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Un an après, la révolte se radicalise à Bahreïn

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[image:1,l]Petit royaume du Golfe persique à majorité chiite, mais dirigé depuis deux siècles d’une main de fer par une même famille sunnite, le Bahreïn n’a pas échappé au Printemps arabe qui a fait trembler (et parfois tomber) les régimes du Moyen-Orient il y a un an.

14 février 2011 : le Printemps arabe atteint le Bahreïn

[image:2,xs] Après une première intifada de 1994 à 2001, l’accession au trône de Hamad bin Isa al-Khalifa en 2002 avait pourtant laissé augurer une ouverture démocratique. Il n’en a rien été, sinon de timides réformes de modernisation économique. Aussi, lorsque le vent de révolte venu du Maghreb a commencé à toucher Barheïn, le roi Hamad a été contraint à lâcher du lest.

Dans l’espoir d’échapper au destin de ses homologues (le Yéménite Saleh, le Tunisien Ben Ali, l’Egyptien Moubarak et le Lybien Kadhafi) et dans une tentative d’apaisement, le souverain décide de distribuer 1 000 dirhams bahreïnis (2 000 €) aux familles du pays et fait la promesse de créer 20 000 emplois. Mais ces mesures ne suffiront pas à réduire au silence les Bahreïniens qui se rassemblent le 14 février 2011, sur la place de la Perle, au centre de Manama, la capitale. Les revendications pleuvent alors : établissement d’une monarchie constitutionnelle, avancée démocratique, égalité, répartition des richesses. Malgré la répression, les manifestations s’enchaînent.

Finalement, après trois semaines de forte mobilisation populaire, la famille royale fait intervenir l’armée, renforcée par des troupes saoudiennes et émiraties qui permettent au roi d’écraser la contestation, accusée d’être manipulée par l’Iran. L’état d’urgence est déclaré et les rassemblements interdits. Selon un rapport d’une commission d’enquête indépendante établie par l’Union européenne, la répression s’était soldée par 35 morts : 30 civils, dont cinq décédés sous la torture, et cinq membres des forces de sécurité.

La mobilisation ne s’essouffle pas

Malgré la libération de quelques prisonniers et la levée de l’état d’urgence en juin 2011, la mobilisation ne s’essouffle pas. En juillet, le roi décide d’ouvrir un « dialogue de réconciliation nationale » avec l’opposition, notamment le Wefaq, principal groupe de l’opposition chiite. Mais l’affaire tourne court. Les élections du 24 septembre seront marquées par de violents affrontements dans les rues de Manama, qui ne feront qu’alourdir le bilan des victimes des manifestations précédentes. 

En décembre dernier, l’utilisation de gaz lacrymogènes par les forces de l’ordre était qualifiée de « routine nocturne » par la journaliste Lauren Bohn et Washington ne cachait pas son inquiétude face à « l’usage abusif de la force en réponse aux fréquentes manifestations de rue ».

14 février 2012 : le Bahreïn fête l’anniversaire du soulèvement dans le sang

Il n’y aura « pas de dialogue jusqu’à la chute du régime », ont affirmé dans un communiqué de presse les partisans de la révolte du 14 février. Un an après le soulèvement contre la monarchie, la répression est toujours aussi vive et les revendications inchangées. La même violence embrase les rues de la capitale Manama, où retentissaient, ces trois derniers jours, les cris des manifestants venus réclamer l’instauration d’une monarchie constitutionnelle. Hier, lundi 13 février, ces derniers ont lancé des pierres et des cocktails Molotov sur les voitures de police. Les forces de l’ordre ont répliqué en tirant balles en caoutchouc, gaz lacrymogène et bombes assourdissantes.

Ce matin mardi, des véhicules blindés patrouillaient dans les rues de Manama afin de dissuader tout rassemblement. L’accès à la place de la Perle, rasée de son monument éponyme et rebaptisée carrefour Al Farouk par les autorités, est totalement contrôlée par les forces de sécurité. Ces dernières sont intervenues à plusieurs reprises pour disperser des manifestants qui tentaient d’approcher de la place. De nombreux protestataires ont été arrêtés, y compris de jeunes femmes.

Selon Amnesty International, le bilan des émeutes depuis dimanche s’élève à au moins 20 morts.

Un dialogue impossible

« Il n’y aura pas de dialogue entre esclaves et maître », assurait sous les applaudissements le chef du Wefaq, Cheikh Ali Salmane, depuis une localité chiite proche de Manama où des milliers de personnes s’étaient rassemblées, dimanche 12 février, pour dénoncer la dictature des Al-Khalifa, la dynastie au pouvoir, et demander l’instauration d’un régime démocratique. Désormais, nombre de protestataires n’appellent plus simplement à un assouplissement du pouvoir monarchique. Dans des vidéos mises en ligne sur les sites de l’opposition, ils réclament la chute du régime et du roi.

De son côté, le roi Hamad, dans une interview au quotidien allemand Der Spiegel, justifie le manque de dialogue avec la population par « l’absence d’une opposition unifiée » en guise d’interlocuteur. Il a de nouveau accusé l‘Iran de vouloir porter atteinte à la stabilité de son royaume. Dans un discours télévisé lundi, il a appelé à la « cohésion » entre les communautés chiite et sunnite et afffirmé vouloir poursuivre le processus de réforme lancé depuis son accession au trône. Un processus jugé purement symbolique par l’opposition.

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