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Discours sur l’état de l’Union : Barack Obama en campagne

[image:1,l]C’est en se félicitant que les soldats américains ne combattent plus en Irak et que le chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, ne soit plus « une menace », que Barack Obama a entamé son troisième discours sur l’état de l’Union, rendez-vous annuel du président des États Unis devant les deux chambres du Congrès.

Barack Obama version 2012 est président en exercice, mais il est aussi candidat à un second mandat. Sa stratégie de campagne est désormais claire. À neuf mois de l’élection présidentielle, elle s’appuie sur des thèmes et des valeurs authentiquement démocrates et rompt avec le message consensuel de 2008.

Réformer la fiscalité pour taxer les riches…

Barack Obama a fait part de sa détermination à engager une réforme profonde de la fiscalité fédérale qui reviendrait sur les dispositions avantageuses pour les détenteurs de capitaux, héritage de son prédécesseur républicain George W. Bush. Sa proposition : un taux d’imposition minimal de 30 % sur les revenus des millionnaires. À l’inverse, il ne souhaite pas que les 98 % d’Américains gagnant moins de 250 000 dollars par an voient leurs impôts augmenter.
Soutenue – une anecdote – par le plus riche de ces millionnaires, Warren Buffett, cette proposition n’en reste pas moins source de désunion. Elle séduit à gauche, effraie à droite. Alors qu’il s’est heurté à plusieurs reprises à l’opposition des parlementaires républicains sur des initiatives assez similaires, Barack Obama les a mis au défi de s’opposer à cette proposition, avec le risque d’apparaître comme uniquement préoccupés par les plus fortunés.

Le sujet a néanmoins mis en difficulté celui qui apparaît encore comme le mieux placé pour décrocher l’investiture républicaine au terme des primaires, le millionnaire Mitt Romney. Pressé de présenter sa feuille d’imposition, il a révélé, mardi, après de longues tergiversations, qu’il n’était soumis qu’à un taux d’imposition d’environ 15 % – alors que le taux maximum pour les salariés grimpe jusqu’à 35 %. Mais taxer les plus riches suffira-t-il à redresser l’économie du pays ?

… et inciter les entreprises à produire davantage aux États-Unis

Barack Obama ouvre un autre front, fondé lui aussi sur l’arme fiscale. Il a déclaré qu’« à partir de maintenant, toute entreprise multinationale devra payer un impôt minimal » aux États-Unis, alors que, jusqu’à présent, leurs profits à l’étranger échappent au fisc américain. Il a également annoncé son intention de mettre en œuvre des déductions d’impôts plus fortes pour les entreprises manufacturières qui créent des emplois dans le pays, en particulier dans le domaine des techniques de pointe.
Avec un taux de chômage de 8,6 %, historiquement très élevé pour les États-Unis et supérieur à tout taux ayant permis à un président sortant d’être réélu, Barack Obama sait qu’il doit faire de l’emploi une de ses priorités.

Un discours placé sous le signe de la justice sociale

Les effets de la crise, mais aussi les revendications des « indignés » du mouvement Occupy… la notion de justice sociale pourrait séduire les électeurs, les démocrates à coup sûr, mais aussi les indépendants centristes. Alors que les primaires républicaines pourraient tarder à rendre leur verdict et tourner à un duel sans retenue entre le millionnaire modéré, Mitt Romney, et le héraut conservateur, Newt Gingrich, Barack Obama tente, dans un premier temps, de rallier à sa cause le camp démocrate en revenant aux fondamentaux. Dans son discours, il a parlé de « fair deal », la justice et l’équité, un terme qu’avait lancé un de ses prédécesseurs démocrates, Harry Truman, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Sortie de guerre, sortie de crise, même combat.

Les relations avec le monde passent au second plan

Si Barack Obama a entamé son discours avec l’Irak et Al-Qaïda, c’est sous l’angle de la politique intérieure qu’il a abordé ces questions : hommage aux soldats américains et sécurité nationale. La politique intérieure a largement dominé son heure d’intervention. C’est la confirmation d’une tendance observée tout autant dans les débats de la primaire républicaine. 2012 est placé sous le signe de l’Amérique d’abord. Face aux défis que traverse le pays, face aux difficultés auxquelles sont confrontés les Américains dans leur ensemble, l’heure est au repli sur les problématiques domestiques – à ne pas confondre toutefois avec de l’isolationnisme.

La concurrence économique de la Chine, enjeu national

Barack Obama a évoqué la concurrence économique de la Chine et s’est dit décidé à ce qu’elle s’effectue à armes égales, en promettant de combattre davantage le piratage et la concurrence déloyale attribués à ce pays, via un nouvel organisme. Il a notamment insisté sur le danger que constituaient, pour les usagers, certains produits chinois de piètre qualité, ne respectant pas les normes de sécurité.

Ferme face à l’Iran, solidaire des forces démocratiques arabes

Les deux principaux sujets de politique étrangère abordés directement ont été les tensions avec l’Iran, en raison des ambitions nucléaires de Téhéran, et les suites du Printemps arabe. Concernant le programme nucléaire iranien, Obama a assuré  qu’une résolution « pacifique » était « encore possible », mais que « toutes les options » restaient sur la table. Et face à l’instabilité née des révoltes contre les régimes autoritaires dans le monde arabo-musulman il y a un an, Barack Obama a promis que son pays resterait solidaire des forces démocratiques pour lutter contre « la violence et l’intimidation ».
Si les problématiques intérieures doivent dominer la campagne, l’extérieur ne sera pas totalement absent, et cela d’autant plus qu’une crise internationale, où qu’elle intervienne, pourrait d’un coup modifier les termes du débat présidentiel.

Tournée de campagne

La stratégie de Barack Obama lui aura-t-elle permis de prendre d’emblée la main dans cette campagne ? En 2008, il avait su déceler le désir de changement de ses compatriotes après les divisions de l’ère Bush. Sa réélection en 2012 dépendra largement de sa capacité à percevoir une nouvelle fois l’atmosphère ambiante.
Au lendemain de son discours, Barack Obama entend privilégier la « microécoute » de l’électeur. Il s’embarque, mercredi 25 janvier, dans une tournée de trois jours à travers l’Iowa, l’Arizona, le Nevada, le Colorado et le Michigan, cinq États où devraient se jouer la présidentielle le 6 novembre. Un président-candidat en campagne.  

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