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Vers un duel entre Mitt Romney et Newt Gingrich ?

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[image:1,l]À six semaines du début des primaires républicaines, le 3 janvier dans l’Iowa, la campagne bat son plein. Mardi 22 novembre, les huit candidats se sont retrouvés dans le Constitution Hall de Washington pour débattre en direct sur CNN. Ce onzième débat était consacré à la politique étrangère et à la sécurité nationale.


Sur scène, toujours les mêmes : Mitt Romney, Newt Gingrich, Herman Cain, Rick Perry, Michele Bachmann, Rick Sartorum, Ron Paul et Jon Huntsman


En débat, les grands dossiers de politique étrangère et la sécurité nationale


Pour protéger les Américains, faut-il renforcer le Patriot Act ?


[image:5,s]Le Patriot ActLoi pour unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme – est une loi antiterroriste votée sous George W. Bush, le 26 octobre 2011, en réponse aux attentats du 11 Septembre  et reconduite récemment jusqu’en 2015.
L’un des axes principaux de ce texte est d’effacer la distinction juridique entre les enquêtes effectuées par la CIA et le FBI dès lors qu’elles impliquent des terroristes étrangers. Il crée aussi les statuts de combattant ennemi et combattant illégal, qui permettent au gouvernement américain de détenir sans limite et sans inculpation toute personne soupçonnée de projet terroriste.


Newt Gingrich a estimé mardi que les Américains seraient tous « en danger pour le reste de notre vie » et qu’il fallait agir en conséquence pour les protéger des terroristes qui, « s’ils le pouvaient, rayeraient l’une de nos villes de la carte ». Ainsi, il entendait justifier le nécessaire renforcement du Patriot Act.
Exemple d’islamophobie ordinaire. L’ex-sénateur Rick Sartorum a pris position, pour sa part, en faveur d’un « profilage » des musulmans dans les aéroports parce que, a-t-il dit, « ce sont ces gens qui présentent le plus de probabilités de commettre ces crimes ». Herman Cain a jugé le « profilage » trop simplificateur et a prôné des « identifications ciblées des passagers. Pour lui, tout doit être mis en œuvre pour lutter contre les terroristes : « Les terroristes ont un objectif que certains semblent ne pas comprendre : ils veulent tuer chacun d’entre nous. Aussi devrions-nous utiliser tous les moyens possibles pour les tuer les premiers ou les identifier les premiers. »
Fidèle aux convictions libertariennes, Ron Paul a rétorqué que ce Patriot Act était une loi « antipatriote ». « Ma conviction personnelle, c’est qu’il ne faut jamais abandonner la liberté pour la sécurité, a-t-il lancé, surtout si les moyens de garantir cette sécurité sont confiés à l’État fédéral.»


Quelle présence conserver en Afghanistan ?


[image:6,s]« On ne peut simplement tourner le dos à ce qui se passe dans cette partie du monde » a déclaré Mitt Romney. Effectuer un retrait trop rapide des troupes américaines « mettrait en grand péril les sacrifices extraordinaires qui ont été faits », a-t-il ajouté. « L’Amérique ne doit pas battre en retraite ». Il a plaidé pour le maintien sur place d’une force susceptible de collecter des renseignements et d’effectuer des opérations spéciales. Newt Gingrich semblait partager le point de vue de son rival.
Jon Huntsman, ancien ambassadeur américain à Beijing, a aussitôt répliqué en soulignant que les États-Unis devaient baisser drastiquement le nombre de troupes sur place, soulignant que les Américains avaient atteint « des objectifs importants en Afghanistan ». « Nous avons démantelé les talibans, nous les avons jetés hors de Kaboul (…) nous avons tué Oussama Ben Laden », le chef d’Al-Qaïda, a-t-il détaillé. Ron Paul va encore plus loin, fidèle à son anti-interventionnisme et à son opposition à la guerre extérieure en général : « que les troupes américaines rentrent à la maison. »


Le Pakistan, un allié ou une menace ?


Les candidats républicains ont également évoqué le Pakistan, pays avec qui les États-Unis entretiennent des relations crispées depuis le raid américain qui a conduit à l’élimination de Ben Laden en mai dernier.
Pour la candidate conservatrice Michele Bachmann, les États-Unis doivent maintenir une aide à Islamabad, où ils ne doivent « pas perdre (leur) influence ». Le Pakistan « est l’un des pays les plus violents, instables qui soient », a-t-elle souligné avant d’ajouter : « À ce stade, je maintiendrais l’aide, et je crois que la politique qui consiste à « croiser les doigts » d’Obama ne marche pas au Pakistan », s’attirant aussitôt une réplique sèche du gouverneur du Texas, Rick Perry. « Le fond du problème, c’est que (les Pakistanais) montrent jour après jour qu’on ne peut pas leur faire confiance. Et jusqu’à ce que le Pakistan montre clairement qu’ils ont les intérêts américains à l’esprit, je ne leur enverrais pas un penny », a-t-il dit.


Comment stopper les velléités nucléaires de l’Iran ?


[image:4,s]Les candidats sont unanimes sur le risque que constituerait, pour la région et le reste du monde, l’obtention de l’arme nucléaire par l’Iran.
Mitt Romney  a ainsi assuré qu’il apporterait une aide à Israël si l’allié de Washington devait s’attaquer à l’Iran. Newt Gingrich s’est dit, lui, prêt à bombarder les installations nucléaires iraniennes.


