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Génocide arménien : la Turquie tourne-t-elle le dos à l’Europe?

[image:1,l] Près d’un siècle après, le génocide arménien continue de représenter un danger pour les relations diplomatiques entre Paris et Ankara. La Turquie refuse en effet de reconnaître le génocide, préférant l’expression « d’aléas de la première guerre mondiale ». Mais la tension était vive entre les deux pays lorsque, lundi 23 janvier 2012 au soir, le Sénat français votait une loi visant à pénaliser la négation du génocide. Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a beau assurer que la Turquie n’est « pas visée », Ankara considère cette initiative comme une attaque contre son histoire et une offense à sa fierté nationale. 

Un nouvel obstacle à l’adhésion de la Turquie dans l’UE

[image:2,s]Les diplomates turcs réunis à Bruxelles ont beau assurer que cette discorde ne concerne que la France et la Turquie, c’est bien toute l’Europe qui est touchée et, plus particulièrement, la question de l’intégration de la Turquie à l’Union européenne. Ce désaccord entre les deux pays membres de l’OTAN pourrait également ébranler l’activité européenne au Moyen-Orient, que ce soit en Syrie ou en Iran. Même si le gouvernement français insiste sur le fait que la Turquie n’est pas expressément visée par la loi, de nombreux Turcs restent persuadés que cela témoigne du désir du président Nicolas Sarkozy de s’opposer à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

Le président français a en effet fait part de ses objections à de nombreuses reprises, même si de nombreux pays ont accepté, en 2005, la candidature de ce pays musulman de 73 millions d’habitants. Pour beaucoup de Turcs (et une partie de l’opinion publique française), il s’agirait également d’un stratagème du président français pour gagner l’électorat arménien afin de s’assurer sa réélection lors du vote d’avril. 400 000 Français descendraient de ces hommes et femmes qui ont fui le massacre perpétué pendant la Première Guerre mondiale.

« La Turquie s’inquiète de voir sa candidature partir en fumée si Nicolas Sarkozy est réélu », confiait Amanda Paul, une experte des relations franco-turques au European Policy Center, un think-thank basé à Bruxelles. Les négociations sur l’entrée de la Turquie ont déjà été gelées à cause d’un différend concernant l’île de Chypre. Les ambitions européennes turques doivent faire face à de nombreux obstacles en plus des commentaires critiques de Nicolas Sarkozy et d’autres politiciens européens.

Mais avec une économie prospère en comparaison de ses voisins frappés par la récession, et avec une influence accrue au G20, dans le Moyen-Orient et dans la région du Caucase, la Turquie en vient à se demander si elle a vraiment besoin de l’Union européenne.

Ankara brandit la menace de représailles

La décision du Parlement français a déclenché la colère de l’opinion turque. La loi, qui a passé les deux chambres du Parlement, ne mentionne pas spécifiquement le meurtre de masse des Arméniens, mais rend criminel et punit d’un an de prison et d’une amende de 45 000 € le fait de « justifier, contester ou minimiser » un génocide ou un crime contre l’humanité reconnu par la France. Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a qualifié la loi de « raciste et discriminatoire ». Son gouvernement menace la France de représailles économiques et commerciales si Nicolas Sarkozy promulgue la loi. Depuis la présentation du texte devant l’Assemblée, en décembre, les Turcs ont déjà gelé leur coopération militaire et économique avec la France.

La France a été le premier grand pays européen, en 2001, à reconnaître le génocide arménien, terme que nie obstinément la Turquie. Selon les historiens, près de 1,5 million d’Arméniens ont été massacrés en Anatolie entre 1915 et 1917. Le centenaire du génocide aura lieu en 2015. D’autres pays, notamment les Etats-Unis, pourraient officiellement reconnaître le génocide.

La loi votée par le Parlement français fait l’objet, depuis mardi 31 janvier, d’un examen par le Conseil constitutionnel, qui doit statuer avant un mois.

La Turquie est, hors de l’Union européenne, le troisième partenaire commercial de la France. Les échanges entre les deux pays ont représenté 12 milliards d’euros en 2011.

GlobalPost/Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Press

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