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Un match de football meurtrier fait 79 morts à Port-Saïd

[image:1,l]Depuis la chute de Hosni Moubarak il y a bientôt un an, l’Egypte a connu des troubles sporadiques et parfois meurtriers, associés à une hausse de l’insécurité liée notamment à un désengagement de la police, qui a été fortement critiquée pour avoir réprimé les manifestants pendant le soulèvement populaire de janvier-février 2011.

Des heurts s’étaient déjà produits le 6 septembre dans un stade du Caire entre la police et des partisans de Al-Ahly qui lançaient des slogans hostiles à l’ex-président Moubarak. Près de 80 personnes avaient été blessées.

Un exemple supplémentaire de violence liée au sport, et au football en particulier ? Les incidents de Port-Saïd semblent ne pas être de la même nature que ceux du Heysel à Bruxelles ou de Sheffield, dans les années 1980. Les scènes de chaos relèvent davantage, semble-t-il, de la politique et démontre, une fois de plus, les difficultés qu’éprouve l’Egypte à tourner la page de la révolution.

Une fin de match sanglante

Le match s’était déroulé normalement. L’équipe Al-Masry de Port-Saïd menait 3 buts à un face à Al-Ahly, un club du Caire, un des meilleurs d’Egypte, sur le point de lui infliger sa première défaite de la saison à la 17e journée du championnat national.
L’arbitre a sifflé le coup de sifflet final, les heurts ont commencé. Malgré leur victoire, des centaines de supporteurs d’Al-Masry ont envahi le terrain et commencé à lancer des pierres et des bouteilles contre ceux d’al-Ahly. Ce sont les supporters locaux qui ont déclenché les violences, selon des témoins et un photographe de l’AFP.
Des supporters se sont affrontés à coups de poings, et selon des sources médicales, plusieurs sont morts ou ont été blessés à l’arme blanche. La panique et les mouvements de foule ont provoqué écrasements et étouffements dans les tribunes. « La majorité des personnes tuées ont été écrasées », a assuré dans un communiqué le ministre de l’Intérieur Mohammed Ibrahim.

Le chaos en direct à la télévision

La télévision d’Etat égyptienne a montré des images de chaos dans le stade, des supporters courant dans toutes les directions. Des photos de joueurs en sang circulaient également sur Internet. 
« Il y a des morts sur le sol! Il y a des morts dans les vestiaires! Je ne jouerai plus au football tant que justice ne sera pas faite », s’est exclamé un joueur de Al-Ahly, Emad Meteab, sur la chaîne de télévision de l’équipe.

Au moins 79 morts et des centaines de blessés

« Le bilan s’élève à 74 morts, dont un policier », a indiqué le ministère de la Santé dans un communiqué, tandis que la télévision d’Etat annonçait le déploiement de l’armée dans cette ville à l’entrée nord du canal de Suez pour « éviter de nouveaux affrontements » entre supporters. Jeudi 2 février, dans la matinée, le bilan a grimpé à au moins 79 morts.
Les affrontements ont également fait 248 blessés, a indiqué le ministère de l’Intérieur, après que la télévision a parlé d’un millier de personnes blessées. Des hôpitaux ont fait état de centaines de blessés.
La police a aussi indiqué avoir arrêté 47 personnes.

Des violences à Port-Saïd et au Caire

Les magasins dans Port-Saïd ont baissé leurs rideaux, tandis que des particuliers aidaient à transporter les blessés dans leurs voitures. Des coups de feu ont été entendus sur la route menant de Port-Saïd au Caire.
Dans le même temps, un incendie s’est déclaré au stade du Caire lors du match oppposant al-Zamalek au club Ismaïly, amenant les responsables à annuler la rencontre. L’incendie a été maîtrisé, a indiqué un responsable de la sécurité.

Le pouvoir militaire en alerte, la police pointée du doigt

Deux avions militaires ont été dépêchés à Port-Saïd pour évacuer les joueurs et les blessés. Le maréchal Hussein Tantaoui, le chef du Conseil suprême des forces armées, au pouvoir depuis la chute en février 2011 de Hosni Moubarak sous la pression de la rue, les a accueillis. La sécurité de l’Egypte « est bonne » a-t-il assuré en attendant leur arrivée sur un aéroport du Caire, a rapporté la télévision.

Le gouvernement devait quant à lui tenir une réunion de crise jeudi 2 février. L’attitude des forces de sécurité durant les incidents est mise en cause. Les autorités ont assuré que les policiers anti-émeutes étaient présents en nombre suffisant, mais qu’ils n’ont pas voulu s’interposer en raison de consignes de modération diffusées après des manifestations meurtrières au Caire en novembre et décembre derniers. Le directeur de la police de Port-Saïd a été démis de ses fonctions jeudi 2 février au matin.

Les Frères musulmans accusent les partisans d’Hosni Moubarak

Les Frères musulmans, grands vainqueurs des dernières élections législatives, ont accusé les partisans du président déchu Hosni Moubarak d’être responsables des violences. « Les événements de Port-Saïd ont été planifiés et sont un message des partisans de l’ancien régime », a affirmé le député Essam al-Erian, membre du parti politique de la confrérie.
Le président du Parlement Saad al-Katatni, membre des Frères musulmans, a indiqué que l’Assemblée du peuple tiendrait une session extraordinaire jeudi.

Le bilan de ces heurts fait de ce match l’un des plus meurtriers de l’histoire du football. Le président de la Fédération internationale de football (Fifa), Sepp Blatter, s’est déclaré « très choqué » et a parlé d’un « jour sombre ».
Mais, il apparait d’ores et déjà que ces événements dépassent largement la seule dimension sportive. 

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