Site icon La Revue Internationale

L’armée égyptienne s’accroche à son trésor

armee_-_gigi_ibrahim.jpgarmee_-_gigi_ibrahim.jpg

[image:1,l] Un an après la révolution égyptienne inachevée, de lourdes questions se posent sur l’avenir incertain du pays le plus peuplé du monde arabe.

Beaucoup d’interrogations pour le futur

Les Égyptiens peuvent-ils croire en une démocratie alors que leur histoire est faite d’autocraties successives ? Quel sera le rôle de la religion dans le façonnement d’une nouvelle Constitution ? Quelle sera la conséquence de la victoire des partis islamistes sur les droits de la minorité chrétienne, des femmes et de tous ceux qui ont tant œuvré, pendant cette révolution, pour faire de l’Égypte une grande nation démocratique ?

Mais de toutes ces questions qui jettent une ombre sur l’Égypte, l’une d’elle résonne plus particulièrement dans le tumulte du Printemps arabe qui continue à enflammer la région : quel rôle jouera l’armée dans la nouvelle Égypte ?

L’armée veut préserver son pactole

Les militaires abandonneront-ils l’exécutif, actuellement aux mains du Conseil suprême des forces armées (CSFA), comme promis au peuple égyptien et aux bienfaiteurs américains ?

Car pour les 350 000 membres de la puissante armée égyptienne, tout est en jeu dans cette histoire de succession et de transmission du pouvoir, particulièrement les 1,3 milliard d’aide annuelle offerte par les États-Unis et les nombreux autres milliards de dollars de l’empire économique que l’armée a su se créer depuis soixante ans.

Un calendrier est fixé, les généraux en place l’ont dit publiquement et des responsables américains l’ont confirmé, la transition est prévue pour le mois de juillet, lorsque le premier président de l’histoire moderne égyptienne prendra ses fonctions.

Les militaires laisseront-ils sa place à la démocratie ?

Mais le processus politique en Égypte ne tient pas compte de ce calendrier. La décision de Mohamed El Baradei, le 14 janvier dernier, de retirer sa candidature, en est le témoin le plus frappant. Il s’est retiré de la course avant qu’elle ne commence vraiment, car selon lui, le CSFA et les forces de l’ancien régime étaient toujours fermement en place et ne permettraient pas la mise en place d’un gouvernement civil pour appliquer les réformes nécessaires à l’installation d’une démocratie.

Un véritable empire économique…

De nombreux analystes et officiers à la retraite soutiennent l’idée selon laquelle la brutalité croissante de l’armée préfigure le fait qu‘elle ne laissera pas facilement le pouvoir lui échapper, notamment parce qu’elle cherchera à préserver ses tentaculaires intérêts économiques, qui s’étendent de l’industrie hôtelière à la grande distribution en passant par l’immobilier.

Comme tant de choses dans le monde, il semble que tout ne soit qu’une affaire d’argent. Mais de combien parlons-nous exactement ? Global Post a passé plusieurs mois au Caire et à Washington pour tenter d’avoir une idée du montant, même s’il n’est pas précis, de la puissance économique de l’armée.

Nouvellement élu député et leader intellectuel public, Amr Hamzawy et d’autres membres de partis libéraux plus laïcs ont annoncé leur intention de défier directement le CSFA afin d’avoir une meilleure visibilité de la fortune de l’armée.

… face à une population démunie

Les généraux à la retraite héritent souvent d’avantages extravagants et peuvent, sans difficulté, se retrouver chefs d’entreprises sans même n’avoir jamais eu d’expérience en affaires. Cette « tradition » est désormais décriée de toute part en Égypte, un pays dans lequel 40 % de la population vit avec moins de 2 $ par jour.

Combien de dollars en poche ?

Depuis 60 ans, l’empire financier de l’armée a été complètement caché au Parlement, qui dans le passé était élu après des élections truquées et non équitables. Amr Hamzawy, ancien directeur de recherche pour le centre Carnegie pour le Moyen-Orient et professeur de sciences politiques à l’université du Caire, a étudié l’économie de l’armée et de l’Égypte pendant des années. Il estime que les militaires contrôleraient plus de 30 % de l’économie du pays, soit 60 milliards de dollars sur un PIB avoisinnant les 180 milliards de dollars.

C’est pourquoi, selon lui « ils veulent sécuriser leurs actifs économiques » en essayant de préserver les vestiges de l’ancien régime, ce qui leur permettrait de continuer à ignorer les questions de transparence et de responsabilité devant le Parlement. D’autres, plus prudents, comme Mohamed Kadry, un général à la retraite et analyste militaire pendant longtemps pour le Centre Al Ahram pour les études stratégiques et politiques, annonce une estimation de 8 % du PIB, soit 15 milliards de dollars. Diplomates occidentaux au Caire et experts égyptiens interrogés par Global Post se positionnent, pour la plupart, entre ces deux estimations, autour de 35 milliards de dollars.

Un secret bien gardé

En vérité, personne a vraiment une idée précise de l’étendue de la puissance économique de l’armée égyptienne. Car les régimes autoritaires successifs se sont bien arrangés pour que ces chiffres demeurent toujours secrets.

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

Quitter la version mobile