Deux prises de position iconoclastes


La promesse d’une première visite officielle à Israël, pour Mitt Romney

Mitt Romney a marqué les esprits en annonçant que son premier voyage à l’étranger, s’il était élu, l’emmènerait en Israël, alors que les nouveaux présidents américains se rendent traditionnellement au Canada ou au Mexique.


Une régularisation sous condition des sans-papiers, pour Newt Gingrich

Newt Gingrich a de façon assez iconoclaste pour un républicain, défendu une régularisation, sous certaines conditions, des sans-papiers qui ont une famille aux États-Unis. Il a pris un risque majeur en prônant une politique « humaine » à l’égard des immigrés clandestins : « Je suis prêt à encaisser les critiques et dire « soyons humains » en appliquant la loi sans leur donner la citoyenneté, mais en trouvant une façon de leur donner un statut légal qui ne les séparent pas de leurs familles ».
Les critiques n’ont pas tardé. Michele Bachmann a notamment déclaré que l’approche de Gingrich rendrait « les 11 millions de personnes qui sont ici illégalement, légales ». Mitt Romney a répliqué qu’il était opposé à toute « amnistie » qui permettrait aux clandestins de rester légalement aux États-Unis.
La déclaration de Gingrich rappelle celle qui a contribué à déloger Rick Perry du premier rang dans les sondages. Lors d’un débat, le gouverneur du Texas avait traité de « sans-cœur » les critiques de sa politique de contribuer au financement des études universitaires des jeunes immigrés clandestins.


Le verdict


Par nature, tant côté républicain que démocrate, les primaires sont des courses à rebondissements, par élimination. Si ce processus de décantation semble particulièrement lent lors de cette édition républicaine en vue de la présidentielle de 2012, où aucun candidat n’apparaissait, à l’origine, doté d’une légitimité, d’une expérience ou d’une stature indiscutables, il semble désormais que l’on y voit plus clair. En tête, les jeux sont loin d’être faits mais certains déjà peuvent ravaler leurs ambitions.


Les primaires, un lent processus de décantation


Des accusations de harcèlement sexuel et voici le candidat montant, Herman Cain, out.
Des trous de mémoire lors d’un débat télévisé, et c’est l’un de ses concurrents, Rick Perry, dont la verve ne lui avait jusque-là pas fait défaut, qui mord à son tour la poussière.
Michele Bachmann ? Peu crédible pour nombre de républicains qui voient dans l’égérie du Tea Party un discours bien trop radical, donc peu audible à l’échelle nationale.
Tous à terre, après une belle envolée dans les sondages.
John Huntsman, brillant et expérimenté mais trop tendre. Rick Sartorum et Ron Paul, marginaux.


Il en restait donc un, parmi les principaux rivaux du mormon Mitt Romney, à n’avoir pas encore goûté au crépitement des flashs, et à croire véritablement en ses chances.


Nouveau favori des  sondages, Newt Gingrich avait le plus à perdre


[image:2,s]Newt Gingrich était celui qui avait a priori le plus à perdre de cette nouvelle confrontation. Depuis une dizaine de jours, il a pris la tête dans les sondages d’intentions de vote dépassant de peu Mitt Romney – 24 % contre 22 % dans le dernier sondage Ipsos/Reuters publié dimanche 20 novembre.
À en croire ces résultats, Newt Gingrich réalise un retour fracassant dans l’opinion publique républicaine, alors que cinq mois plus tôt, tous les observateurs avertis le voyaient « fini ». En juin dernier, ce conservateur pur et dur était lâché par une partie de son staff. Les finances de sa campagne étaient au plus bas. Sa cote de popularité guère plus élevée. Selon ses propres mots, c’était une « expérience proche de la mort ». Mais le revoilà. Bien vivant. Acerbe dans ses déclarations. Il a tenu bon.
Serait-il en passe de retrouver ses réflexes d’animal politique ? Ses concurrents auraient tort d’oublier que ce sont ces réflexes qui lui avait valu le titre d’homme de l’année 1995, décerné par le magazine Time, pour son opposition à l’administration Clinton alors qu’il occupait la présidence de la Chambre des représentants.


Vers un duel Mitt Romney-Newt Gingrich ?


[image:3,s]Mitt Romney, l’ex-gouverneur du Massachusetts, lui aussi, est toujours là, bien là. Si son discours et son positionnement, plus modérés que ses principaux rivaux, le privent du soutien des républicains les plus conservateurs, c’est son réalisme qui, quelque part, le présidentialise. Avant d’être président, ne faut-il pas « faire président » ? C’est son cas.


La cristallisation des intentions de vote pourrait être en passe de se réaliser autour de ces deux candidats. Si ces positions se confirmaient, les conditions d’un duel se mettraient en place et les deux favoris pourraient alors commencer à tenter d’obtenir le ralliement contre leur adversaire et à séduire les franges les plus éloignées de leur cœur de cible, et à attaquer de manière plus frontale Barack Obama pour tenter de prouver leurs capacités respectives à faire chuter le président sortant. C’est la deuxième étape des primaires.


Un signe qui ne trompe pas : tout au long de la soirée, organisée à Washington, les deux hommes se sont gardés de toute attaque trop virulente, veillant à se placer au-dessus de la mêlée. Pourtant, au moindre faux pas, tout pourrait être remis en cause. 

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