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Les ONG américaines sous étroite surveillance

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[image:1,l] Habituellement opposés aux militaires, les Frères musulmans qui contrôlent le Parlement ont su se mettre d’accord avec le Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui gouverne le pays. Cette alliance inhabituelle fait grincer des dents à Washington, puisqu’elle a pour but d’organiser des « vérifications » sur plusieurs organisations non-gouvernementales.

Perquisitions et interdiction de sortie du territoire

L’improbable collaboration de la carpe et du lapin vise à enquêter sur un « rôle plus négatif que bénéfique » que pourraient avoir quelques associations occidentales. Avec la bénédiction de l’armée comme du Parlement, la police a effectué, fin décembre, des perquisitions dans les bureaux de dix-sept ONG soupçonnées de « financements étrangers illicites ». Le 31 janvier, plusieurs citoyens des Etats-Unis ont reçu une interdiction de voyager et de quitter Le Caire.

Bien entendu, il ne s’agit pas de n’importe quelles associations. Parmi elles, on retrouve l’International Republican Institute, une association proche du Parti républicain américain et soupçonnée d’avoir participé au coup d’Etat haïtien de 2004. Toutes les autres associations, sans forcément avoir un passé aussi sulfureux que l’IRI, sont proches des sphères politiques américaines. Et surtout, beaucoup visent à former de nouvelles élites politiques pour le pays, ce qui ne fait les affaires ni des Frères musulmans, ni du CSFA.

La justification des autorités égyptiennes pour s’attaquer à ces mouvements pro-démocratie est l’absence de signalement des fonds perçus par ces ONG à l’administration.

Limiter les manifestations antirégime

En interne, les leaders des Frères musulmans ont une autre crainte, beaucoup plus politique : certaines ONG seraient susceptibles de « déstabiliser le pays ». Les activités des ONG visant à établir la démocratie sont suspectées d’aider les manifestants antirégime et de causer de nombreux troubles à l’ordre public. Pour Adel Abdel Menem Ahmed, membre du Parti de la liberté et de la justice (branche politique des Frères musulmans), les sanctions se justifient : « Si l’interdiction de voyager permet de s’assurer qu’il n’y aura pas de déstabilisation du pays par des intérêts étrangers, alors je suis pour ».

Même rengaine chez Mahmoud Helmy, un autre responsable député du PLJ : « La loi sur les ONG est importante. Elle permet de savoir d’où proviennent ces fonds et ce à quoi ils servent. Tant que c’est fait dans le respect de la loi, je pense qu’une enquête est une bonne chose ».

Cette rhétorique a néanmoins fini par lasser certains anciens soutiens des Frères musulmans, notamment chez les jeunes. Déçus par les compromis avec le CSAF, de nombreux militants estiment que l’entrée du groupe islamiste dans le jeu politique les a amenés à chercher le pouvoir plutôt que le changement et la promotion des droits de l’homme.

Ils brandissent l’étendard nationaliste

Pour Shadi Hamid, chercheur au Brooklings Institution Center de Doha (Qatar), ce positionnement politique des Frères musulmans n’est pas surprenant, mais pourrait compromettre leurs relations avec les Etats-Unis. « Dans ce pays qui peine à effectuer sa transition démocratique, les Frères musulmans tentent de rassembler les gens par le nationalisme en brandissant le spectre des profiteurs étrangers souhaitant s’octroyer une part du gâteau égyptien. C’est pour cette raison qu’ils accompagnent l’armée dans l’action contre les ONG. Ils doivent néanmoins faire attention à ne pas trop froisser Washington, car lorsque l’armée aura quitté le pouvoir, ce sont les Frères musulmans qui devront coopérer avec les Etats-Unis. Ce qui est absolument indispensable pour l’économie du pays. ».

Ménager les Etats-Unis

Certains responsables de Justice et Liberté en sont tout à fait conscients. Ahmed El-Nahhas fait partie des leaders historiques du mouvement et vient de déclarer publiquement que l’action des ONG est essentielle au pays et que si le contrôle des fonds reçus par les associations était fondamental, celui-ci ne devait en aucun cas être réalisé par la force.

Une déclaration qui illustre bien le dilemme des Frères musulmans, pris entre deux feux par la volonté d’apaiser la contestation politique et celle de ménager la diplomatie américaine avec laquelle ils devront bientôt traiter.

GlobalPost/Adaptation Emmanuel Brousse pour JOL Press

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