwah, en souvenir de l’errance d’Agar à la recherche d’eau pour Ismaël, puis boire à la source Zamzam ;

• Se rendre au lieu-dit Mîna à 4 kilomètres de La Mecque et prier.

Deuxième jour : 9 dhû al-hijja

• Lorsque le soleil se lève, il faut se diriger vers le mont Arafat à 20 kilomètres et y faire la prière de midi et de l’après-midi ;
• Après le coucher du soleil, il faut aller vers Muzdalifah, y prier et se munir de 49 cailloux pour la suite des rites.

Troisième jour : 10 dhû al-hijja

[image:4,s]• Après la prière du matin, le pèlerin revient vers Mîna. Le premier jour de la fête du sacrifice, il parcourt les 300 mètres qui le séparent du lieu où Abraham emmena son fils Ismaël pour le sacrifier. Sur le chemin, il rencontre trois piliers qui symbolisent les trois points où Iblîs tenta de le détourner. Le pèlerin lapide ces piliers avec les cailloux ramassés la veille.
• Puis il faut sacrifier l’animal d’offrande qui symbolise le bélier qu’Abraham a sacrifié à la place de son fils, le manger et en donner la plus grande part aux indigents.

 

 

 

 

Quatrième et cinquième jour : 11 &12 dhû al-hijja : les deux jours de Tachriq

[image:5,s]. Le pèlerin lapide les trois stèles de Mîna, de la plus petite à la plus grande. Sur chacune, il jette sept cailloux en disant : « Allah Akbar » (« Dieu est grand ! »).
• Dernière circumambulation, celle d’adieu, et sortir de l’état de sacralisation. Pour les hommes, se couper les cheveux. Pour les femmes, raccourcir la longueur des cheveux.

Souvent, le pèlerinage se prolonge par une visite à Médine sur les tombes de Mahomet et de ses compagnons. L’hajj promet l’expiation des petits et des grands péchés, à condition que son intention soit sincère et que l’argent utilisé soit licite.
Les musulmans disposent d’une variante sous la forme d’un petit pèlerinage ou ‘umrah, qui se déroulera à n’importe quel moment de l’année, selon des rites spécifiques.

Toujours plus de pèlerins

Objet d’un très grand prestige, il demeure un facteur très important d’unité et d’échanges entre les musulmans du monde entier qui témoignent d’une grande ferveur à cette occasion.
Le hajj reçoit désormais, annuellement, plusieurs millions de pèlerins. Le nombre maximal de participants est imposé par le gouvernement saoudien grâce à l’utilisation de quotas signifiés aux divers organismes organisateurs afin de réguler le flot de pèlerins.
La croissance de la fréquentation est très forte, notamment en raison de l’évolution des transports et de la démocratisation des transports aériens. De 50 000 pèlerins en 1935 et 100 000 en 1950, on est passé à 918 000 en 1974, 1,3 million en 1981 et près de 3 millions cette année, officiellement – certains évoquent des chiffres jusqu’à 5 millions. Ce nombre élevé a causé dans les dernières années plusieurs bousculades mortelles.

Un hajj high-tech

Printemps arabe ou pas, une petite révolution à La Mecque, cette année. Le pèlerinage s’est mis à l’heure d’Internet et du téléphone portable. Les autorités saoudiennes ont opté pour des supports électroniques afin de mieux encadrer les pèlerins.
3,25 millions, c’est le nombre de SMS qu’envoie chaque jour le ministère des Affaires religieuses pour les informer des rites du hajj et les prévenir de ce qui est nuisible. Il s’agit d’une véritable campagne électronique de sensibilisation aux préceptes de l’islam.
Les autorités saoudiennes suivent et canalisent efficacement le mouvement des pèlerins grâce au fichier électronique qui répertorie chaque fidèle sur les Lieux saints.
La Commission de la promotion de la vertu et de la prévention du vice, ou police religieuse, a ouvert sur YouTube une page où elle poste des vidéos et des documents. Sur le même site, le ministère saoudien de la Culture et de l’Information retransmet en direct le pèlerinage.
7 millions de dépliants d’orientation religieux, imprimés dans une dizaine de langues, et 500 000 cd emplis de messages religieux en langue arabe, plus 250 000 cd dans six autres langues sont aussi disponibles.

Le pèlerinage mêle désormais la tradition la plus rigoureuse aux technologies les plus sophistiquées du XXIe siècle. Un autre regard sur l’islam.

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