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Corée du Nord, Afghanistan, Arabie Saoudite, Somalie et Iran. Dans le classement 2012 de l’Index mondial de la persécution des Chrétiens dans le monde, ces cinq pays arrivent en tête. Au fil de ses deux mille ans d’histoire, le christianisme et les Chrétiens ont toujours été, par endroits, persécutés. Aujourd’hui, les violences, intimidations et discriminations que subissent certains Chrétiens dans plusieurs pays du monde, connaissent une recrudescence et semblent en passe de réveiller l’opinion publique, pratiquante ou pas.
Parmi les associations qui viennent au secours de ces victimes, l’Organisation non gouvernementale Portes Ouvertes est engagée dans ce combat depuis 1976. Son président, Michel Varton, constate, depuis sa création, les souffrances qui sont infligées à des communautés entières, aux quatre coins du monde. Malgré un bilan 2012 peu optimiste, Michel Varton en est convaincu : « Vivre libre n’est jamais sans espoir ». Rencontre avec un homme qui a foi dans l’évolution du monde…
La religion la plus persécutée au monde
JOL Press : Quels sont vos critères pour déterminer l’état de la persécution des Chrétiens dans chaque pays ? Qui sont vos relais sur place pour obtenir vos informations ?
Michel Varton : Portes Ouvertes France est partenaire d’Open Doors International, une des plus grandes organisations de soutien aux Chrétiens persécutés. Nous avons donc une vingtaine de bureaux dans le monde et nous pouvons agir dans 60 pays. Nos équipes sont tous les jours sur le terrain pour étudier la situation des Chrétiens dans chaque pays. Cette situation, nous l’analysons selon plusieurs critères. Nous étudions d’abord la constitution du pays, le fonctionnement de l’Eglise et sa relation avec l’Etat, la liberté de culte des chrétiens. Puis, nous regardons ensuite la liberté individuelle des individus et nous constatons les différents cas de persécution. Dans les pays où les Chrétiens sont persécutés, les croyants peuvent être victimes d’arrestations, de harcèlements physiques. Souvent, ils sont les cibles de discriminations à l’école ou sur leur lieu de travail. Leurs maisons peuvent être incendiées, ils peuvent être obligés de fuir ou de renoncer à leur foi.
La persécution a plusieurs visages
JOL Press : Vous soutenez les Chrétiens de manière spirituelle, morale et humanitaire. Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets de vos réalisations sur le terrain ?
Michel Varton : Nous sommes auprès des Chrétiens pour les aider à combler leurs besoins, afin qu’ils vivent librement. Si quelqu’un a besoin d’être défendu en justice, nous pouvons lui fournir l’aide d’un avocat. Chaque pays a ses particularités. Le Pakistan a une très grande Eglise, mais les Chrétiens sont considérés comme des citoyens de seconde classe et sont contraints de vivre dans des ghettos. La plupart ne savent ni lire, ni écrire. Nous organisons des cours d’alphabétisation. Et si les premiers à venir sont les 15-20 ans, de nombreuses personnes plus âgées, 50-60 ans, viennent aussi s’instruire pour la première fois. Etre analphabète empêche de trouver sa place dans la société. C’est le même problème avec le chômage. Au Tadjikistan, les Chrétiens sont très nombreux à ne pas avoir de travail. Nous avons mis en place un système de microcrédit, ce qui permet à l’un d’acheter une voiture pour devenir chauffeur de taxi ou à l’autre d’ouvrir un petit commerce. Lorsque l’on a une vraie place dans la société, on est forcément moins faible devant la persécution.
JOL Press : Peut-on dire, aujourd’hui, que le christianisme est la religion la plus persécutée au monde ?
Michel Varton : C’est notre conviction. Nous n’avons pas les chiffres pour le prouver, mais nous ne sommes pas les seuls à le dire, le christianisme est devenu la religion la plus persécutée au monde.
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Ces pays qui combattent le christianisme
JOL Press : La Corée du Nord arrive en tête de votre classement. Quelle est la situation des Chrétiens dans ce pays. Comment agissez-vous pour eux ?
Michel Varton : Il faut savoir qu’à la fin des années 40, avant que Kim Il-sung devienne chef de l’Etat, la Corée du Nord était très chrétienne, beaucoup plus que le sud de la péninsule. Pyongyang était même surnommée la « Jérusalem de l’Orient ». Puis Kim Il-sung a interdit l’Eglise et les chrétiens ont dû fuir vers le sud. Aujourd’hui la religion est interdite. Il y a trois églises à Pyongyang, qui servent de vitrines au gouvernement, afin de montrer à ses visiteurs que la Corée du Nord respecte la liberté de culte. Mais personne ne peut rentrer dans ces lieux de cultes, mis à part les figurants, obligés de faire acte de présence quand le gouvernement en a besoin. Les chrétiens qui s’affichent sont arrêtés et enfermés dans des camps de concentration. Il y a donc une église souterraine, avec laquelle nous sommes en contact. On estime entre 300 000 et 400 000 le nombre de Chrétiens en Corée du Nord, dont 70 000 seraient emprisonnés.
JOL Press : Le Kazakhstan et la Colombie sont entrés cette année dans votre classement. Pourquoi ?
Michel Varton : La Colombie est un cas particulier puisque les actes de persécution ne viennent pas de l’Etat. Ce sont les narcotrafiquants et les Farcs implantés qui les commettent. De nombreux pasteurs et prêtres sont assassinés. Le Kazakhstan était un pays d’Asie centrale qui, il y a encore cinq ans, était très libre. Mais depuis quelques années, il imite ses voisins et a fortement réduit la liberté de culte de ses citoyens.
JOL Press : Certains pays ne sont pas dans le classement, et pourtant vous les mentionnez dans votre rapport comme le Zanzibar, la Russie et le Mexique. Pourquoi ?
Michel Varton : Notre rapport ne mentionne que les 50 premiers pays qui persécutent les Chrétiens. Mais bien entendu, cette persécution ne s’arrête pas au 50ème pays. La Russie, par exemple, est sortie du classement cette année, elle occupait la 50ème place l’année dernière. Les Chrétiens non-orthodoxes continuent toutefois encore à y subir des discriminations. Si certains pays ne sont pas mentionnés dans la liste, ce n’est pas parce qu’ils sont exemplaires, c’est parce que d’autres sont pires qu’eux.
Espoir d’une prise de conscience mondiale
JOL Press : Selon vous, quel est l’avenir des Chrétiens ? Pensez-vous que les gouvernements prennent conscience de cette persécution ?
Michel Varton : Depuis 2 000 ans, l’Eglise a toujours existé et l’Eglise a toujours été persécutée. Curieusement, ces persécutions explosent là où l’Eglise grandit vite. Son avenir n’est pas remis en question et je ne suis pas inquiet. En revanche, je suis plus inquiet pour ce monde, dans lequel nous vivons, qui ne peut toujours pas accepter le principe fondamental de liberté religieuse. Je pense que les gouvernements et les médias commencent, depuis deux ou trois ans, à prendre conscience de la situation des Chrétiens dans le monde. Pendant des années, personne n’en parlait et il semble que tout le monde se réveille – sans doute depuis les évènements au Proche-Orient – et découvre ce que nous constatons depuis longtemps.
JOL Press : Quels sont les espoirs des pays présents dans le classement ?
Michel Varton : Nous sommes optimistes. La Chine, le Vietnam et Cuba sont des pays dans lesquels la situation des Chrétiens s’améliore et ces exemples sont encourageants. L’objectif de vivre libre n’est jamais sans espoir.
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